Face à la crise, la présidente de la Commission européenne a choisi d'être ambitieuse. Ursula Von der Leyen a proposé devant le Parlement européen ce mercredi 27 mai, un budget de 750 milliards d'euros pour aider les 27 États membres à financer la reprise économique. Baptisé Next Generation EU, cet instrument financier s'appuie sur 500 milliards d'euros de subventions et 250 milliards de prêts. Il complètera le budget de l'Union pour la période 2021-2027, ce qui portera à 1 850 milliards d'euros la capacité financière totale de l'UE. Sans oublier les 540 milliards d'euros que l'Union européenne a déjà déployés en urgence et les 1 000 milliards d'euros que la banque centrale européenne (BCE) s'est engagée à injecter dans le système financier. « Le plan de relance transforme l'immense défi auquel nous sommes confrontés en une opportunité, non seulement en soutenant la reprise, mais aussi en investissant dans notre avenir : le pacte vert pour l'Europe et la numérisation stimuleront l'emploi et la croissance, la résilience de nos sociétés et la santé de notre environnement », a déclaré Ursula Von der Leyen.
Pour la première fois de son histoire, la Commission propose d'emprunter en son nom les 750 milliards d'euros sur les marchés financiers et de les écouler via des programmes de financement déjà existants ou via de nouveaux canaux. La prise de position commune d'Emmanuel Macron et d'Angela Merkel en faveur d'une dette mutualisée a sans doute convaincu la Commission européenne de proposer un tel mécanisme, malgré la réticence des Pays-Bas, de l'Autriche, de la Suède ou encore du Danemark. Le débat risque d'être rude entre les 27 qui vont devoir approuver ce plan de relance. Au mieux d'ici juillet.
Aider les États qui en ont le plus besoin
Les fonds mobilisés pour Next Generation EU seront investis selon trois piliers : soutenir les États membres en matière d'investissements et de réformes, relancer l'économie de l'Union en attirant des investissements privés et tirer les enseignements de la crise. La transition écologique fait partie des réformes éligibles. Elle pourra bénéficier de 310 milliards d'euros de subventions et des prêts à hauteur de 250 milliards d'euros. « Le soutien sera à la disposition de tous les États membres, mais concentré sur ceux qui ont été les plus touchés et où les besoins en matière de résilience sont les plus importants », prévient la Commission.
Le plan de relance prévoit également une proposition de renforcement du Fonds pour une transition juste à hauteur de 40 milliards d'euros, afin d'aider les États membres à accélérer la transition vers la neutralité climatique. Ce fonds a été créé dans le cadre du Green Deal ou Pacte vert pour l'Europe. Il doit bénéficier aux pays les plus en retard en la matière.
Quinze milliards d'euros viendront renforcer le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) « afin d'aider les zones rurales à effectuer les changements structurels nécessaires, conformément au Pacte vert pour l'Europe, et à réaliser les objectifs ambitieux, conformément à la nouvelle stratégie en faveur de la biodiversité et à celle dite "De la ferme à la table" », explique la Commission. C'est notamment ce fonds qui peut être sollicité pour soutenir la conversion en agriculture biologique, ou encore certains aménagements en faveur de la gestion des inondations et milieux aquatiques (Gemapi).
Des investissements directs vers les entreprises
En matière de recherche, un montant de 94,4 milliards d'euros viendra renforcer le programme Horizon Europe pour financer des activités de recherche, essentielles dans les domaines de la santé, de la résilience et des transitions écologique et numérique.
La crainte d'un robinet non sélectif
La Commission souhaite que le Pacte vert européen soit la base de la stratégie de relance de l'UE. Elle cite comme grand axe de relance : « une grande vague de rénovation de nos bâtiments et de nos infrastructures et une économie plus circulaire, favorisant l'emploi local ; le lancement de projets d'énergie renouvelable, en particulier l'énergie éolienne et solaire, ainsi que d'une économie de l'hydrogène propre en Europe ; des transports et une logistique plus propres, y compris l'installation d'un million de points de recharge pour les véhicules électriques et un coup de fouet au transport ferroviaire et à la mobilité propre dans nos villes et régions ; le renforcement du Fonds pour une transition juste, afin de soutenir la reconversion et d'aider les entreprises à créer de nouvelles perspectives économiques. »
Mais rien ne dit que les mécanismes mis en place permettront de flécher la majorité des fonds vers ces politiques ou d'exclure des activités non climato-compatibles. Et c'est bien ce qui inquiète la Fondation Nicolas Hulot (FNH) : « Le plan de relance proposé par Ursula Von der Leyen marque un tournant majeur. Historique, ce plan peut le devenir si dans les faits il permet de financer une sortie de crise basée sur la conversion écologique de l'Europe ». Pour l'ONG, la bataille qui va s'engager sur les conditions de l'usage de cet argent européen sera déterminante. « Le critère "do no harm" [qui ne nuit pas à l'environnement] devra être confirmé par une exclusion stricte des investissements dans les énergies fossiles. Et il faudra aller au-delà en priorisant les investissements primordiaux, alliant emploi et transition : rénovation des bâtiments, transports durables ou conversion agro-écologique en tête. »