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Qualité de l'eau potable : un nouveau casse-tête s'annonce pour les collectivités

Un changement dans la méthodologie pour surveiller la présence de contaminants ainsi que la transposition de la nouvelle directive Eau potable pourraient multiplier les cas de non-conformité de la ressource, mettant hors-jeu certains captages.

Eau  |    |  D. Laperche
Qualité de l'eau potable : un nouveau casse-tête s'annonce pour les collectivités
Actu-Environnement le Mensuel N°424 Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°424
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2,3 % : c'est la part des prélèvements d'eau potable qui se sont révélés non conformes pour les paramètres physico-chimiques, en 2019, en France, dans le cadre du suivi de la qualité de l'eau potable. Notamment à cause des pesticides. C'est un fait, la réduction de la pollution des captages d'eau par des pollutions diffuses constitue un point sensible en France. Des initiatives ont été lancées pour tenter d'améliorer la situation des quelque 1 000 captages prioritaires – les plus menacés –, mais sans grand succès. Et les mesures de protection complémentaires normalement prises par les préfets en cas de blocage se comptent aujourd'hui sur les doigts de la main.

Cette part de non-conformité – encore trop élevée – pourrait augmenter à l'avenir. En cause : un changement de la méthodologie impulsée fin décembre 2020 et dont les effets commencent à se faire sentir, mais également la transposition d'ici à 2023 de la nouvelle directive Eau potable.

Un changement de méthodologie fin 2020

 
L'estimation serait de 10 à 15 % de la population qui seraient desservis par une eau non conforme à la réglementation  
Régis Taisne, FNCCR
 
Une instruction, adressée en décembre 2020 aux agences régionales de santé (ARS), a en effet établi une nouvelle approche pour sélectionner les substances à rechercher dans les eaux destinées à la consommation humaine. Ce changement de méthodologie a entraîné la sortie des clous d'un certain nombre de captages. Parmi les substances identifiées comme problématiques figurent le S-métolachlore ou la Chloridazone et toujours l'atrazine. « L'estimation serait de 10 à 15 % de la population – c'est-à-dire une dizaine de millions d'habitants – qui seraient desservis par une eau non conforme à la réglementation », indique Régis Taisne, chef du département cycle de l'eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).

Le dépassement des limites de qualité se traduit sur le terrain par deux types de réaction en fonction de la situation : si la valeur sanitaire maximale d'au moins une molécule est dépassée, le préfet imposera des restrictions d'usage alimentaire pour tout ou partie de la population jusqu'à la mise en place, par exemple, d'un traitement plus performant, ou l'alimentation par un nouveau captage ou une interconnexion du réseau. En revanche, si les dépassements restent en dessous des valeurs sanitaires maximales, l'eau peut continuer à être consommée, mais la collectivité doit alors solliciter une dérogation aux limites de qualité, demande étayée par un programme d'actions correctives pour une période de trois ans (renouvelable une fois).

L'existence de ces deux seuils (limite de qualité et valeur sanitaire maximale) s'explique par une prise en compte de l'évolution des connaissances. Les limites de qualité ont en effet été fixées de façon réglementaire par la directive européenne sur la qualité de eaux destinées à la consommation humaine de 1998, à 0,1 μg/L pour chaque pesticide ou métabolite considérés comme pertinents. Mais ces seuils n'ont pas de fondements toxicologiques : ils correspondent à la limite de détection de l'époque. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) élabore donc, en complément, des valeurs sanitaires maximales (Vmax). Depuis 2007, elle aurait ainsi évalué près de 200 substances actives ou métabolites de pesticides. Mais toutes ne disposent pas encore de valeurs sanitaires en raison d'un manque de connaissances, notamment sur les valeurs toxicologiques de référence (VTR).

Le chlorothalonil, future bête noire des collectivités ?

Ainsi, en janvier dernier, l'Anses a estimé que le métabolite d'un fongicide, le chlorothalonil-R471811, était « pertinent » et donc à rechercher dans les eaux à destination de la consommation humaine. Elle n'a, en revanche, pas encore pu déterminer de valeur sanitaire de référence par manque de VTR.

La substance active initiale de ce métabolite n'est plus autorisée sur le marché de l'Union européenne depuis le 22 mars 2019. Mais le produit a beaucoup été utilisé en France, notamment sur les cultures de blé, mais également d'orge. Et sa présence ainsi que celle de ses métabolites dans l'eau potable pourraient constituer un véritable casse-tête pour les collectivités.

