
Député européen (S&D)
Actu-Environnement : Vous venez de présenter un rapport sur la promotion des cultures protéagineuses en Europe, que la commission Agriculture du Parlement européen a adopté à une large majorité. Quelle est la situation européenne en terme de dépendance aux protéines végétales ?
Jean-Paul Denanot : L'Union européenne importe près de 90% de ses besoins en protéines végétales. La France est dans une moindre dépendance, elle importe autour de 50% de ses besoins. Ce déficit en production de protéines végétales sur le sol européen doit être comblé, pour éviter d'être soumis au bon vouloir des pays exportateurs. Le Brésil, par exemple, multiplie les partenariats avec la Chine, qui préempte progressivement la quasi totalité de la production de soja. Cette situation risque de mettre en péril la production alimentaire européenne, que ce soit pour l'alimentation humaine directement ou pour l'alimentation animale.
AE : Vous soulignez également dans le rapport qu'une augmentation des cultures de protéagineux apporte des bénéfices d'un point de vue environnemental…
JPD : En effet, lorsque l'on cultive des protéines végétales, comme les légumineuses, cela permet de fixer l'azote atmosphérique et d'éviter le recours à des intrants en nitrate. Pour cela, il faut mettre en place un système de production diversifié et augmenter les rotations de cultures. Ne pas cultiver seulement du maïs et du blé, mais aussi des pois, du tournesol, du lupin… Cela nécessite un changement important de pratiques mais c'est un système gagnant-gagnant sur le plan environnemental.
AE : Ce constat est partagé par de nombreux acteurs depuis longtemps. Pourquoi la situation n'a-t-elle pas évolué plus vite ?
JPD : Il y a plus de dix ans que cette question est sur la table ! Mais le sujet a été freiné par les lobbies, les industriels comme Monsanto qui défendent leurs produits. Aujourd'hui, avec le contexte géostratégique, il y a une vraie fenêtre de tir. Les choses ne peuvent plus rester comme ça. Et on le voit, dans cette perspective, les esprits sont beaucoup mieux préparés au changement. La Commission prépare un plan sur les protéines végétales. Je lui présenterai mon rapport prochainement. La présidence bulgare du Conseil en a également fait une priorité.
AE : Quelles préconisations faites-vous pour augmenter ces cultures en Europe ?
JPD : La nouvelle politique agricole commune (PAC) doit accompagner ces changements de pratiques et les agriculteurs qui sont volontaires. Les rotations, les associations de cultures doivent être encouragées à travers les deux piliers de la PAC (paiement couplé volontaire, paiement de verdissement et mesures agro-environnementales). Il faut un vrai plan stratégique pour réduire les importations, notamment de soja, et limiter le recours aux intrants.