Par une décision du 26 mars 2014, le Conseil d'Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le classement des cours d'eau prescrit par l'article L. 214-17 du code de l'environnement.
Cet article, issu de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema) de 2006, qui transpose la directive cadre sur l'eau (DCE), empêche la construction de tout nouvel obstacle à la continuité écologique des cours d'eau et impose la restauration de cette continuité là où elle n'est plus assurée. Ce qui ne fait pas l'affaire des professionnels de l'hydroélectricité.
Le principe de participation du public méconnu ?
La QPC a en effet été posée par le syndicat professionnel France Hydro Electricité à l'appui d'un recours en annulation dirigé contre deux arrêtés préfectoraux du 4 décembre 2012 portant classement des cours d'eau du bassin Seine-Normandie.
Le syndicat, qui représente les petits producteurs hydroélectriques, estime que les dispositions de l'article L. 214-17 du code de l'environnement méconnaissent l'article 7 de la Charte de l'environnement. Cet article affirme le principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Or, à la date d'adoption des arrêtés contestés, l'article L. 120-1 du code de l'environnement relatif à la mise en œuvre de ce principe n'avait pas encore été mis en conformité avec la Constitution.
Le Conseil d'Etat a jugé que la question présentait un caractère sérieux et l'a donc transmise au Conseil constitutionnel qui dispose maintenant de trois mois pour trancher.
Trois-quarts du potentiel hydroélectrique condamnés ?
France Hydro Electricité estimait en janvier 2013 que les propositions de classement des cours d'eau condamnaient trois-quarts du potentiel hydroélectrique français et interdiraient la plupart des activités économiques sur les rivières. Il avait alors annoncé le dépôt d'un recours contre les arrêtés de classement du bassin Loire-Bretagne et son intention de le faire contre ceux des bassins Seine-Normandie et Rhin-Meuse.
"Ces listes de classement malheureusement très insuffisantes sont réduites de jours en jours sous la pression des exploitants de microcentrales dans deux bassins en particulier", répondait France Nature Environnement (FNE), réclamant, dans un communiqué de mai 2013, "la fin de cette braderie" et "l'application rapide des mesures engendrées par ces classements".
Le processus de classement des cours d'eau s'est finalement achevé en novembre dernier avec la publication des arrêtés pour le bassin Adour-Garonne.
"La destruction des derniers tronçons de rivières du pays"
"Il ne s'agit pas de choisir entre protection de l'environnement et production d'énergie renouvelable, la petite hydroélectricité concilie les deux", déclarait France Hydro Electricité. "La Convention pour le développement d'une hydroélectricité durable, signée par les parties prenantes en juin 2010, pose le cadre de la réalisation de + 3 TWh à l'horizon 2020", rappelaient toutefois les petits producteurs d'hydroélectricité, inquiets que le classement puisse compromettre cet objectif.
France Nature Environnement (FNE), qui n'a pas signé cette convention, estimait au contraire que la France avait atteint la limite de son potentiel hydroélectrique. "Nous ne sommes pas favorables au développement d'une hydroélectricité dans un pays où pratiquement tous les grands sites énergétiques sont déjà équipés : aucun fleuve, rivière, ou ruisseau n'échappent au tronçonnage !, indiquait Bernard Rousseau, responsable des question eau de l'ONG, en mai 2013. Cette convention (…) validait la destruction des derniers tronçons de rivières du pays, en particulier des petits cours d'eau, souvent de très bonne qualité".