Dans le cadre de la procédure en manquement, la Commission souhaite invoquer de manière plus large la directive du 21 mai 2008 sur la qualité de l'air et un air pur en Europe. Jusqu'à maintenant, les recours de la Commission étaient fondés sur l'article 13 de la directive déterminant les valeurs seuils de pollution à ne pas dépasser. Désormais, la Commission se donne le droit d'invoquer également l'article 23 relatif au plan de qualité de l'air. Elle renforcera ainsi la portée de son action devant la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE).
Cette menace vaut pour les procédures en cours à l'encontre de 17 Etats membres, dont la France, qui"affichent régulièrement une qualité de l'air médiocre". Par trois mises en demeure, elle invite plus particulièrement la Bulgarie, la Lettonie et la Slovénie "à remédier de toute urgence à une situation persistante qui tue chaque année plus de citoyens que les accidents de la route".
Plan de protection de l'atmosphère (PPA) insuffisants
La directive imposait aux États membres de limiter l'exposition des citoyens à certaines particules telles que les PM10 en fixant des valeurs limites d'exposition : 40 µg/m³ pour la concentration annuelle et 50 µg/m³ pour la concentration journalière, celle-ci ne devant pas être dépassée plus de 35 fois au cours d'une même année civile.
Les Etats membres avaient jusqu'en 2005 pour appliquer ces dispositions. Mais ils pouvaient demander une prorogation de délai jusqu'en juin 2011 à condition de soumettre un plan relatif à la qualité de l'air indiquant les mesures de lutte contre la pollution prévues pendant la période couverte par l'exemption, et de démontrer qu'ils avaient pris toutes les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avant l'expiration du nouveau délai.
Or, non seulement les valeurs limites fixées ont été dépassées, mais les plans relatifs à la qualité de l'air ne semblent pas être correctement appliqués. En France, le ministère de l'Ecologie indique que 15 plans de protection de l'atmosphère (PPA) font l'objet d'une révision, du fait du contentieux européen concernant le dépassement des valeurs réglementaires en particules PM10.
Elargir la portée de l'action en justice
Qu'entend la Commission européenne par "nouvelle approche juridique"?
Auparavant, les actions en justice contre les États membres qui manquaient à leurs obligations en matière de qualité de l'air étaient fondées sur une violation de l'article 13 de la directive, qui impose aux États membres de ne pas dépasser les valeurs limites fixées pour les PM10. La Commission envisage désormais une nouvelle approche en s'appuyant également sur l'article 23 de la directive qui vise à sanctionner le non-respect par les États membres de leur obligation d'élaborer des plans relatifs à la qualité de l'air. Il s'agit donc en pratique d'une démarche plus coercitive de la Commission pour appuyer ses recours en manquement devant la CJUE.
Vers une application effective de la réglementation européenne
En élargissant le fondement de son action, la Commission assure sa mission de "gardienne des traités" et veille à la correcte application du droit de l'Union européenne. Il s'agit pour elle "d'inviter instamment les Etats membres qui connaissent des problèmes persistants de qualité de l'air à prendre des mesures ambitieuses, rapides et efficaces, afin que la période d'infraction soit la plus courte possible". Par cette formule, la Commission vise les mesures d'urgences prises dans le cadre des PPA pour limiter le dépassement des valeurs seuils fixées.
Dans le passé, la Cour de Justice a été saisie avec succès à l'encontre de l'Italie, du Portugal, de la Slovénie et de la Suède. Toutefois, les décisions prises ne visaient à sanctionner que le dépassement des valeurs limites fixées pour la qualité de l'air. Ceci n'incitait guère les Etats membres à prendre des mesures contre les futurs dépassements, indique la Commission.
La France fait actuellement l'objet d'une procédure devant la CJUE depuis le 19 mai 2011 pour non-respect des valeurs limites applicables aux particules PM10. La Commission pourra désormais fonder son action sur le fondement de l'article 23 de la directive si la France ne réagit pas à sa prochaine mise en demeure. Sont ainsi dans le collimateur de la Commission tous les Etats membres qui ne respectent pas la législation européenne depuis plus de cinq ans.