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Accélération des projets industriels : des experts dénoncent une destruction du droit de l'environnement

Si le projet de loi de simplification de l'action publique a été adopté sans anicroche au Sénat, plusieurs spécialistes s'élèvent contre un anéantissement du droit de l'environnement. Le texte doit maintenant être examiné par l'Assemblée.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Accélération des projets industriels : des experts dénoncent une destruction du droit de l'environnement

« Le Gouvernement souhaite rendre les procédures administratives plus efficaces et plus rapides tout en maintenant nos exigences en matière d'urbanisme, d'archéologie ou d'environnement », a martelé la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher devant les sénateurs. Ceux-ci ont adopté, le 5 mars sans réelle opposition, le projet de loi  (1) d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) qui avait été présenté en conseil des ministres le 5 février.

Avec ce projet, le Gouvernement entend faciliter les implantations et les extensions industrielles, mais de nombreuses voix s'élèvent contre une nouvelle atteinte au droit de l'environnement. Des alertes qui proviennent d'ONG comme France Nature Environnement (FNE), de la Commission nationale des commissaires enquêteurs (CNCE) mais aussi de grandes signatures du droit de l'environnement.

Un groupe de 23 experts, à l'initiative de l'avocat Christian Huglo, a alerté les parlementaires sur les risques pour la santé et l'environnement que faisait peser ce projet de loi. « La transition énergétique ne peut réussir sans assurer intégralement le maintien des éléments fondamentaux qui ont construit pendant quarante ans le droit de l'environnement, gardien de la santé publique. Or, ce projet de loi (…) vise dans ses articles 21 à 28 à l'anéantir dans toutes ses composantes », n'hésitent pas à écrire les signataires, parmi lesquels des figures tutélaires du droit de l'environnement comme les professeurs Michel Prieur ou Jacqueline Morand-Deviller.

« Consécration du fait accompli »

Quelles sont les dispositions du projet de loi qui suscitent le courroux de ces spécialistes ? C'est, en premier lieu, la disposition permettant de considérer les projets en cours d'instruction comme des installations existantes. « Grâce à ce subterfuge, expliquent les juristes, [ces projets] pourraient alors bénéficier d'une sorte de droit acquis : le but de cette disposition est que les nouvelles normes susceptibles d'être édictées au moment de la délivrance de l'autorisation ne devraient pas s'appliquer, ce qui est contraire au principe fondamental de légalité, lequel impose que la légalité d'une décision soit appréciée à la date de signature de la décision d'autorisation (…) ».

“ La transition énergétique ne peut réussir sans assurer intégralement le maintien des éléments fondamentaux qui ont construit pendant quarante ans le droit de l'environnement ” Collectif de 23 experts du droit de l'environnement
Mais, il y a pire selon les spécialistes : l'article 26 qui permettra aux préfets d'autoriser des travaux de construction industrielle en anticipant sur la délivrance de l'autorisation environnementale nécessaire, à la condition que le permis de construire ait été délivré et l'enquête publique réalisée. « C'est (…) la consécration du fait accompli et, de plus, la consécration de l'inefficience du recours au juge », dénoncent les experts. Un point de vue partagé par FNE : « Que se passera-t-il si l'autorisation n'est finalement pas accordée ? Ou si l'enquête publique fait apparaitre que la construction aurait dû être assortie de conditions ? », réagit Antoine Gatet, juriste de l'ONG.

Une autre disposition très critiquée est celle portant sur le processus d'actualisation des études d'impact. Le projet prévoit que l'avis donné par l'autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l'évolution du dossier. « Selon le droit positif actuel de la prévention, rappellent les signataires de la tribune, les études d'impact écologiques indispensables pour limiter les importantes conséquences d'un grand projet sur l'environnement restent révisables au regard de nouvelles données qui peuvent être rassemblées une fois l'autorisation délivrée ».

« Les citoyens n'auront plus voix au chapitre »

Dans le collimateur des juristes figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d'enquête publique, au profit d'une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d'évaluation environnementale. De même que la faculté qui leur est donné de ne pas saisir le Coderst sur les projets d'installations classées relevant du régime d'enregistrement. « Le Gouvernement prétend vouloir davantage associer les citoyens à la décision, mais avec ce texte, on organise au contraire leur éviction. Même en s'organisant en association et en jouant le jeu du dialogue, les citoyens n'auront plus voix au chapitre si un industriel décide de s'installer près de chez eux », estime M. Gatet.

Lors d'un colloque qui s'est tenu le 4 mars, sous le patronage de…. la ministre de la Transition écologique, la Commission nationale des commissaires enquêteur (CNCE) a dénoncé, à travers ce texte, un recul de la démocratie participative. « La méthode utilisée est insidieuse : sous couvert de simplification et de diminution des délais, c'est subrepticement, par petites touches, lors de la sortie de nouveaux projets de loi, que la participation du public aux décisions ayant une incidence environnementale est en train de muter pour se résumer à une simple consultation par voie électronique », explique Brigitte Chalopin, présidente de la CNCE.

Accord sur le fond

« Il est clair que vous devez refuser de voter ces textes en l'état et bien davantage rechercher l'implication harmonieuse de la société civile et des parties prenantes dans ces débats », écrivent aux parlementaires les signatures de la tribune. Un message qui n'a pas porté auprès de la majorité sénatoriale. Celle-ci n'a pas remis en cause les propositions de l'exécutif, ajoutant même une disposition visant à interdire l'application d'une définition plus protectrice des zones humides aux contentieux en cours. « Je note qu'aucun scrutin public n'a eu lieu, signe d'un accord sur le fond », a relevé Jean-François Longeot, président centriste de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi.

