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Le principe de précaution suscite toujours des désaccords profonds

L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques organisait une audition publique sur le principe de précaution. Quatre ans après sa constitutionnalisation, il s'agissait de dresser un premier bilan de son application.

Risques  |    |  S. Fabrégat
   
Le principe de précaution suscite toujours des désaccords profonds
© Robert Gubbins
   
Inscrit dans la constitution depuis le 1er mars 2005, le principe de précaution continue à faire débat au sein des sphères politiques, scientifiques et de la société civile. Si pour ses partisans, le principe de précaution doit permettre de prévenir le risque et d'anticiper les effets néfastes de certaines innovations, ses détracteurs lui reprochent un risque de paralysie de la recherche scientifique, d'étendre la juridiciarisation de la société et de bloquer l'initiative économique et l'innovation technologique. Cette opposition de vues dénote de grandes divergences sur une question fondamentale : le rôle et la place de la science dans notre société actuelle.
L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques organisait le 1er octobre une audition publique afin de faire le bilan de son application quatre ans après son inscription dans la Constitution.

Les craintes des scientifiques

Les plus méfiants vis-à-vis du principe de précaution sont de loin les scientifiques ! Ceux-ci craignent en effet une dépossession de la science, guidée par une trop grande intrusion de la société civile et des autorités publiques dans cette sphère. OGM, antennes relais sont autant d'exemples pour Michel Caboche, directeur de recherche de l'INRA et Maurice Tubiana, de l'Académie de médecine, des problèmes soulevés par le principe de précaution. ''Les associations et citoyens demandent leur interdiction sans preuves scientifiques, analyse Maurice Tubiana. Le principe de précaution est parfois vécu par les scientifiques comme la non exploration de domaines inconnus, analyse Roland Masse, membre fondateur de l'Académie des technologies. Le recours au principe de précaution aboutit à l'interdiction, au blocage de la recherche scientifique, alors que la meilleure réponse est l'expérimentation, explique Michel Caboche. Il faut mettre des garde-fous à l'application de ce principe. Le progrès de la connaissance est le meilleur moyen de contrer le danger.''
Pour Maurice Tubiana, ''alors que son objectif était de diminuer le risque et de rassurer l'opinion, un sondage réalisé en 2009 a démontré que la population était peu rassurée et que la méfiance envers la science augmentait. En France, il y a une peur du futur, de la science et un véritable pessimisme ambiant. Le principe de précaution a donné le primat aux émotions sur la rationalité. Autre défaut de ce principe selon lui, il a donné aux magistrats la responsabilité de trancher sans leur donner de cadre, de loi ni de formation spécifique.
Selon Olivier Godard, directeur de recherche au CNRS, il y a une absence de cadre public organisé. Il faut créer une instance qui puisse être saisie. Aujourd'hui, on se retrouve avec un principe flottant laissé à la libre appréciation des autorités publiques et des juges. L'élaboration du principe a été laissée à mi-chemin.''

Le point de vue des juges

Pourtant, selon Christine Noiville, juriste et directrice du centre de recherche en droit des sciences et des technologies, la justice est relativement prudente dans l'application du principe de précaution : ''la Cour européenne de justice fixe des bornes au principe de précaution, avec deux maîtres mots : rigueur scientifique et action. Celle-ci base ses décisions sur une évaluation précise du risque et une exigence de fonds : le risque redouté ne doit pas être un fantasme. Il faut que le risque soit suffisamment documenté par des indications scientifiques précises. Finalement, le risque doit être au moins plausible pour justifier la mesure de précaution. La peur ne suffit pas.''
Christine Noiville est donc relativement sévère quant aux récentes décisions de justices sur les antennes relais. Même si celles-ci, comme l'arrêt de la Cour de Versailles de février 2009, n'appliquent pas le principe de précaution mais basent leurs décisions dans ce cas notamment sur le trouble normal de voisinage, ''elles constituent une régression du principe de précaution. Pour Yves Jegouzo, professeur à l'université de Paris I, il y a un glissement insidieux de la précaution à la prévention.''

L'utilité du principe de précaution

Alain Grimfeld, président du comité de prévention et précaution auprès du MEEDDM, tempère les débats. Pour lui, la difficulté de la décision publique est ''qu'elle doit être prise dans une situation d'incertitude. L'évaluation du risque permet alors d'éclairer la décision. Le principe de précaution doit donc s'accompagner d'un arsenal de recherche et être révisable. Le scandale de l'amiante est une preuve pour lui de l'utilité du principe de précaution : on a mis 30 ans à agir et réagir. Aujourd'hui, cela coûte 30 Mds d'euros par an à la France.''
François Eswald, philosophe et président de l'observatoire du principe de précaution, pense que le principe de précaution a profondément changé la donne : ''c'est la face immergée d'une transformation beaucoup plus importante de la décision publique et de l'organisation de l'Etat, c'est la naissance d'une forme politique nouvelle. Il y a une déconnexion de la prise de décision politique et scientifique. Le principe de précaution souligne le doute que la société a sur la capacité de la science à appréhender le risque à un moment donné. La connaissance scientifique évolue et la société ne veut plus être dans des situations d'après coup. Le problème n'est plus l'inconnu mais l'erroné.''
Autre apport du principe de précaution selon le philosophe : ''il introduit le citoyen dans la prise de décision. Cela fait apparaître un univers de valeurs qui fait sortir le principe de lui-même. Le débat ne porte plus seulement sur l'objectivation du risque, comme l'ont montré les récentes décisions sur les antennes relais. Les gens n'en veulent pas non pas parce que leur dangerosité est prouvée mais parce que cela trouble leur tranquillité. Le problème n'est plus alors la gestion du risque mais la gestion d'un rapport social.''

Réactions1 réaction à cet article

le principe de precaution

sujet interessant qui fait peur meme aux peuples du tiers monde (je vous adresse mes remarques du MAROC..).
a mon avis le probleme reside en partie dans la technique et par consequent dans la science d'evaluation du risque.
A qui doit on confier cette decision scientifique?
que les scientifiques craignent ce "principe de précaution",,ceci signifie beaucoup d'incertitude dans leur demarche.une crainte supplementaire qui nous(public)fait davantage peur .nous avons bien sur peur de l'avenir ,surtout si'il est entre les mains des scientifiques politiciens ou politisés.
les responsabilites doivent etre mieux definies entre le scientifique ,l'etat ,et le public .

omarmounaz | 11 octobre 2009 à 14h05 Signaler un contenu inapproprié

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