Cent cinquante à 740 euros… C'est en Europe le coût par personne et par an de la pollution de l'eau, de l'air et des sols due à l'azote, selon l'évaluation européenne pour l'azote (ENA), conduite par 200 experts de 21 pays et 89 organisations, et publiée le 11 avril.
Au total, le coût annuel des dommages causés par l'azote est compris entre 70 et 320 milliards d'euros à l'échelle européenne, ''soit plus du double des bénéfices résultant de l'utilisation de l'azote dans l'agriculture européenne''. Car l'agriculture est la principale source de rejets en Europe (engrais minéraux et effluents d'élevage). L'alimentation animale est particulièrement pointée du doigt dans cette étude (80 % de l'azote utilisé dans l'agriculture). Selon le coordinateur de l'ENA, Mark Sutton, ''près de la moitié de la population mondiale dépend des engrais azotés synthétiques utilisés pour la production alimentaire, mais des mesures sont nécessaires pour réduire les impacts de la pollution azotée. Les solutions incluent une utilisation plus efficace des engrais minéraux et organiques (fumiers, lisiers, composts, …) et des choix alimentaires visant à une consommation modérée de viande''. L'étude précise que la consommation européenne de protéines animales (produits carnés ou laitiers) dépasse de 70 % les recommandations nutritionnelles.
Une pollution aux impacts multiples
Les rejets d'azote dans l'environnement ont de multiples impacts sur l'environnement et la santé. C'est en listant ces impacts que l'étude a estimé le coût de cette pollution. Ainsi, l'ENA estime que 10 millions de personnes en Europe de l'Ouest consommeraient une eau dépassant le seuil autorisé de concentration en nitrates. Dans l'air, les rejets d'ammoniac et d'oxyde d'azote (agriculture, transport et industrie) augmentent les niveaux de particules, qui réduiraient de 6 mois l'espérance de vie en Europe centrale.
Utilisé pour augmenter les rendements agricoles, l'azote réactif apporté aux sols pourrait, à terme, acidifier les sols et provoquer des pertes de rendement agricole, de productivité des forêts et la libération de métaux lourds vers les eaux.
L'azote, transporté par les cours d'eau, est rejeté à la mer, causant le ''développement d'algues toxiques et de zones biologiquement mortes, particulièrement dans la mer du nord, l'Adriatique, la Baltique et les côtes bretonnes''.
Les dépôts atmosphériques d'azote réactif entraîneraient un déclin de la biodiversité (plus de 20 % de perte de diversité des végétaux). Enfin, ''les émissions de gaz à effet de serre depuis les sols représentent environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe, mais on observe d'autres effets réchauffant et refroidissant liés à l'azote''.
Sept actions clés pour limiter la pollution à l'azote
Pour limiter cette pollution, une approche intégrée est nécessaire, prenant en compte les différentes sources d'azote, note l'étude. Sept actions clés sont préconisées par les chercheurs, dont la plupart concernent l'impact agricole. Ainsi, il s'agit d'optimiser l'utilisation de l'azote des engrais minéraux et organiques via une meilleure gestion de l'azote et des technologies adaptées. Mais cette optimisation va de pair avec une limitation de la consommation de protéines animales.
L'efficacité doit être améliorée dans les transports et l'énergie, l'usage des énergies renouvelables doit être favorisé. Enfin de nouvelles technologies doivent être déployées dans la gestion d'épuration des eaux afin de mieux recycler l'azote et le phosphore.