Reste à voir si les députés seront davantage sensibilisés aux critiques formulées. Le texte, transmis à l'Assemblée nationale le 6 mars, n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour mais le Gouvernement avait annoncé son intention de la faire adopter avant le mois de juin.

Même s'il devait l'être, les spécialistes du droit de l'environnement ne donnent pas cher de sa peau. « [Ces dispositions] iront droit à l'encontre des orientations prises par nos juridictions suprêmes, et également à l'encontre de la jurisprudence tant de la Cour de justice de l'Union européenne que de celle de la Cour européenne des droits de l'homme, en ce qui concerne les principes de prévention et de participation : la réforme législative ne résistera pas à l'application des droits fondamentaux elle est donc vaine et sans avenir ! », estiment les juristes.

1. Consulter le projet de loi tel qu'adopté par le Sénat
http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2019-2020/359.html

Réactions7 réactions à cet article

Vous dites que cette forfaiture a été adoptée "sans réelle opposition". Pourrait-on en savoir davantage? La majorité sénatoriale est de droite mais quel a été le vote des sénateurs LREM ou apparentés et de l'opposition de gauche?
Je trouve d'ailleurs assez sidérant que si l'on cherche ce type d'informations sur le site du Sénat on ne le trouve pas....malgré une belle photo d'urnes en haut de page!

adjtUAF | 10 mars 2020 à 09h26 Signaler un contenu inapproprié

Outre le groupe LR, les groupes centristes et LReM ont soutenu le texte, déplorant qu'il n'aille pas assez loin. Vingt-et un membres du groupe RDSE ont voté pour, deux se sont abstenus. Le groupe socialiste et républicain s'est abstenu.

Laurent Radisson Laurent Radisson
10 mars 2020 à 09h54
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On ne peut rien attendre d'autre de ce gouvernement que ce déni de justice .Mais que le bon peuple se rassure son président est devenu écologiste .

sirius | 10 mars 2020 à 10h00 Signaler un contenu inapproprié

Il est en effet plus que probable que cet avorton de texte ne survive pas bien longtemps à l'air libre si jamais il voit le jour. Tout enfermés dans leur mégalomanie et leur obsession du développement économique à tout prix qu'ils sont, ses géniteurs semblent bien avoir oublié qu'existent des garde-fous juridiques nationaux et européens ainsi que le mentionne l'article.
Ce projet est symptomatique du niveau environnemental 0.0 de nos décideurs et de leur pusillanimité vis-à-vis des archétypes du Vieux Monde. A leurs yeux, rien ne doit entraver la marche du "progrès" de l'économie débridée, la protection de l'environnement devant se cantonner à des effets d'annonce prompts à esbaudir le menu peuple. Sauf que de plus en plus de français voient bien au-delà de cet écran de fumée et ne vont pas lâcher l'affaire.
Ce modèle économique arrogant et prédateur n'est au demeurant jamais qu'un colosse aux pieds d'argile : qu'un microscopique virus se développe tel une trainée de poudre grâce aux échanges effrénés de la mondialisation triomphante et voici que les places boursières paniquent, dévissent et que les grands de ce monde s'enrhument, toussent et vacillent ! M. de la Fontaine en aurait très certainement tiré une très sarcastique et instructive fable...

Pégase | 10 mars 2020 à 12h39 Signaler un contenu inapproprié

Même si je ne partage pas son optimisme à long terme, je dirai, pour paraphraser Elisabeth QUIN sur ARTE, "Pégase Président"!

adjtUAF | 10 mars 2020 à 14h42 Signaler un contenu inapproprié

Si ce texte est voté , il faudra illico saisir les cours de justice européennes. Pégase: votre illustration de notre civilisation est plus vraie que nature et même je peux rajouter qu'il ne faudra pas encore longtemps pour voir apparaître une pandémie bien plus meurtrière que celle du coronavirus, tous les spécialistes s'y attendent. La nature sait se réguler, il en est des populations humaines comme des populations animales : au delà d'un certain seuil critique pour la survie de l'équilibre des écosystèmes, la population destructrice est elle-même détruite, cela va vite et survient sans prévenir. La colonisation prédatrice de l'espèce humaine sur Terre nous y conduit tout droit.

gaïa94 | 10 mars 2020 à 15h16 Signaler un contenu inapproprié

Oui. Car "pincez moi, je rêve"!

D'un côté, on prédit et brandit une nouvelle catastrophe écologique et sanitaire (suite à la relocalisation de nos industries fugueuses). On n'aurait surement pas tort si on le faisait N'IMPORTE COMMENT. Mais on plaide en même temps POUR cette relocalisation: Grand écart et gare aux adducteurs! Il y aurait lieu à concertation.

D'un autre côté, on veut décréter, sans plus "barguigner ni tergiverser", que "c'est comme ça" et que "c'est déjà tout fait". Un tel dirigisme n'est plus de saison ni de siècle. Il y aurait lieu d'expliquer, d'argumenter, de développer, de renforcer les moyens légaux aptes à favoriser les consensus (on va encore dire que je radote, atteint que je serais de sénilité précoce, et pourtant...)

Il y aurait lieu que le Gouvernement, sauf le respect sincère que je lui porte, mette sur ce sujet la pédale douce!

Bien à vous,

Euplectes

Euplectes | 10 mars 2020 à 18h54 Signaler un contenu inapproprié

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