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Production d'hydrogène vert en Corse : un premier test réussi haut la main

C'est l'histoire d'une PME corse qui se réveille un matin en se demandant comment l'hydrogène peut l'aider à réduire son impact carbone et, deux-trois ans plus tard, se rêve en acteur de la mobilité verte sur l'île de Beauté.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  C. Lairy
Production d'hydrogène vert en Corse : un premier test réussi haut la main
Environnement & Technique N°387
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°387
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Implanté en France et en Italie (7 sites, 130 collaborateurs), le groupe Corstyrène est spécialisé dans la fabrication et le négoce de systèmes d'isolation en polystyrène expansé (PSE), ainsi que dans la production de structures en bois et d'éléments de façade. Né au début des années 1970, il est basé à Aléria, en Haute-Corse (20), c'est-à-dire dans une zone insulaire non interconnectée (lire encadré) – premier territoire français à s'être doté d'une PPE (1) , la Corse s'est d'ailleurs donné pour ambition d'accéder à l'autonomie énergétique d'ici 2050.

L'Ademe attendue sur son AAP

Février 2023 : Corstyrène attend la publication par l'Ademe de l'appel à projets (AAP) qui lui permettrait de se positionner pour obtenir un soutien financier sur le second volet de PURH2CORSE. Cette publication est attendue courant mars, avec un dépôt des candidatures programmé en septembre. Pierre Coulombon craint cependant que l'Agence exclue la Corse de cet AAP au motif qu'elle fait partie des Zones insulaires Non-Interconnectées (ZNI) au réseau électrique français – elle est partiellement isolée électriquement du continent et contrainte de produire localement son électricité. Et qu'elle publie plus tard un AAP différencié ZNI, ce qui retarderait la mise en œuvre du projet.

Dans cet environnement contraint, après un détour par le salon HyVolution qui organise début 2020 sa première édition, les dirigeants de Corstyrène considèrent que l'hydrogène constitue une piste sérieuse à étudier pour réduire l'impact carbone de l'entreprise et sa dépendance aux énergies fossiles.

Très vite, l'entreprise se lance : au siège, à Aléria, une centrale solaire de 600 m2 est installée sur le parking de 30 places réservé aux employés. L'électricité produite grâce à ces 300 modules photovoltaïques alimente deux électrolyseurs qui fournissent de l'hydrogène pour sept chariots élévateurs équipés chacun d'une pile à combustible. L'inauguration a lieu en mai 2022.

Une phase 1 très encourageante

Baptisé PurH2Corse, le projet a été retenu par l'Ademe dans le cadre de l'appel à projets « Écosystèmes de mobilité hydrogène ». Grâce à lui, ce sont donc sept chariots, d'une portance comprise entre 1,6 et 1,8 tonne, qui fonctionnent à l'hydrogène vert. Depuis leur mise en service, début 2022, ils ont permis d'éviter l'émission de 30 tonnes de CO2 dans l'atmosphère. Les cinq autres chariots de la flotte fonctionnent à l'électricité. Ils ont besoin de huit heures pour un plein normal, là où les chariots à hydrogène se rechargent en moins de trois minutes.

Fabriquées en Haute-Savoie (74) par Atawey, les deux stations installées à Aléria tournent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Elles produisent chacune deux kilos d'hydrogène par jour : pour ce faire, en 2022, elles ont consommé autour de 100 MWh d'électricité, les deux tiers de la production assurée par les ombrières photovoltaïques (environ 150 MWh) – l'excédent a été consommé par l'usine, qui utilise 1 GWh d'électricité par an pour produire du PSE et des structures en bois. Précision importante : l'électricité produite par les ombrières est injectée dans le réseau de l'usine, sur lequel sont branchés les électrolyseurs : l'usine joue en quelque sorte le rôle de batterie.

Aujourd'hui, toute la production d'hydrogène réalisée par électrolyse de l'eau est utilisée par les chariots, qui consomment chacun à peu près un kilo d'hydrogène par jour.

Une phase 2 pour la mobilité lourde

“ La phase 2 du projet vise à produire plusieurs centaines de kilos d'hydrogène par jour à l'horizon de fin 2025, pour quatre kilos actuellement (phase 1) ” Pierre Coulombon, Corstyrène
« Cette première phase a validé le fait que l'hydrogène constitue une bonne solution pour décarboner la mobilité », s'enthousiasme Pierre Coulombon, arrivé en septembre 2022 chez Corstyrène pour l'exploitation de cette phase 1. À ce titre, le jeune ingénieur pilote le bloc ‘hydrogène', en soutien du responsable de l'exploitation.

