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Produits agro-alimentaires : l'affichage environnemental bute encore sur ses défis méthodologiques

Afin de pouvoir être généralisé, l'affichage environnemental des produits agro-alimentaires doit encore résoudre des points méthodologiques d'ACV : calcul des empreintes carbone via le stockage, mise au point des indicateurs eau et biodiversité.

Gouvernance  |    |  R. Boughriet

Dans un rapport (1) , le Commissariat général au développement durable (CGDD) dresse un point d'étape sur l'affichage environnemental des produits agro-alimentaires, expérimenté en France de juillet 2011 à juillet 2012, qui se heurte à des difficultés méthodologiques liées à l'analyse du cycle de vie (ACV).

L'affichage vise à fournir une information environnementale "cycle de vie" (phases du processus de production) du ''produit alimentaire-emballage", basée sur une approche multicritère des impacts, au consommateur. "Nombreux produits agro-alimentaires" ont été concernés par l'expérimentation (2) (281 références) : céréales, fruits, légumes, charcuterie, oeufs, volaille, yaourt, sodas, pain, eau minérale, café, jus de fruits, huile, bière mais aussi aliments pour animaux, rappelle le CGDD.

Un référentiel méthodologique

Développée par la plateforme de travaux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Association française de normalisation (Afnor) lancée en 2008, la méthode de l'ACV permet d'évaluer quantitativement des indicateurs relatifs à différents enjeux environnementaux : les émissions de gaz à effet de serre (comme le dioxyde de carbone, le méthane, l'oxyde nitreux) pour l'enjeu du changement climatique, la consommation d'eau pour l'enjeu "stress hydrique", les émissions de certains polluants contribuant à l'enjeu "pollution de l'eau", etc.

Le groupe de travail n°1 de la plateforme Ademe-Afnor a validé en avril 2012 un référentiel qui reprend cette méthode d'ACV et fixe les règles de calcul des indicateurs environnementaux pour les produits pour l'alimentation humaine et aliments pour animaux domestiques. Le groupe de travail a retenu comme unité de référence pour le calcul des impacts environnementaux "100 gr ou 100 ml de produit ou à la portion" (unité fonctionnelle) qui "apparaît comme la « moins mauvaise » des solutions, car finalement partagée par tous les professionnels", estime le CGDD. L'impact sur le changement climatique (émissions de gaz à effet de serre du produit), la pollution de l'eau (eutrophisation (3) et éco-toxicité (4) aquatiques) et les prélèvements d'eau contribuant au stress hydrique ainsi que l'impact sur l'érosion de la biodiversité sont les trois enjeux environnementaux pris en compte dans le référentiel qui "semblent très largement admis", selon le Commissariat.

"En harmonie avec ce référentiel", l'Ademe a présenté en octobre 2013 la base de données d'inventaires de cycle de vie (ICV) Agribalyse pour 130 produits agricoles bruts (sortie de ferme), résultat de plus de trois ans de travaux avec quatorze partenaires.

"Un affichage sur les principaux produits agricoles bruts peut donc d'ores et déjà être envisagé par les acteurs qui le souhaiteraient", souligne le CGDD.

Approfondir les travaux d'ACV

Mais ce socle méthodologique "nécessaire à l'affichage reste à parfaire", a conclu en novembre 2013 le rapport du Gouvernement sur le dispositif, présenté au Parlement (qui doit décider de la généralisation ou non du dispositif). Un avis partagé par le CGDD qui rappelle la "complexité" du secteur qui présente la particularité d'induire "des impacts environnementaux pas seulement négatifs, mais également positifs sur l'environnement".

Certains "débats techniques" méthodologiques sont toujours en cours. Pour l'enjeu "biodiversité", il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'indicateur "unique et consensuel" permettant de calculer l'impact d'un produit sur la biodiversité, souligne le Commissariat. Comment prendre en compte la biodiversité "alors qu'il n'y a pas de méthode robuste en France ou au niveau européen ou international ?", s'interroge-t-il. La construction d'indicateur biodiversité n'est en effet pas "simple (caractérisation d'une quantité de biodiversité et rattachement à une quantité produite)", souligne le rapport du Gouvernement.

La production d'un indicateur de biodiversité des produits bute sur le fait que les experts en ACV "sont peu au fait de l'enjeu « biodiversité » tandis que la communauté des naturalistes et écologues est éloignée de la problématique « produits »" , ajoute le CGDD. Or, la mise au point d'un indicateur "pertinent" s'avère "nécessaire avant un déploiement réglementaire de l'affichage environnemental".

Quid également des "allocations des impacts environnementaux entre produits et co-produits d'une même filière" ? Selon quel critère faut-il allouer les émissions de polluants associées aux vaches entre le lait et la viande ? "En d'autres termes, quelle est la règle d'allocation pertinente ? Faut-il considérer la masse du lait et de la viande ? Leur valeur économique respective ? Leur contenu protéique ? Leur contenu énergétique ? Ces questions continuent d'être débattues", ajoute le Commissariat.

