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Modes de vie du futur : sobriété et coopération, seules issues soutenables

Comment penser les modes de vie en 2050 en France et leurs impacts sur les émissions de CO2 ? Un exercice collectif de la Mission prospective du ministère de l'Écologie propose des visions contrastées du futur.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï

Est-il possible d'imaginer une ville durable à l'horizon 2050 sans que les modes de vie en soient profondément transformés ? "En effet, il s'avère que les économies d'énergie résultant de certaines infrastructures ou technologies sont plus que compensées par l'accroissement global des consommations. Inversement, la promotion de modes de vie durables paraît contradictoire lorsque les infrastructures poussent à une consommation croissante de ressources", note l'introduction à la présentation de la recherche, qui vient d'être publiée dans le n°21 des Cahiers du CLIP (1) . Cette étude s'inscrit dans un projet de recherche financé par le Programme Interdisciplinaire Energie (PIE) 2010-2013 du CNRS et le programme "Repenser les villes dans la société post-carbone" de la mission prospective du ministère de l'Écologie et du Développement durable et co-piloté par le service Économie et prospective de l'Ademe.

Exercice inédit en France, ce travail de prospective, présenté à Paris le 19 février par la sociologue Cyria Emelianoff, professeure à l'Université du Maine, et Damien Joliton, directeur technique à Énergies Demain, identifie les variables clés de l'évolution des modes de vie en France, et leurs impacts sur les émissions de CO2 : émergence de nouveaux comportements à travers l'habitat groupé, les régimes alimentaires, les nouvelles pratiques de mobilité, la simplicité volontaire, mais aussi, plus généralement, l'évolution des représentations sociales, des modes d'habiter, de consommer, de travailler, dont les effets sont significatifs sur les consommations d'énergie.

Cinq sociétés du futur

Le changement climatique est identifié comme une variable majeure de changement de civilisation, une bifurcation qui va s'accompagner d'une modification profonde des modes de vie autant que des institutions politiques, sur fond de montée des tensions, qu'elles soient interpersonnelles, politiques, religieuses ou internationales. En même temps, le changement climatique sollicite l'imagination des sociétés. C'est bien à un exercice d'étirement de l'imaginaire des récits de vie du futur que s'est adonnée cette recherche dans une démarche pluridisciplinaire, le collectif étant composé de sociologues, géographes et économistes de l'énergie.

Il en ressort cinq visions du futur, dont quatre "sont volontairement en rupture forte avec l'existant et relativement caricaturales afin de pousser au bout chacune des logiques décrites. En ce sens, 2050 ne veut pas être un horizon précis, mais évoque une perspective relativement lointaine, permettant à des changements profonds de s'opérer", note l'introduction aux Cahiers du CLIP. Le premier scénario est celui de la continuation actuelle de la société du consumérisme vert, scénario tendanciel en regard des modes de vie en Europe. "Le maître mot : l'adaptation, au stress, à la pénurie de fonds publics, au changement climatique... doublée de demandes multiformes de sécurité. Les modes de vie sont conformistes et hiérarchisés. Le travail reste une valeur pivot. Les NTIC transforment les relations sociales entre les proches", commente Cyria Emelianoff.

Un second scénario, celui de la "société de l'individu augmenté", célèbre l'arrachement au temps et à l'espace. Le nucléaire voit sa part croître dans le système énergétique, les investissements dans la fusion nucléaire se poursuivent, peaux photovoltaïques, smart grids, biocarburants artificiels et agrocarburants se répandent. Une élite de cyborgs bénéficiant de la convergence de technologies NBIC (nano-bio-info-cognitif) coexiste avec des tissus péri-urbains "paupérisés et bricolés". La dualisation sociale et environnementale bat son plein, "on vit dans des espaces sous bulle, l'extérieur étant dégradé par la crise climatique et écologique et marqué par la fin du tourisme".

Les trois autres sociétés du futur (S3-S4-S5) sont en partie porteuses d'espoir et d'utopies réalisées. Ainsi la "société duale de sobriété plurielle" voit les décroissants et créatifs culturels du XXème siècle ouvrir la voie. La sobriété est imposée par la précarité. Les valeurs cardinales sont la tolérance, le pluralisme, la diversité culturelle. C'est l' "âge de faire" et l'époque de l'exode urbain. 60% de la société du "premier monde" continue d'alimenter le système économique historique dans les métropoles, tandis que les 40% restant ont "décroché", créant de nouvelles formes d'organisation sociale. La montée en puissance du système D amplifie les alternatives. Une centrale nucléaire sur deux n'est pas remplacée car la demande énergétique du "second monde" a fortement baissé.

Quant à la "société de l'écocitoyenneté", elle voit la crise climatique induire des formes de pénurie en même temps qu'un système productif vertueux. La prise de conscience de l'impact des modes de vie sur l'environnement a entraîné des changements dans les choix individuels et collectifs : sobriété, agriculture de proximité, décentralisation énergétique, mobilité solidaire. Enfin, la "société âge de la connaissance" se caractérise par le réinvestissement de l'espace public, le retour aux savoirs vivants, des voies nouvelles en agriculture, une descente énergétique, la régression de la consommation, la vigueur de l'autoproduction et une économie plurielle partagée entre travail salarié et bénévolat. Les "grands créatifs" sont les héros de la société.

Le consumérisme vert, scénario d'effet rebond

Une évaluation quantitative des émissions de gaz à effet de serre des ménages, en fonction de leur typologie familiale, de leurs revenus et de leur localisation géographique, a été associée à ces cinq visions. Il en ressort que la société du consumérisme vert, à savoir celle qui prolonge la nôtre dans le futur, est un scénario d'effet rebond : tous les ménages voient leurs émissions augmenter malgré le développement de l'efficacité énergétique, à l'exception de ceux de la famille monoparentale paupérisée, qui circule en deux roues électrifié faute de pouvoir entretenir une voiture à moteur thermique. "Les technologies seules et la modification des mix énergétiques ne permettent pas d'atteindre le Facteur 4", souligne Damien Joliton. C'est par l'association d'actions de sobriété, de réduction des besoins et d'une modification des mix et des sources d'énergie que les résultats de modélisation parviennent à atteindre des niveaux de réduction de GES compatibles avec le Facteur 4. Les sociétés des scénarios S3, S4 et S5 - écocitoyennes, de la dualité et sobriété plurielle et de l'âge de la connaissance - sont les plus prometteuses en la matière.

1. Consulter la publication
http://www.iddri.org/Publications/Modes-de-vie-et-empreinte-carbone

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