En parallèle, Pierre Coulombon travaille sur une phase 2 du projet PurH2Corse. À l'étude, cette seconde phase vise à produire plusieurs centaines de kilos d'hydrogène par jour à l'horizon de fin 2025, pour des applications dans la mobilité lourde (poids lourds, bennes à ordures, bus, bateaux). « Il s'agirait de créer des écosystèmes en Corse », explicite-t-il, où « Corstyrène deviendrait fournisseur d'hydrogène vert et apporterait un accompagnement » aux utilisateurs, les collectivités par exemple, ou des opérateurs tels que La Poste, tant sur le volet financier qu'environnemental.

Pour cette phase 2, Corstyrène a sollicité le bureau d'études Seiya Consulting, qui a mesuré le potentiel et les opportunités que représenterait le déploiement d'un tel écosystème en Corse. L'entreprise Générale du solaire a également rejoint le fabricant d'isolants devenu producteur d'hydrogène vert – une évolution qui s'est traduite par la création, début 2020, d'une filiale baptisée Corstyrène Energy. Ce partenaire prépare l'aménagement d'un nouveau champ de panneaux photovoltaïques à proximité du site d'Aléria – le dépôt des permis de construire est en cours. Un nouvel électrolyseur sera aussi installé pour produire de l'hydrogène distribué dans plusieurs stations de recharge destinées aux véhicules lourds.

Composer avec les écueils et les contraintes

Le déploiement de l'hydrogène vert dans la mobilité se heurte à quelques freins : le premier, d'ordre technique, résulte de l'absence de filière industrielle et standardisée de fabrication d'électrolyseurs, ce qui rend considérablement longs les délais de livraison et de mise en service – entre quatorze et seize mois, selon Pierre Coulombon.

Autre frein technique lié à l'utilisation de l'hydrogène vert : dans la phase 2, l'électricité solaire produite ne sera pas injectée dans le réseau de Corstyrène. L'électrolyseur ne sera alimenté que huit heures par jour en moyenne, ce qui pose la question de la rentabilité : comment, avec un équipement qui ne tourne qu'un tiers du temps, produire suffisamment d'hydrogène pour couvrir les besoins identifiés, tout en étant rentable ? « Faudra-t-il investir quelques millions d'euros supplémentaires dans des capacités de stockage [batteries, stations de transfert d'énergie par pompage] pour produire sur de plus longues périodes ? Ou surdimensionner, c'est-à-dire investir dans un électrolyseur de plus grosse capacité, pour produire davantage pendant une période de huit heures ? » Ce sont certaines des questions que se pose aujourd'hui Pierre Coulombon, partant du principe que le réseau électrique corse est très carboné, et donc inadapté à la production d'hydrogène par électrolyse. « Ce serait polluer davantage », souligne-t-il, pointant également le risque de « déséquilibrer le réseau ».

Le chargé de projets devra aussi s'assurer que l'hydrogène produit par électrolyse a un taux de pureté très élevé – 99,999 % pour la mobilité lourde. Cet hydrogène devra donc être « séché » afin d'évacuer le plus d'eau possible. Quant à la pression, elle devra pour certains usages monter à 700 bars. Au stade actuel, Pierre Coulombon imagine des stations de recharge équipées de deux pistolets : l'un à 350 bars, l'autre à 700.

Il faudra enfin convaincre les utilisateurs potentiels. Et essayer d'obtenir des aides publiques ponctuelles pour effacer des écarts de prix encore favorables au gazole (entre 20 et 30 centimes de différence au kilomètre aujourd'hui pour un bus).

Alimenter une grande partie des transports en commun

Pour convaincre, il faudra aussi être en mesure de garantir la maintenance des véhicules à hydrogène à laquelle les garagistes ne sont pas encore formés. Des constructeurs comme Renault commencent à s'intéresser au sujet… mais ils ne formeront véritablement des équipes qu'une fois un certain nombre d'usages sécurisés sur le territoire.

Malgré les écueils, « on est très confiants au sein de Corstyrène », affirme Pierre Coulombon, pour qui « les gens sont super motivés ; ils n'attendent plus que l'on produise l'hydrogène en Corse (…). Et nous, on n'attend plus que les feux verts de l'Ademe ». Ce soutien (50 %) est à ses yeux nécessaire pour couvrir un projet au coût estimé entre 5 et 15 millions d'euros. Avec un maillage intelligent du territoire, « on aurait les moyens d'alimenter en hydrogène une partie significative des transports en commun de Corse ».

1. (1) Programmation pluriannuelle de l'énergie : en Corse, cette première PPE portait sur la période 2016-2023 ; elle évoquait notamment le recours à « la solution hydrogène à travers les piles à combustible et des stations de recharge alimentées par des sites de production d'EnR ».

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