Ce jeudi 23 mai, le collectif des ONG environnementales a présenté ses attentes concernant la future loi de mobilité que le gouvernement doit bientôt présenter. Le projet de loi de l'exécutif doit venir concrétiser les grandes orientations qu'il a retenues à l'issue des Assises de la mobilité qui se sont déroulées de mi-septembre à début décembre 2017. C'est "un dernier appel à l'exécutif", préviennent les ONG qui proposent leur propre projet de loi, articulé autour de 15 mesures phares. Les arbitrages sont imminents et le texte du gouvernement pourrait être présenté en conseil des ministres à partir de fin juin.
Réduire la place de la voiture
Le constat des associations est sans appel : la voiture monopolise les soutiens au détriment du rail. Depuis 1980, 276 milliards d'euros ont été investis dans la route, contre 78 milliards pour le train. Actuellement, les soutiens publics à la route sont de l'ordre de 400 millions d'euros par an, quand le train doit se contenter de 150 millions d'euros. Autre exemple qui irrite les ONG, le gouvernement défend "la chimère du véhicule autonome, faisant fi du coût environnemental des véhicules et des infrastructures", critique Audrey Pulvar. Et la présidente de la Fondation pour la Nature et l'Homme (FNH) de résumer l'enjeu : "le cœur du problème, qui n'est jamais évoqué par le gouvernement, est la réduction de la place de la voiture". A ce stade, les ONG déplorent "le manque d'ambition de Matignon et de Bercy" et évoquent "un manque de confiance" dans les promesses gouvernementales.
Concrètement, elles souhaitent que la future loi de mobilité vienne concrétiser les engagements du Plan climat présenté par Nicolas Hulot en juillet 2017 et soit compatible avec l'Accord de Paris. Il s'agit d'en faire "la première brique" du Plan climat, explique Pascal Canfin, directeur général du WWF, qui précise que ce serait un "très grand recul" si la neutralité carbone n'était pas le fil rouge du texte. Mais les associations ne se contenteront pas de promesses. Elles réclament aussi des soutiens concrets : au moins 3 milliards d'euros par an pour la rénovation du réseau ferroviaire, un Plan vélo financé à hauteur de 200 millions d'euros par an et une réaffectation d'une partie des sommes allouées à la prime à la conversion. Ces trois attentes font figure de lignes rouges.
Un vrai droit à la mobilité
Pour les associations, placer l'environnement au cœur du projet de loi implique de promouvoir les nouvelles façons de se déplacer. Ainsi, la prime à la conversion, qui permet de bénéficier d'une aide pour la mise au rebut d'une voiture ancienne et l'achat d'une voiture moins polluante, pourrait être transformée en prime à la mobilité. L'aide financière associée à la mise à la casse d'une voiture polluante pourrait être utilisée pour d'autres dépenses de mobilité, plutôt que pour l'achat d'une voiture. Telle qu'elle fonctionne actuellement, la prime à la conversion "est un outil au service des industriels de l'automobile", critique Pascal Canfin.
Plus globalement, les ONG préfèreraient que le gouvernement promeuve "un vrai droit à la mobilité", explique Bruno Gazeau. Le président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) défend en particulier le maintien des "petites" lignes ferroviaires. "On a un certain nombre de garanties", explique-t-il, tout en affichant une certaine vigilance sur les moyens financiers que voudront, ou pourront, y consacrer les Régions. Dans le même esprit, les ONG attendent une meilleure intégration des réseaux ferroviaires et routiers. Pour y parvenir, elles plaident pour un rapprochement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et souhaitent qu'elles soient chargées de réaliser des plans de mobilité neutres en carbone.
Généraliser les zones à basses émissions
La réduction de la place des voitures thermiques en ville est aussi une attente forte des ONG. Elles défendent notamment un objectif contraignant de 100% de véhicules électriques pour les taxis et les VTC d'ici 2025, comme l'envisage la Mairie de Paris. La fin des véhicules thermiques planifiée pour 2040 est "trop tardive", estime Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace. Pour accélérer le pas et réduire la pollution en ville les ONG veulent généraliser, d'ici 2025, les zones de circulation restreinte (ZCR) (aussi appelées zones à basses émissions (ZBE), sur le modèle des low emissions zones (LEZ)). Pour l'instant, seules Paris et Grenoble (Isère) ont réellement mis en place de telles zones, explique Jean-François Julliard. "On a le sentiment que la lutte contre la pollution de l'air n'est pas encore une priorité", regrette-t-il, soulignant que certains pays comme la Suède ont expérimenté les premières ZBE dès 1996.
Enfin, les ONG réitèrent une nouvelle fois leur demande d'abandon des avantages fiscaux accordés aux modes de transports les plus polluants. Cela passe par la suppression d'ici 2022 du remboursement fiscal sur le gazole professionnel (TICPE), la mise en place d'une redevance kilométrique d'utilisation de l'infrastructure pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes et la suppression de la niche fiscale sur le kérosène dont bénéficie le transport aérien.