
Mais cette situation risque de ne pas durer. Sachant que le système français est basé sur le principe de ''l'eau paie l'eau'' via les redevances eau et assainissement, autrement dit les consommateurs d'eau paient pour les investissements en faveur de l'eau, de nombreux facteurs pourraient provoquer une hausse des prix à l'avenir.
De nouvelles exigences réglementaires
Concernant la potabilisation de l'eau qui représente 50% du prix du m3, de nouveaux seuils de plomb par exemple vont entrer en vigueur en 2013. Selon la directive de novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, la concentration en plomb dans l'eau au robinet ne doit pas excéder 25 µg/l depuis 2003 et ne devra pas dépasser 10 µg/l à compter de 2013. Ce qui implicitement nécessite la suppression des branchements et des canalisations en plomb. Or, avec ses 700.000 branchements en plomb, la France est fortement concernée et bien loin d'être en avance : ''pour certains services d'eau potable cette préoccupation est totalement absente alors que la directive date de 1998'', a expliqué David-Nicolas Lamothe du cabinet àpropos à l'occasion d'un colloque de l'Office International de l'Eau (OIEau). ''Certains misent d'ailleurs sur un recul de l'échéance, mais il ne faut pas y compter'', a-t-il ajouté.
Le coût de ce remplacement sera très variable en fonction des situations locales mais pour les petites collectivités, la facture risque de peser fortement sur les budgets : ''pour un service de 3.000 abonnés qui distribue 600.0000 m3/an et qui doit remplacer 1.200 branchements d'ici 5 ans, à 1.000 € par branchement, on arrive à une hausse du prix de l'eau de 0,4€/m3'', a calculé David-Nicolas Lamothe.
Côté assainissement, la situation est similaire. Les exigences de la directive Eaux Résiduaires Urbaines (ERU) ont conduit de nombreuses collectivités à réaliser des travaux de mise aux normes de leurs stations d'épuration. Mais les stations dont la capacité épuratoire est inférieure à 10.000 équivalents habitants ne les respectent pas encore ce qui augure une hausse des investissements dans les années à venir.
Et ce sera sans compter la mise en place de la Directive Cadre sur l'Eau de 2000 et ses échéances à atteindre pour 2015. En effet, cette DCE engage les Etats membres dans un objectif de reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ce qui sous-entend une multiplication des analyses, qui pour certains polluants peuvent être coûteuses, et de nouvelles installations de traitement. ''Selon les simulations effectuées par l'agence de l'eau Artois-Picardie, la mise en place de cette directive pourrait provoquer une hausse du prix de l'eau de 1 à 2€/m3 d'ici 2015'', a expliqué Yann Laurans du cabinet Ecowhat.
Une baisse de la consommation d'eau
Alors que les besoins en investissements risquent de grimper, les recettes, elles, tendent à diminuer. La baisse des consommations résultant des politiques de sensibilisation de la population et la multiplication de l'utilisation de l'eau de pluie inquiètent les services d'eau et d'assainissement. ''Selon un sondage du Centre d'Information sur l'eau de novembre 2008, 15% des personnes interrogées disent pratiquer la récupération des eaux de pluie'', explique Jean-Pierre Rideau du Ministère de l'écologie. ''Si l'on extrapole à l'échelle nationale cela pourrait être équivalent à 15 à 50 millions de m3 par an et représenter en secteur rural de 1% à 3% des ventes d'eau,'' remarque-t-il. La diminution des ventes pour certains services peut donc s'avérer problématique. Ainsi selon l'étude de cas Ecodécision réalisée en 2001, dans certains scénarios des diminutions des consommations de 10% et 20% sur 5 ans provoqueraient des hausses de prix de 7% et 15% respectivement.
Pour limiter les pertes de recettes dues à l'utilisation des eaux de pluie, les services d'eau et d'assainissement réfléchissent aux moyens de récupérer la redevance assainissement que chaque consommateur doit reverser pour chaque m3 qui entre dans le réseau d'assainissement. Pour l'instant, l'utilisation de l'eau de pluie dans l'habitat à usage sanitaire doit être déclarée en Mairie mais rien ne permet de connaître les volumes rejetés et par conséquent de faire payer l'assainissement.
Faut-il repenser l'organisation française ?
Afin de limiter la hausse des prix et surtout éviter les écarts d'une commune à une autre, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a fait une série de propositions en mai 2009 en réaffirmant que ''le service d'eau et d'assainissement ne peut pas être rémunéré par un accroissement des volumes consommés et facturés.'' Le CESE recommande par conséquent aux collectivités locales et à l'ensemble des parties prenantes ''d'initier une réflexion pour la mise en place de nouveaux modes de rémunération des services d'eau et d'assainissement, qui soient cohérents avec l'ensemble de leurs missions d'intérêt général''.
Comme piste de réflexion, le CESE propose notamment de mieux délimiter ce que les redevances eau et assainissement doivent financer : ''les missions et prestations extérieures au service d'eau, telles que la gestion des eaux pluviales, la restauration du milieu aquatique ou la lutte contre les inondations, devraient être à la charge du contribuable et non pas à celle de l'abonné'', rappelle le CESE.
Une taxe spécifique à la gestion des eaux pluviales est d'ailleurs en préparation. À l'heure actuelle, la gestion de ces eaux est le plus souvent dévolue au service d'assainissement qui doit par conséquent dimensionner et financer les installations nécessaires à l'accueil et au traitement de ces volumes. La mise en place d'une taxe viserait donc à faciliter le financement de la collecte, du stockage et du traitement des eaux de ruissellements et à inciter les responsables des déversements à gérer ces eaux à la source. Selon Jacques Malrieu de l'Office International de l'eau, elle serait calculée en fonction de la surface d'imperméabilisation du sol et un décret à venir pourrait l'évaluer à maximum 0,2 € par m2.
Néanmoins la hausse du prix de l'eau semble inéluctable dans les années à venir ce qui fait craindre des conséquences sociales importantes pour les familles les plus modestes. Pour compenser les inégalités sociales liées à la hausse du prix de l'eau, le CESE propose la mise en place d'une contribution obligatoire au fonds solidarité logement (FSL) de l'ordre de 1% du prix de l'eau. L'Observatoire des Usagers de l'Assainissement en Ile-de-France propose quant à lui la mise en place d'allocations spécifiques via les Caisses d'Allocations Familiales (CAF). Pour l'instant aucune de ces deux solutions n'a été mise en œuvre.