L'avant-projet de loi "propose une adaptation plus qu'une véritable transition du droit de l'énergie", estime le think thank la Fabrique écologique, dans une note d'analyse sur le projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français, publiée le 24 juillet. "La plupart des articles ont pour rôle de corriger, d'amender, de modifier des articles préexistants des codes de l'énergie ou de l'environnement pour l'essentiel. (…) Si l'on souhaitait forcer le trait, on pourrait affirmer que ce texte, pour beaucoup, adapte les lois « Grenelle 1 » du 3 août 2009 et « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010. Cette loi est, en quelque sorte, une loi « Grenelle 3 » par son inspiration".
Pilotés par Géraud Guibert, conseiller maître à la Cour des Comptes, et Arnaud Gossement, avocat au Barreau de Paris, ces travaux mettent en lumière les points positifs et les failles du projet de texte, qui "procède trop souvent à des renvois aux ordonnances ou aux décrets sur des points pourtant majeurs".
Ils sont publiés à quelques jours de la présentation en Conseil des ministres de la version finale du projet de loi. La Fabrique écologique s'interroge sur les grands objectifs inscrits dans le projet de loi, mais aussi sur les moyens prévus pour y parvenir. De nombreuses remarques rejoignent celles faites par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et le Conseil économique, social et environnemental (Cese), à qui le gouvernement a soumis le texte pour avis.
De grands objectifs à revoir
En premier lieu, le think thank regrette qu'en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'objectif du facteur 4 en 2050 ne soit pas réaffirmé. Le texte vise seulement une réduction de 40% en 2030 par rapport à 1990. Il salue en revanche la traduction de cet objectif dans une Stratégie nationale bas carbone, qui sera elle-même associée à des budgets carbone. Ce dispositif s'inspire "du modèle britannique, qui semble avoir conquis tout au moins le monde économique pour sa clarté". En revanche, les auteurs de la note regrettent l'approche "carbo-centrée" du projet de loi.
Concernant l'objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50% en 2050 par rapport à 2012, le think thank s'interroge, comme le Cese et le CNTE, "sur la possibilité - en substitution ou en complément - de rappeler l'objectif européen de réduction de 20% de l'énergie primaire, et de définir un objectif d'efficacité énergétique à l'horizon 2030".
Le projet de loi fixe des objectifs clairs de développement des énergies renouvelables : atteindre 32% de la consommation finale brute d'énergie, un objectif décliné par filière. Cependant, estime la Fabrique écologique, le texte donne peu de moyens pour y parvenir.
Enfin, à l'instar du Cese et du CNTE, le think thank s'interroge sur la validité juridique et constitutionnelle du plafonnement de la part du nucléaire à son niveau actuel (63,2 GW), et sur "sa compatibilité avec le droit communautaire, au nom notamment du respect du principe d'égalité entre opérateurs".
Donner de véritables outils aux territoires
Alors que la décentralisation de la compétence énergétique était au cœur du débat national sur l'énergie, le think thank estime que "le volet territorial du projet de loi est insuffisant". Selon lui, "la cohérence entre les différentes échelles (européenne, nationale, régionale, EPCI, commune) reste à établir".
Par exemple, le texte n'organise pas la traduction de la stratégie nationale bas carbone à travers les Plans climats énergie territoriaux (PCAET). De même, alors que la loi de modernisation de l'action publique territoriale a fait des régions les chefs de file de la compétence énergie, air et climat, "le texte est muet sur ce point, alors qu'il s'agit du meilleur cadre pour le traiter".
La mise en place d'une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), avec des objectifs détaillés, des ressources précisées et des chapitres dédiés au réseau, au stockage et à la gestion de la demande, dote la France d'un véritable outil de politique énergétique, analyse la Fabrique écologique. Cependant, elle conserve un caractère centralisateur : "Si une PPE s'avère pertinente pour les énergies à caractère national, une territorialisation pourrait être la règle de base pour les EnR, la maîtrise de la demande et l'autoproduction, notamment au sein des schémas régionaux climat air énergie".
L'économie circulaire et le transport à approfondir
Concernant les mesures pour le bâtiment, le think thank est globalement satisfait et regrette seulement l'absence de précisions sur le tiers financement et le passeport énergétique.
Au chapitre Economie circulaire, il s'étonne que les mesures soient "strictement consacrées aux déchets" et qu'il "se borne pour l'essentiel à la transposition des objectifs préexistants en droit de l'Union européenne".
Quant aux transports, comme de nombreux acteurs, la Fabrique écologique estime que l'essentiel des réponses apportées concernent le véhicule électrique. Les autres sources d'énergie ne sont pas assez abordées, ainsi que les transports collectifs et le fret. "L'avant-projet de loi élude des aspects entiers des évolutions nécessaires pour progresser vers une mobilité durable".