A l'instar du Gouvernement, le CGDD souligne aussi "la nécessité" de prendre en compte le stockage / déstockage de carbone dans les sols agricoles et prairiaux pour le calcul des empreintes carbone des produits agricoles. Les approches ACV "peinent encore à prendre en compte le stockage de carbone, faute de méthode adéquate et compte tenu des incertitudes sur les quantités stockées et la dynamique du stockage (la variation du stock dans l'espace et dans le temps, sa variation en fonction du climat et en fonction des pratiques agricoles)", explique le CGDD. "Ces derniers éléments expliquent que les acteurs du projet Agribalyse aient temporairement préféré ne pas inclure le stockage de carbone dans les sols, dans le calcul de l'empreinte carbone des produits agricoles. Les mêmes acteurs ne sont cependant opposés au principe de sa prise en compte", poursuit-il.

Le Gouvernement et le CGDD appellent également à finaliser l'indicateur "eau" afin de prendre en compte le stress hydrique. "Les travaux méthodologiques en cours au niveau international sur l'indicateur eau visent à faire en sorte que cet indicateur reflète le stress hydrique plutôt qu'une simple consommation brute. Prélever de l'eau dans un milieu riche en eau et facilement rechargé est en effet moins problématique que de prélever cette même quantité dans des milieux où l'eau est rare ou dans les stocks d'eau épuisables", précise le Gouvernement.

De nouveaux projets d'expérimentation

L'affichage environnemental des produits agro-alimentaires "même sous l'option volontaire, ne pourra voir le jour qu'à la condition d'avancer sur ces points techniques", a souligné le rapport gouvernemental.

La poursuite de travaux de recherche est indispensable avant tout déploiement réglementaire. Le nouveau programme triennal Agribalyse2, en "cours de discussion" devrait se pencher sur la prise en compte du stockage de carbone, selon le CGDD. Agribalyse sera complété par le projet de base de données en cours "Acyvia" (mené par l'Ademe) mesurant les impacts "en aval des exploitations agricoles, dans le secteur de la transformation agroalimentaire afin de baisser les coûts des entreprises du secteur".

Il sera "particulièrement nécessaire" de développer les ICV et ACV des produits de l'agriculture biologique, dont "le secteur manque", ajoute le CGDD. Une expérimentation européenne sur l'empreinte environnementale des produits agro-alimentaires a débuté en juin 2014 et se terminera fin 2016. Les porteurs de projets français représentent 12% des 30 propositions reçues par la Commission européenne. La contribution de cette expérimentation sera suivie par la plateforme Ademe-Afnor. D'ici fin 2016, la mise au point d'un indicateur biodiversité "opérationnel" est également une priorité, souligne le CGDD. La question des allocations des impacts environnementaux entre produits et co-produits devra être arbitrée pour "finaliser les divers référentiels".

63% des entreprises agro-alimentaires ayant participé à l'expérimentation nationale "pensent poursuivre la démarche d'affichage environnemental (…) indépendamment des suites qui seront données par les pouvoirs publics", selon le rapport du Gouvernement.

1. Télécharger le rapport du CGDD
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-22822-rapport-cgdd-affichage.pdf
2. 70 des 168 entreprises (notamment Coop de France et In Vivo) retenues pour l'expérimentation nationale appartenaient au secteur agro-alimentaire. 6% sont des TPE, 44% des PME et 50% des entreprises d'un effectif égal ou supérieur à 250 personnes.3. L'eutrophisation est la modification et la dégradation d'un milieu aquatique, lié en général à un apport excessif de substances nutritives, qui augmentent la production d'algues et d'espèces aquatiques, ainsi parfois que la turbidité, en privant parfois le fond et la colonne d'eau de lumière.4. Toxicité d'une substance pour le milieu vivant.

Réactions2 réactions à cet article

Le rapport est beaucoup plus négatif puisqu'il recommande de ne pas utiliser la méthode ACV en l'état due aux très grandes incertitudes des résultats, conduisant à une impossibilité de comparer et surtout de vérifier la véracité des déclarations. D'autre part la méthode et les catégories d'impact retenus favorisent par défaut toute production alimentaire la plus industrielle qui soit: élevé des poulets sur 10 étages dans des petites cages sera toujours plus performant d'un point de vue impact environnemental (selon la méthode ACV) que de les laisser courrir dans les champs. Lisez le rapport jusqu'au bout, il est très instructif. Beau travail de parlementaires

yves | 02 octobre 2014 à 17h03 Signaler un contenu inapproprié

Il faut au moins parcourir ce « rapport » pour se rendre compte du gaspillage de fonds publics.

Rien que le fait de prendre au sérieux l'« affichage environnemental » dans le cas de l'alimentation, enfin de la barquette de paupiettes...

M. Aloyse avait écrit le 20 juillet 2011 sur le billet précédent :

« On vit en plein délire gouvernemental. L'affichage environnemental revient à faire une analyse en cycle de vie (éventuellement simplifiée). Savez-vous ce que coûte une ACV faite en bonne et due forme et combien elle prend de temps ? On parle en dizaine de milliers d'€ et de plusieurs trimestres de travail. Et on voudrait nous faire croire qu'entre mars et juillet les producteurs de biens/matériels aient pu alimenter les 168 distributeurs participants pour des centaines de références ? On a donc des affichages qui sont complètement faux, ne veulent rien dire et c'est la foire d'empoigne à qui affichera le plus beau score. Encore une fois notre gouvernent confond agitation et travail, est incapable de poser des vrais jalons sur lesquels on pourra construire demain. Non, faire parler de soi, occuper le devant de la scène, faire des belles phrases vides et des beaux discours creux, c'est la spécialité de cette engeance politicienne. »

Wackes Seppi | 03 octobre 2014 à 15h34 Signaler un contenu inapproprié

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