Depuis la loi Bataille et l'autorisation donnée à l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) d'exploiter le laboratoire de Bure à la frontière entre la Meuse et la Haute-Marne, l'Andra poursuit ses études sur le stockage géologique de déchets nucléaires de haute et de moyenne activité à vie longue (HA-MA VL). Avec des acquis, notamment le fait que l'infrastructure souterraine soit creusée à 500 mètres sous-terre, dans la couche d'argilite formée au Callovo-Oxfordien ("Cox"). Celle-là même où se trouvent les galeries creusées dans le cadre du laboratoire.
Le débat public sera dans six mois, est-il écrit dans la Loi
La loi Loos fixe à l'an prochain le déroulé du débat public sur le stockage géologique des déchets nucléaires HA-MA VL pour que, deux ans après, en tant que maître d'ouvrage, l'Andra puisse déposer une Demande d'Autorisation de Création (DAC) de centre industriel de stockage géologique (cigéo) dont l'exploitation démarrerait dix ans après. En prévision de ce débat public, moultes challenges se présentent à l'Andra étant donné le niveau de détail exigé par la loi TSN.
Concernant les déchets, par exemple, comment imaginer débattre sans connaître l'inventaire de ceux destinés au stockage géologique ? Parmi les éléments figurant dans le dossier du maître d'ouvrage soumis au débat, est attendu le Programme industriel de gestion des déchets (PIGD) générés depuis le début de l'exploitation nucléaire française par EDF, Areva et le CEA. Avec ordonnancement des prises en charge, chroniques de transport, d'entreposage, de conditionnement, et de descente dans les galeries du stockage souterrain avant dépose dans des "alvéoles".
Parmi les autres éléments attendus figure "l'esquisse" de ce que pourrait être le "système" du cigéo. En ce début d'année, l'Andra en a confié la maîtrise d'oeuvre à un groupement à consonance mythique, GAIYA, des industriels Technip et Ingerop. Un an auparavant, les députés Christian Bataille et Claude Birraux avaient été pourtant on ne peut plus clairs, dans leur rapport "Déchets nucléaires : se méfier du paradoxe de la tranquillité" : "s'agissant d'une mission de service public, celle-ci ne saurait, en aucun cas, même partiellement, être confiée à des sociétés, avant tout intéressées à maximiser leurs profits (...)".
Au coeur des préoccupations, la sûreté sur le long terme
L'Andra en a pourtant élaboré un au fil des ans : réseau rectangulaire de galeries de 5 mètres de diamètre, parallèles les unes aux autres avec, entre elles, des alvéoles de stockage de 70 cm de diamètre sur 40 m de long pour les déchets HAVL et de 10 m de diamètre sur 250 m de long environ pour les déchets MAVL. Et les producteurs de déchets en ont proposé une version alternative : nombre réduit de galeries, alvéoles HAVL plus longues et MAVL plus larges, avec des spécificités propres au creusement par tunnelier. "Cette architecture a le mérite d'une grande simplicité géométrique et l'inconvénient majeur d'une flexibilité moindre, la zone de stockage MAVL étant réalisée en une seule fois et la zone HAVL tout entière étant réalisée en deux étapes seulement, ce qui ne facilite pas une adaptation à des aléas ou à des évolutions de conception", souligne la CNE2. Et par conséquent, ne garantit pas le respect du principe de sûreté Alara (As low as reasonably achievable) qui sous-tend "la robustesse, la redondance, la démontrabilité et la flexibilité" de l'ouvrage et de sa réalisation. Le critère de sûreté relatif au débit de dose en sortie des exutoires étant, quant à lui respecté, la conclusion de l'Andra s'est vue une nouvelle fois confirmée : dans le Cox, ces débits sont relativement indifférents au choix d'architecture de stockage.
STI, le projet des producteurs de déchets
Ce concept de stockage géologique envisagé par les producteurs de déchets figure dans un dossier dénommé STI élaboré visiblement à partir des résultats des recherches de l'Andra qui ont servi de base à l'adoption de la loi Loos (dossier Argile 2005), selon un budget correspondant à l'estimation faite par le Ministère en charge de l'Industie et de l'Energie à l'époque : 14,1 Milliards d'euros 2003 (soit 16,2 Mds€ 2010). Mais voilà qu'à peine nommé au cours de l'assemblée générale du Comité local d'information et de suivi (Clis) du laboratoire de Bure qui s'est tenue en mars dernier en lieu et place de la récente conférence (voir encadré). "Le projet STI est abandonné, c'est terminé", a averti le président de la CNE2, Jean-Claude Duplessy. Certes. Mais force est de constater qu'entre temps, certaines de ses composantes ont été intégrées au processus d'élaboration du cigéo.
Dans le volet organisationel, les industriels de l'électronucléaire exprimaient le souhait de ne pas se trouver à l'écart de la mise en oeuvre du cigéo. C'est chose faite depuis le 27 février dernier et la signature d'une convention entre l'Andra d'une part et EDF, Areva NC et le CEA d'autre part, sous la présidence de l'ancien ministre de l'Industrie et de l'Energie Eric Besson. Si EDF, l'acteur principal du STI a refusé de discuter du dossier, il a commenté cette convention dans le "Journal de l'Andra" par la voix de son directeur Financement et Investissements, Stéphane Tortajada : "Les équipes d'EDF mettent déjà en œuvre leur expérience industrielle au service des études menées par l'Andra sur la conception du stockage géologique. Cette convention de coopération vient encadrer et organiser ces échanges techniques et facilite la mise en œuvre d'études conjointes."
Enfin, le dossier technique STI a donné lieu à un nouveau challenge pour l'Andra : commencer au plus vite l'essai de creusement par tunnelier de deux galeries perpendiculaires dans le Cox afin de pouvoir intégrer les premiers résultats relatifs à la faisabilité technique de la méthode dans l'esquisse du cigéo soumise au débat public.