Mercredi 30 mars 2011, Airparif a présenté son rapport sur la qualité de l'air en Ile-de-France en 2010. Une année "assez comparable aux années précédentes" a indiqué Jean-François Saglio, président d'Airparif, ajoutant que "la situation s'améliore mais pas aussi vite qu'on le souhaite."
Cinq polluants problématiques
Effectivement, l'association chargée de surveiller la qualité de l'air sur l'ensemble de la région Ile-de-France constate que cinq polluants dépassent depuis plusieurs années les normes réglementaires européennes : les particules fines de moins de 10 microns de diamètre (PM10), celles de moins de 2,5 microns de diamètre (PM2,5), l'ozone (O3), le dioxyde d'azote (NO2) et le Benzène.
Trois d'entre eux, les PM10, les PM2,5 et le NO2, sont stables depuis plusieurs années, l'ozone voit son augmentation stopée et la baisse ne progresse plus pour le benzène.
Karine Leger, adjointe au directeur, attribue aux conditions météorologiques les légères variations annuelles. En l'occurrence 2010 est "une moins bonne année que 2008 mais meilleure que 2007 et 2009." Par ailleurs, si les épisodes de forte pollution ont été moins nombreux (3 jours pour l'ozone et les PM10 et une journée pour le NO2), les niveaux chroniques de pollution sont "préoccupants et stables au-delà de la réglementation."
Les particules fines posent problème au cœur de l'agglomération
S'agissant des PM10, ce sont 1,8 million de Franciliens qui sont exposés à un air qui ne respecte pas la norme européenne, c'est-à-dire un dépassement du seuil des 50 microgrammes par mètre cube (µg/m3) durant plus de 35 jours par an. Ce sont principalement les habitants du cœur de l'agglomération et ceux vivant à proximité de grands axes où l'exposition est qualifiée de "très intense" par Karine Leger. Ainsi, la station de la RN 2 à Pantin (avec 97 jours de dépassement), celle du Boulevard périphérique située à la Porte d'Auteuil (156 jours) et celle de l'A1 à Saint Denis (176 jours) constituent le podium des stations présentant les plus mauvais résultats en 2010.
Même constat pour les PM2,5 : la norme européenne est respectée loin du trafic, mais des stations situées sur les grands axes routiers, notamment celle de la Porte d'Auteuil, présentent des niveaux de pollution élevés. Quant à l'objectif fixé par le deuxième Plan national santé environnement (PNSE 2), à savoir tendre vers 15 µg/m3 en 2010, un objectif qui devient obligatoire en 2015, il est "largement dépassé", explique l'adjointe au directeur.
Le trafic routier responsable des émissions de NO2
Le dioxyde d'azote, comme les particules fines, "pose un problème quant aux respect des normes européennes." Ce sont 3,5 millions de Franciliens qui sont surexposés et plus particulièrement 9 Parisiens sur 10. Karine Leger indique que "le trafic est le principal responsable", et plus particulièrement l'évolution du parc automobile. En effet, si les filtres à particules catalysés réduisent les émissions de particules fines, ils augmentent par ailleurs les émissions de NO2. Ainsi, les axes routiers présentent des niveaux jusqu'à deux fois au-dessus des normes et stables depuis 10 ans. Quant à la station de la Porte d'Auteuil, elle présente des résultats calamiteux avec 305 jours de dépassement de la valeur limite de 200 µg/m3, pour seulement 18 jours de dépassement autorisés…
Enfin, l'ozone, dont le niveau a doublé depuis 1992, est stable en moyenne et présente une baisse de l'intensité des épisodes de forte pollution. Le problème est continental et récurrent, surtout en été, explique Airparif précisant que contrairement aux autres polluants, les zones rurales sont les plus touchées.
Caractériser l'origine des particules fines
Pour 2011, Airparif s'est fixé pour objectif de mieux comprendre l'exposition du public à la pollution, en particulier lors des trajets du domicile au travail. Une nouvelle station située à la place de l'Opéra à Paris renforcera le suivi de l'exposition aux PM2,5 dans une zone qui combine un habitat dense, un trafic routier important et une forte fréquentation du public.
De même, une étude attendue pour septembre devrait permettre de caractériser l'origine des particules fines. Elle devrait permettre d'établir quelles sont les proportions associées à la pollution naturelle, régionale, urbaine et périurbaine, afin de distinguer l'impact des différentes sources locales d'émission. Un enjeu important pour l'Ile-de-France qui est sous la menace de sanctions européennes.
En effet, si la France a demandé un report du délai d'application des mesures européennes en matière de PM10, la "Commission européenne demande [néanmoins] instamment à la France […] de se conformer aux normes de l'Union européenne en matière de qualité de l'air." En l'état, les poursuites européennes sont au stade de l'avis motivé, dernière étape avant que la Commission ne saisisse la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui pourrait condamner l'Etat à une amende assortie d'une astreinte journalière.
ZAPA : le modèle berlinois
Enfin, interrogée sur l'expérimentation de zones d'action prioritaires pour l'air (ZAPA), prévue par la loi Grenelle 2 et à laquelle Paris et Plaine Commune participeront, Karine Leger a estimé qu'"il ne faut pas s'attendre à des baisses importantes de la pollution." La lutte contre la pollution reste "un chalenge pour toute les grandes agglomérations", a-t-elle précisée.
Quelles sont les expériences les plus intéressantes en Europe? Berlin, selon la responsable d'Airparif qui explique que la stratégie interdit sur une vaste zone les véhicules les plus polluants en se basant sur les normes Euro. Cependant, elle prévient : "pour être efficace, il faut limiter les exceptions accordées à certains véhicules." Quant aux résultats escomptés, ce sont une diminution de quelques pourcents de la pollution et une réduction des pics de pollution. À Berlin, la baisse de la concentration de particules fines serait de l'ordre de 5 µg/m3. Cependant, "les effets sanitaires sont importants", conclut-elle, faisant référence à l'étude Aphekom qui a mis en avant l'intérêt sanitaire du respect des normes OMS pour les PM2,5.