« C'est une loi ambitieuse et riche dont le Gouvernement n'a pas à rougir », vante Matignon. Cette loi, c'est celle issue des propositions de la Convention citoyenne pour le climat que la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, présente ce mercredi 10 février en Conseil des ministres.
« La loi Climat-résilience, c'est la fin du grand n'importe quoi. Construire un centre commercial au milieu des champs, aller en avion de Paris à Bordeaux, mettre en location des passoires thermiques : tout ça, la loi va y mettre fin. C'est une question de bon sens », a expliqué la ministre au micro de France Inter.
Pourtant, les critiques sont très nombreuses de la part des ONG et des écologistes qui l'estiment très en-deçà des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat. De leur côté, les milieux économiques restent très discrets alors que l'on sait que beaucoup ferraillent en coulisse pour neutraliser les dispositions qui leur semblent problématiques pour leur secteur d'activité, comme celles touchant au transport aérien, à l'automobile, à la publicité, à l'aménagement ou encore au droit pénal de l'environnement.
« Pas de changement drastique sur le fond »
Que contient le projet de loi ? A-t-il évolué depuis le lancement des consultations début janvier ? Au plan formel, il est maintenant composé de 69 articles, toujours organisés en six titres. Ceux-ci correspondent aux thématiques traitées par la Convention citoyenne : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir, auxquels s'ajoute un titre consacré à la protection judiciaire de l'environnement.
« Avec ce projet de loi, complémentaire du plan France Relance, de dispositions votées en loi de finances, de décisions prises lors des conseils de défense écologique ou encore d'actions portées au niveau européen et international, ce sont plus d'une centaine de mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat qui sont déjà mises en œuvre ou en passe de l'être partiellement ou totalement, sur les 146 retenues par l'exécutif fin juin 2020 », vante le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi.
Les services du Premier ministre mentionnent certaines améliorations résultant de l'avis du Conseil d'État mais « sans changement drastique sur le fond ou sur l'ambition du texte ». Un avis rendu public le 10 février, qui pointe des "insuffisances notables" dans l'étude d'impact. L'ambition du projet de loi avait préalablement été mise en doute par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et par le Conseil économique social et environnemental (Cese). L'exécutif ne l'a pas pour autant revue à la hausse.
« Non-respect récurrent et annoncé des objectifs »
Dans son avis du 26 janvier, le CNTE s'est en effet inquiété « de la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre induite par cette loi » et demandait de « mobiliser les moyens, leviers d'action et outils de politiques publiques nécessaires » à l'objectif de réduction de 40 % des émissions en 2030 par rapport à 1990. Quant au Cese, pas spécialement réputé pour le tranchant de ses prises de position, il a rendu un avis incisif le 27 janvier. Les estimations fournies par le rapport de présentation du projet de loi « mettent (…) en évidence le non-respect récurrent et annoncé à l'avance des objectifs fixés ». Comparées à ces objectifs, « les nombreuses mesures du projet de loi, considérées une par une, sont en général pertinentes mais souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu'on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché ».
« Globalement à la hauteur de l'objectif »
Le ministère de la Transition écologique répond ce mercredi par la publication d'une étude réalisée par le Boston Consulting Group qui a expertisé, à sa demande, l'impact carbone de l'ensemble des mesures prises depuis le début du quinquennat. Selon cette étude, le potentiel de réduction visé par l'ensemble des mesures déjà prises et celles proposées dans le projet de loi est « globalement à la hauteur de l'objectif de 2030, sous réserve de leur exécution intégrale et volontariste ».
Pour apprécier l'atteinte de l'objectif, explique-t-on au ministère, il faut en effet prendre en compte les impacts directs (zones à faibles émissions par exemple) des dispositions de la loi, leur rôle de catalyseurs de dispositions votées dans des lois précédentes (LOM, Agec, loi énergie-climat), mais aussi les impacts indirects plus difficiles à quantifier, en matière par exemple d'éducation, d'affichage environnemental, ou encore de publicité.
Pas sûr que cette démonstration résiste au caractère implacable des chiffres. Il revient maintenant aux parlementaires de l'apprécier. D'ores et déjà, la députée et ancienne ministre de l'Environnement Delphine Batho a adressé un courrier au président de l'Assemblée nationale demandant la saisine du Haut Conseil pour le climat sur le projet de loi. Avec neuf de ses collègues, elle juge le Boston Consulting Group "en situation de conflit d'intérêts au regard des nombreux acteurs économiques parmi ses clients ayant intérêt à ce que le projet de loi manque d'ambition".