« La publicité a un impact très fort sur la création de besoins et sur la consommation : nous pensons ainsi qu'il s'agit d'un des principaux leviers à actionner pour faire évoluer les comportements du consommateur de manière durable, du fait de son rôle majeur sur la fabrication de nos modes de vie », estime la Convention citoyenne pour le climat.
Pour cette raison, les conventionnels proposaient d'interdire la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre et, plus généralement, de réguler la publicité pour limiter les incitations à la consommation. Le Gouvernement a répondu à ces recommandations en inscrivant dans le projet de loi Climat et résilience plusieurs dispositions d'importances inégales. Outre une interdiction des avions publicitaires ou de la distribution d'échantillons sans consentement du client, le texte prévoit une interdiction de la publicité pour les énergies fossiles. « Un changement culturel majeur, à l'instar de la loi Évin », vante Matignon. De telles publicités sont extrêmement rares, rétorque le Réseau Action Climat (RAC), qui fédère les associations impliquées dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Mise en oeuvre de codes de bonne conduite
Pour le reste, le projet de loi prévoit surtout la mise en œuvre de codes de bonne conduite. Ces codes « transcriraient les engagements pris au sein d'un "contrat climat" conclu entre les médias et les annonceurs, d'une part, et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'autre part, afin de réduire la publicité pour les produits polluants, par des engagements volontaires ambitieux », explique le Gouvernement.
Oreille attentive à Bercy
Les conventionnels ne s'y sont pas trompés. Seuls 10 % d'entre eux ont jugé satisfaisante la réponse apportée par le Gouvernement à leurs recommandations en la matière. Il faut dire que les publicitaires n'ont pas ménagé leur peine pour dissuader l'exécutif de prendre des mesures d'interdiction et d'opter pour des engagements volontaires. Et ils ont pu trouver une oreille attentive à Bercy.
« Si nous voulons créer des chômeurs, allons-y, interdisons la publicité à l'automobile et à l'aéronautique. Mais à qui cela profitera-t-il ? Je vais vous le dire : aux entreprises étrangères », prévenait Jacques Séguéla dans une interview au Point en octobre 2020, après le dépôt de plusieurs propositions de lois. « Avant d'interdire, a-t-on vérifié que les mesures proposées auront une réelle efficacité écologique ? En publicité les interdictions sont toujours contre-productives. La publicité est faite pour promouvoir, en positif. Nul doute qu'elle puisse le faire pour la transition écologique », prévenaient, quelques jours plus tard, trois présidents d'organisations professionnelles dans une tribune publiée par Stratégies.
« On ne veut pas interdire la pub, le sujet c'est qu'à terme il n'y aura plus de publicité pour les produits polluants », a expliqué Barbara Pompili le 11 février dernier sur France inter. « La question, c'est comment ça se passe : soit des engagements volontaires des constructeurs, des publicitaires, des médias ; soit des mesures d'interdiction dans la loi. Ce n'est pas une menace, c'est une question de cohérence », a ajouté la ministre de la Transition écologique.
Encadrer juridiquement les engagements volontaires
Mais encore faut-il que les engagements volontaires soient suivis d'effets. S'ils ne sont pas encadrés juridiquement, ils seront invérifiables. D'où le dépôt de plusieurs amendements par des députés de l'opposition mais aussi de la majorité. Ainsi, le député non-inscrit Matthieu Orphelin annonce déposer un amendement visant à réguler en dix ans la publicité sur les produits les plus polluants.
Mais les députés Modem ne sont pas en reste. Ils ont déposé plusieurs amendements qui visent à encadrer juridiquement les engagements volontaires. Ils prévoient que les « contrats climat » signés sous l'égide du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) relèveront du régime des contrats publics d'engagements volontaires pour l'environnement. L'encadrement juridique de ces engagements volontaires ferait l'objet d'un nouveau titre dans le code de l'environnement. Grâce à cet encadrement, « une personne, et a fortiori l'État, ne devrait pas pouvoir qualifier d'engagement volontaire pour l'environnement un simple engagement à respecter le droit de l'environnement en vigueur », expliquent Patrick Mignola, président du groupe Modem, et ses collègues. D'autre part, « l'engagement volontaire pour l'environnement ne peut jamais exonérer son auteur du respect du droit », ajoutent les députés. Ceux-ci proposent à cet effet de définir l'écoblanchiment, ou greenwashing, en vue de le bannir des engagements volontaires.
De quoi alimenter le débat qui débute le 8 mars en commission, puis en séance à compter du 29 mars. À cette dernière date devraient être connues les conclusions de la mission que trois ministres (Culture, Transition écologique, Économie) ont confié à Arnaud Leroy, président de l'Ademe, et Agathe Bousquet, présidente du groupe Publicis, pour définir les engagements volontaires de la publicité. À cette même échéance, les députés devraient pouvoir s'appuyer également sur les résultats de l'expertise sur les engagements volontaires en environnement que Barbara Pompili a confiée à l'avocat et professeur de droit Arnaud Gossement.