Un écart de 1,47 Md€ : la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans un rapport remis mercredi 5 juin, alerte sur le décalage entre les coûts supportés par EDF et les tarifs réglementés fixés en 2012.
"Cet écart est dû en partie à une hausse des tarifs inférieure à ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts alors estimés", souligne la CRE.
Si le rattrapage de l'écart constaté était effectué intégralement sur un an, il entraînerait une hausse supplémentaire sur les tarifs bleus de 7,6%.
Pour maintenir en état le parc de production, en améliorer sa disponibilité et le développer, EDF a augmenté ses dépenses annuelles entre 2007 et 2012. Principale cause de l'alourdissement de la facture : le déploiement de programmes de maintenance sur le parc nucléaire et le démarrage des mesures post- Fukushima. Les nouveaux moyens de production nucléaire pèsent également lourd. Ainsi d'après EDF, le coût total de l'EPR de Flamanville s'élèverait à environ 8,5 Md€ pour une première production commercialisable prévue en 2016.
Une hausse prévisible des dépenses à l'avenir
"Cette tendance haussière des dépenses d'investissement devrait se confirmer dans les années à venir", prévoit la CRE.
Le besoin en fonds de roulement a également connu une forte progression, pour une grande part liée à la croissance de la créance de la Contribution au Service Public de l'Électricite (CSPE). Cette dernière est passé de 415 M€ en 2007 à plus de 3 Mds€ en 2011. Toutefois, fin 2012, EDF et l'État ont négocié pour que cette créance de CSPE soit qualifiée de créance d'État.
Les charges d'exploitation ont, quant à elle, augmenté sur la même période de 2,5Md€ et devrait poursuivre sur cette lancée à l'horizon 2015.
Autre problématique : le maintien des compétences. Selon la CRE, "le renouvellement des compétences et le renforcement du programme de maintenance entraînent une augmentation structurelle des charges de personnel, qui représentent plus de 40% des charges fixes d'exploitation".
Evolution du coût du personnel affecté à l'activité commerciale, du transfert des données relatives aux clients vers les nouveaux systèmes d'information de la branche commerce et du déploiement des certificats d'économie d'énergie, dans le même laps de temps, les coûts commerciaux ont connu une hausse de 6,3% par an.
Equilibre offre-demande, aléas climatiques et techniques, aux coûts fixes s'ajoutent ceux - variables - qui dépendent des volumes de productions des différentes filières.
En moyenne, sur la période 2007-2012, les achats de combustible nucléaire ont pesé pour 31%, ceux de combustibles fossiles (CO2 compris) pour 15% et les achats équivalent marché, imposés par les volumes d'électricité produits par les installations soumises à l'obligation d'achat, pour 30%.
L'impasse des tarifs d'électricité ?
"L'évolution des tarifs à envisager à l'été 2013 pour couvrir les coûts estimés par la CRE se situe entre 9,6% et 6,8% pour les tarifs bleus - respectivement sans ou avec une hypothèse d'un allongement comptable de 10 ans de la durée d'amortissement des centrales nucléaires en 2013 -", souligne dans un communiqué la Commission.
Dans un communiqué, le Gouvernement assure ne pas envisager "de procéder au rattrapage du retard accumulé depuis plusieurs années immédiatement compte tenu de la situation du pouvoir d'achat". Après une analyse des facteurs d'évolution et des mesures de correction envisageables, la décision tarifaire pour 2013 devrait être prise au mois de juillet.
"Au vue du rapport de la CRE, ne sommes-nous pas dans une impasse?", interrogeait François Brottes, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'audition de Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, mercredi 5 juin.
"Il faudra examiner la question des trajectoires d'évolution tarifaire globalement, a t-elle notamment répondu, le statu quo n'est pas une option". La ministre a également mentionné la responsabilité du sous investissement dans le passé dans le parc électronucléaire.
"Il faut à toute force éviter les demi-mesures : repousser aujourd'hui la hausse du prix de l'électricité pour protéger le consommateur consiste à solliciter demain le contribuable, réagissent dans un communiqué Elise Lowy et Jean-Philippe Magnen, porte-parole d'Europe Ecologie, les Verts, amoindrir la hausse de prix par la manipulation illusoire de l'allongement comptable de la durée de vie des centrales à 50 ans met gravement en cause la sécurité des populations, demander à EDF de faire davantage d'économies est impossible alors que l'opérateur ne peut cesser d'investir, et notamment dans la sûreté".
Ils préconisent tout d'abord l'extension du tarif de première nécessité (loi Brottes) associée à la tarification progressive. Ils souhaitent également le lancement d'un programme massif de maîtrise de l'énergie. "Un Français consomme 25 % d'énergie de plus qu'un Allemand pour la même qualité de vie", rappellent-ils.