La ministre de l'Ecologie a présenté ce mercredi 18 juin les grandes lignes du projet de loi sur la transition énergétique. Très attendu, ce texte prévoit des mesures pour faire évoluer le mix énergétique, réduire les consommations d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Ces dispositions concernent la production énergétique en elle-même mais aussi les grands secteurs consommateurs d'énergie : bâtiment, transport… Actu-Environnement déclinera toutes ces thématiques dans les jours prochains.
Comme prévu, le projet de loi de transition énergétique reprend le cap fixé par François Hollande. Ainsi, la politique énergétique française visera une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre et une augmentation à 32% de la part de production renouvelable dans la consommation énergétique finale à horizon 2030. La baisse de la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50% d'ici 2025 est également inscrite dans le projet de loi. La consommation d'énergie en 2050 devra représenter la moitié de la consommation de 2012, sans que soient précisés les objectifs en matière de consommation électrique.
Les trajectoires pour atteindre ces grands objectifs seront inscrites dans une stratégie bas carbone, réexaminée tous les cinq ans et permettant une visibilité à quinze ans. Le première stratégie devra être adoptée au plus tard le 15 octobre 2015. Une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui fusionne les documents actuels (PPI électricité, PPI gaz, PPI chaleur), viendra, tous les cinq ans, préciser les objectifs en matière de baisse de la consommation, de production et de stockage. Elle définira également les enveloppes maximales de ressources publiques mobilisées pour atteindre les objectifs fixés, afin d'éviter les erreurs passées, notamment en matière de soutien aux énergies renouvelables.
Nucléaire : quand l'Etat veut reprendre la main
En matière énergétique, le gouvernement se veut "volontariste", explique l'exposé des motifs du projet de loi, citant en exemple les grands choix impulsés par le Conseil national de la résistance (charbon, centrales électriques…) ou par le gouvernement lors du premier choc pétrolier (programme nucléaire).
Ainsi, pour mieux maîtriser l'évolution du parc nucléaire, le projet de loi prévoit plusieurs mesures. La capacité de production nucléaire est plafonnée à son niveau actuel (63,2 GW). Ainsi, si la fermeture de la centrale de Fessenheim n'est pas inscrite dans le projet de loi, elle est induite : si EDF veut démarrer l'EPR de Flamanville (1.650 MW), il devra fermer l'équivalent en capacité. Or, la plus vieille centrale française représente 1.800 MW…
En outre, le projet de loi prévoit un nouveau dispositif pouvant entraîner la fermeture d'une centrale : la mise en service, ou le maintien en service, d'une installation nucléaire est conditionnée à l'autorisation d'exploiter. Le non-renouvellement ou l'abrogation de cette autorisation entraîne donc l'arrêt définitif de la centrale. L'autorisation d'exploiter prend en compte l'impact de l'installation sur la sécurité électrique, sa compatibilité avec la programmation pluriannuelle, son efficacité énergétique ou sa contribution aux objectifs climatiques. Ainsi, l'Etat pourra faire valoir les questions délicates d'approvisionnement en uranium, de gestion de déchets ou même le risque de panne en série pour refuser la mise en service ou le maintien d'une centrale nucléaire. Le projet de loi contient également un article visant à raccourcir les délais entre l'arrêt d'un réacteur et son démantèlement.
Enfin, les exploitants produisant plus du tiers de la production électrique nationale, à l'instar d'EDF, devront présenter un plan au gouvernement, décrivant leur stratégie pour diversifier leur production électrique afin de respecter les objectifs fixés dans la programmation pluri-annuelle. Ce plan décrit les évolutions du parc, leur impact sur la sécurité d'approvisionnement et le réseau de transport. Le suivi de ce plan doit être présenté chaque année aux parlementaires.
Accélérer et financer le déploiement des énergies renouvelables
Parallèlement, le gouvernement veut accélérer le développement des énergies renouvelables. Des dispositions très attendues précisent la remise à plat des mécanismes de soutien, qui seront réformés par ordonnance. Si les tarifs d'achat pourront toujours être utilisés, notamment des tarifs d'achat variables, le projet de loi introduit un "complément de rémunération" (prime) pour les producteurs d'énergie vendant directement leur production sur le marché de gros. Ces différents types de soutiens seront accessibles par appels d'offres. En contrepartie, les obligations des bénéficiaires sont renforcées : le projet de loi prévoit la suspension, le retrait et éventuellement le remboursement des sommes versées en cas de non-respect du cahier des charges.
Un fonds national de transition énergétique et de croissance verte, doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, sera créé. Il permettra un doublement du fonds chaleur (400 M€ pour la période 2015-2017) mais aussi un doublement du volume de prêts délivré par BPI France pour les projets renouvelables d'ici 2017, pour atteindre 800 M€ par an. La Conférence bancaire, prévue le 23 juin prochain, devra étudier la mise en place d'obligations vertes pour les PME, notamment pour les énergies renouvelables.
Pour diversifier le financement des EnR, le projet de loi prévoit également des mesures facilitant les prises de participation des communes et des particuliers dans les projets.
La mise en concession des centrales hydroélectriques est également précisée. Des groupements de concessions à l'échelle des grandes vallées pourront être créés et celles-ci seront gérées par des sociétés d'économie mixte pour "renforcer le contrôle public". Les actionnaires seront quant à eux sélectionnés par appels d'offres.
Le projet de loi prévoit aussi des mesures pour accélérer le développement du biométhane. Des appels d'offres pourront être lancés si les objectifs d'injection de biogaz ne sont pas atteints. Ségolène Royal a d'ailleurs annoncé le lancement d'un appel d'offres pour construire 1.500 méthaniseurs.