Les sénateurs souhaitent que le Gouvernement fasse de leur proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique la base des travaux législatifs dans ce domaine. La proposition de loi de Patrick Chaize a été adoptée le 12 janvier en première lecture. Le sénateur LR de l'Ain estime que Cédric O « en [partage] l'objectif ». Devant les sénateurs, le secrétaire d'État à la Transition numérique a estimé que le texte « rejoint la volonté du Gouvernement de faire converger écologie et numérique » et a expliqué « [aborder] l'examen de cette proposition de loi de manière ouverte », rapporte le Sénat. Pour l'instant, le texte adopté par les sénateurs a été déposé le 13 janvier à l'Assemblée nationale et transmis à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
L'ambition des sénateurs est d'aborder, dans un texte unique, les impacts environnementaux de l'ensemble de la chaîne de valeur du numérique, des terminaux aux centres de données, en passant par les réseaux. Un texte visant l'impact climatique spécifique de ce secteur se justifie car son empreinte carbone devrait considérablement progresser dans les années à venir, justifie Patrick Chaize. Aujourd'hui, l'empreinte carbone du secteur représente 2 % des émissions de CO2 françaises. Cette part devrait passer à 7 % en 2040, faute d'une action rapide, selon le rapport sénatorial à l'origine de la proposition de loi.
De nombreux sujets traités
Le texte poursuit quatre objectifs : faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental ; limiter le renouvellement des terminaux numériques ; promouvoir des usages numériques écologiquement vertueux ; prévenir l'augmentation des consommations et émissions, notamment dans le contexte du déploiement de la 5G.
Parmi les principales mesures, on peut retenir la volonté d'imposer aux opérateurs de réseaux et de centres de données des engagements environnementaux juridiquement contraignants. Ceux-ci seraient pris sous l'égide de l'Arcep qui serait dotée de nouveaux pouvoirs de régulation environnementale. Les sénateurs veulent aussi soutenir l'achat par les entreprises de terminaux reconditionnés (grâce à un crédit d'impôt à la numérisation durable), rendre plus effectif le délit d'obsolescence programmée, sanctionner l'obsolescence logicielle, allonger la durée de la garantie légale de conformité des produits numériques, ou encore abaisser à 5,5 % la TVA sur le reconditionnement et la réparation. Le lancement automatique des vidéos et la commercialisation de forfaits mobiles avec un accès illimité aux données pourraient être interdits.
En séance, deux grandes modifications ont été apportées. La première, votée contre l'avis du Gouvernement, concerne le renforcement de l'information sur les produits reconditionnés, avec notamment un affichage des pays de provenance et de reconditionnement. La seconde, soutenue par le Gouvernement, concerne l'information des utilisateurs des sites de vidéo à la demande (VOD) concernant les émissions de gaz à effet de serre associées au visionnage d'une vidéo. Cette information tiendrait compte du type de connexion utilisé et du niveau d'affichage et de résolution proposé.
Le Gouvernement propose des mesures éparses
Quelle suite attendre de l'initiative sénatoriale ? En octobre, le Gouvernement rappelait que la loi contre le gaspillage et pour l'économie circulaire (Agec) de février 2020 contient déjà des dispositions traitant de l'impact environnemental du numérique. Il citait en particulier les mesures de lutte contre l'obsolescence programmée des équipements et l'obsolescence des logiciels, et notamment l'indice de réparabilité. L'exécutif propose aussi une feuille de route pour mieux connaître l'empreinte environnementale du numérique. Mais celle-ci n'apporte pas de garanties suffisantes en matière de réduction de l'impact climatique du secteur, a expliqué le Haut conseil pour le climat (HCC) dans son rapport publié en décembre 2020. Cette « lacune (…) pourrait être comblée par l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et par la poursuite de la navette parlementaire », plaident les sénateurs.
À cela s'ajoutent une série de mesures variées : une enquête de la DGCCRF sur l'après-vente des terminaux numériques, une éco-conditionnalité sur le tarif réduit de la taxe applicable à l'électricité consommée accordée au data centers, des appels à projets de l'Agence de la transition écologique (Ademe), et une concertation avec les professionnels en vue de mesures supplémentaires.
Un texte présenté comme consensuel
Sur le plan législatif et règlementaire, l'exécutif pourrait prendre des mesures si elles s'avéraient nécessaires à l'issue de la concertation avec les opérateurs. Un domaine pourrait notamment être ciblé : la sobriété dans les usages. Mais cela reste au conditionnel. D'où l'insistance des sénateurs pour que leur texte soit repris.
Ils mettent notamment en avant plusieurs points en leur faveur. Tout d'abord, le texte est le fruit d'une longue réflexion entamée il y a plus d'un an par la mission d'information. Le texte a ensuite été élaboré « avec le Gouvernement », a expliqué en préambule des débats Patrick Chaize. Les élus de la Chambre haute insistent aussi sur le caractère consensuel de leur texte. La proposition a été présentée par près de 130 des 348 sénateurs et adoptée par la « quasi-majorité » d'entre eux, fait valoir le Sénat. L'essentiel de l'échiquier politique se retrouve donc dans le texte. Enfin, la démarche des sénateurs se veut constructive : la proposition de loi mise en grande partie sur l'accompagnement et l'information plutôt que sur la sanction.