Le retour d'expérience suisse sur la gestion de cette pollution par la ville de Lausanne est, à ce titre, particulièrement intéressant. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire (Osav) a demandé le respect du seuil de 0,1 μg/L pour les métabolites pertinents du chlorothalonil, en août 2019. En cas de dépassement, des mesures correctives devaient être appliquées, si possible dans un délai d'un mois et, au plus tard, deux ans après la constatation par les autorités sanitaires. « À Lausanne, 5 % des ressources ont été mises en détournement et ne sont plus utilisées pour la production d'eau potable : c'est une perte de ressource de 2 millions de mètres cubes, a pointé Christophe Mechouk, chef de la division étude et construction du service de l'eau de la ville de Lausanne, à l'occasion d'un webinaire organisé par l'Astee et la Direction générale de la santé. Nous avons la chance de pouvoir la compenser par de l'eau produite à partir du lac Léman, mais celle-ci nécessite des traitements et donc des consommations d'énergie électrique. »

Des pilotes pour tester les traitements en Suisse

Par ailleurs, l'entreprise Syngenta, productrice du pesticide, a engagé une procédure judiciaire, fin 2020, auprès de l'Office fédéral : elle conteste le classement des métabolites par les autorités sanitaires. « Nous attendons la décision de la justice, les recommandations existent toujours légalement, mais ne peuvent plus être publiées, indique Christophe Mechouk. La situation est ubuesque. Nous avons demandé aux distributeurs de se mettre en ordre de marche, le délai de deux ans existent toujours légalement, mais est pendant à cette décision. »

En parallèle, pour essayer de sauvegarder les captages, plusieurs projets pilotes ont été lancés pour tester des traitements de plusieurs métabolites du chlorothalonil. « Les installations classiques sont peu efficaces pour lutter contre ces molécules, pointe Christophe Mechouk. Parmi les traitements se montrant intéressants : l'osmose inverse, le charbon en micrograins, les membranes d'ultrafiltration.

« Nous essayons plusieurs technologies et surtout différentes mises en œuvre des charbons actifs pour trouver la meilleure solution : ce sont des molécules peu adsorbables dans des essais de laboratoire, mais dans certains types de mise en œuvre, nous arrivons à avoir une efficacité des traitements intéressante, indique Christophe Mechouk. Mais les temps de saturation sont courts : il faudrait changer les charbons tous les trois à quatre mois. » Et ces traitements soulèvent la question du coût du traitement comme de son bilan énergétique, de sa durée ainsi que du redevable de la facture.

Des textes de transposition de la directive pour mieux protéger les captages

Néanmoins, les textes transposant la nouvelle directive Eau potable devraient permettre de mieux protéger les captages. « Des réflexions sont en cours pour passer à l'échelle supérieure, note Régis Taisne, chef du département cycle de l'eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Les collectivités pourraient avoir l'obligation de préparer et de mettre en œuvre un plan d'action pour les près de 5 000 captages sensibles désormais identifiés dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage). En contrepartie, le préfet aurait également l'obligation de prendre des mesures contraignantes. »

Dans le même temps, ces textes pourraient également donner des sueurs froides aux collectivités. Car parmi les grands axes de cet acte législatif européen figure, en effet, une meilleure prise en compte de la pollution liée aux polluants émergents. Ce dernier complète la liste des paramètres à suivre dans les eaux brutes avec de nouvelles substances, comme les alkyl per et polyfluorés (PFAS), des composés chimiques persistants dans l'environnement.

Utilisées dans plus de 200 applications industrielles et domestiques, ces substances ont entraîné une contamination généralisée, y compris des lieux les plus isolés. Derrière cette appellation se cachent en réalité des milliers de molécules aux propriétés physicochimiques et biologiques très différentes. Le laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Anses a réalisé, en 2010, une campagne nationale pour déterminer la présence de 10 de ces polluants, notamment dans les eaux brutes. « Un quart des eaux brutes contenaient au moins un PFAS, a pointé Xavier Dauchy, ingénieur de recherche au laboratoire d'hydrologie de Nancy, lors du webinaire de l'Astee. L'acide perfluorooctanoïque (PFOA) est celui qui a été détecté à la plus grande fréquence. »

L'Anses a également réalisé une bibliographie sur l'efficacité de traitement de potabilisation pour ces substances. Aucune solution idéale ne se dégage. Ainsi, les charbons actifs offrent une bonne élimination sur les molécules à longues chaînes, mais doivent être renouvelé fréquemment. La nanofiltration est efficace, mais demande une gestion ensuite des concentrats. La chloration serait sans effet et l'ozonation serait inefficace sur les acides alkyls perfluorés (PFAA) et déplacerait le problème en présence de fluorotélomères (FT) en induisant des transformations.

Le gouvernement devrait faire un premier petit pas dans la prise en compte des PFAS avec la remise, en 2023, d'un rapport sur la pollution des eaux et des sols par ces substances comme le demande la loi Climat et résilience. Un second (grand) pas devra aussi être effectué dans la perspective de la transposition de la directive Eau potable. « Certains sites identifiés au cours de la campagne nationale ou lors des campagnes complémentaires pourraient poser des problèmes, à moins que les niveaux de contamination aient évolués, a par ailleurs noté Xavier Dauchy. Il existe une zone d'incertitude car nous n'avons pas travaillé sur toutes les sources possibles d'émissions en France : il pourrait y avoir des surprises quand le suivi va se mettre en place et nous risquons de découvrir de nouveaux sites contaminés ».

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