Les sénateurs ont achevé en une journée l'examen, en séance publique, du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Le vote est attendu le 24 janvier prochain. Le texte sera ensuite examiné à l'Assemblée nationale.
« Le présent projet de loi n'emporte pas de décision s'agissant de l'engagement de projets de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires, ni s'agissant des orientations relatives au mix électrique français. Il ne préjuge pas des décisions qui seront prises à l'issue des travaux en cours sur la Stratégie française relative à l'énergie et au climat, qui tiendront compte des concertations et débats publics prévus sur ces sujets », indique le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi.Une négation de la participation du public ?
Les sénateurs ont souhaité revenir sur l'objectif de baisse du nucléaire inscrit dans la loi de programmation de l'énergie (PPE), alors même qu'un nouveau débat a été lancé pour redéfinir le mix énergétique et que des travaux sont à venir sur ce sujet.
En parallèle, un débat public a été lancé d'octobre 2022 à février 2023 sur le programme présenté par EDF qui prévoit la construction de six nouveaux réacteurs, dont les deux premiers seraient construits à Penly (Seine-Maritime).
La Commission nationale du débat public (CNDP) a réagi à ce vote, jugeant qu'il anticipait « de quelques mois un débat relevant du projet de loi de programmation énergétique ». Selon elle, cette anticipation « revient à considérer comme sans intérêt pour définir la stratégie énergétique les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours ».
Et pourtant, dès l'examen en commission, les sénateurs ont souhaité ajouter au texte une note politique. En revenant notamment sur l'objectif de baisse de la part du nucléaire à 50 % d'ici à 2035 inscrit dans la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). En séance publique, le 17 janvier, ils ont maintenu cette modification et ont continué à retoucher le projet de loi.
Une application élargie
Les sénateurs ont repoussé, contre l'avis du Gouvernement, la durée d'application du texte, initialement prévue pour quinze ans, à 2050, puisqu' « actuellement l'horizon des prévisions en matière d'énergie est fixé à 2050 ».
Ils ont également étendu les mesures de simplification aux projets d'installations d'entreposage de combustibles nucléaires. En commission, elles avaient déjà été élargies aux petits réacteurs modulaires (SMR) et aux électrolyseurs.
« [Ces] amendements (…) visent à détourner ce projet de loi de son objectif initial de prétendue simplification administrative pour la création d'EPR2 en l'étendant à toutes les installations nucléaires, à l'exception de celles relatives aux accélérateurs de particules et de Cigéo. La piscine de La Hague, les SMRs et toutes les installations nucléaires seraient concernées, sans aucune étude d'impact ou débat sur l'impact de telles mesures sur ces installations », dénonce Greenpeace.
Évaluer les impacts de ce programme
En commission, les sénateurs ont demandé au Gouvernement de remettre un rapport avant le dépôt du projet de loi de programmation sur l'énergie. Ce rapport doit évaluer l'impact de la construction de quatorze EPR sur la situation d'EDF, le marché de l'électricité et les finances publiques, les besoins en termes de métiers et de compétences, la sûreté et la sécurité nucléaire. Un amendement adopté en séance publique prévoit que le Gouvernement étudie également l'impact de ce programme sur l'amont et l'aval du cycle du combustible, notamment sur l'approvisionnement en uranium et en matières premières.
Par ailleurs, le Gouvernement devra engager un audit recensant « les besoins prévisionnels en emplois de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour faire face à la relance du nucléaire dans un contexte marqué par des aléas et évènements incertains ».
Littoral, inondations et submersions marines
Alors que le texte prévoit des dérogations à la loi Littoral sur les sites déjà installés dans ces zones, un amendement propose d'enfouir de préférence les lignes électriques. Le cahier des charges de la concession devra également prendre en compte les risques liés à l'élévation du niveau des fleuves.
Enfin, un amendement, adopté contre l'avis du Gouvernement, prévoit que la concession d'utilisation du domaine public maritime ne pourra pas être délivrée dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines. « Lors de la tempête Martin, fin décembre 1999, la Gironde a frôlé la catastrophe. La centrale du Blayais fut inondée par des vagues qui sont passées au-dessus de la digue de la centrale, même si celle-ci était dimensionnée contre une surcote millénale et un coefficient de marée de 120. L'inondation a endommagé le système de refroidissement et deux réacteurs ont dû être arrêtés d'urgence », rappelle l'exposé des motifs de l'amendement déposé par le groupe Écologiste et adopté.
Artificialisation nette
En commission, les sénateurs ont acté une mutualisation nationale des surfaces foncières des centrales nucléaires, afin de ne pas pénaliser les collectivités d'implantation des futurs réacteurs au titre de leurs obligations « zéro artificialisation nette » (ZAN). En séance publique, ils sont allés plus loin en prévoyant, en conséquence, que le Gouvernement étudie l'opportunité de mutualiser à l'échelle nationale les recettes fiscales liées au foncier des nouvelles centrales nucléaires. « S'il est parfaitement compréhensible que les centrales nucléaires représentent des projets d'intérêt national et que leur foncier mérite d'être mutualisé au titre de l'objectif ZAN, il est aussi intuitif que les recettes fiscales liées à ces projets bénéficient à l'ensemble des collectivités territoriales et non aux seules collectivités d'implantation », explique l'exposé des motifs déposé au nom de la commission des affaires économiques.
Des sanctions plus sévères en cas d'infraction
Enfin, les sénateurs ont souhaité renforcer les sanctions pour toute personne ou association qui s'introduirait ou tenterait de s'introduire dans un site nucléaire. L'amendement adopté double le montant des amendes prévues en cas de violation, et triple la peine d'emprisonnement. « De plus, des peines complémentaires pourront être décidées par le juge, à l'instar de la dissolution d'une personne morale se rendant coupable de l'infraction précitée ou l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de percevoir toute aide publique attribuée par l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d'une mission de service public », précise l'amendement des Républicains. Cette mesure cible les actions menées à plusieurs reprises par Greenpeace pour dénoncer les problèmes de sureté des sites nucléaires.