Le formaldéhyde et le benzène en ligne de mire
Une campagne de mesures portant sur le confinement de deux polluants - le formaldéhyde et le benzène - est prévue durant l'année scolaire 2009-2010 dans 150 établissements. Le formaldéhyde également appelé méthanal ou aldéhyde formique est un gaz incolore fortement irritant et classé cancérogène pour l'homme depuis juin 2004 en France. Il se retrouve notamment dans les panneaux de bois, les colles et gélatine, le caoutchouc synthétique ou les peintures. Le benzène, solvant également cancérigène, est quant à lui utilisé dans les plastiques, les textiles, les vernis et les pigments de peinture.
Les différentes mesures seront réalisées par les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) - à l'instar d'AirParif pour les 20 établissements franciliens - avec l'appui technique et organisationnel au niveau national de l'INERIS, dans le cadre de ses missions au sein du Laboratoire central de Surveillance de la qualité de l'Air, et du Conseil Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Nous avions pour mission de choisir [les établissements] de façon à représenter aussi bien que possible la diversité des établissements scolaires : écoles urbaines, grandes écoles, près du trafic automobile et en zone rurale avec un environnement atmosphérique complètement différent, a expliqué Philippe Lameloise, le directeur de l'association Airparif chargé de contrôler l'air en région parisienne et qui était présent au côté la secrétaire d'Etat. Les deux polluants seront mesurés en été et en hiver pendant une semaine dans chaque école et un capteur de CO2 sera installé pour vérifier la bonne ventilation des classes. Une école à Vitry (94) bénéficiera de mesure pendant quatre mois de manière à identifier la variabilité de la pollution atmosphérique au cours du temps.
La synthèse globale des résultats sera réalisée en juillet 2010. Une seconde campagne aura lieu durant l'année scolaire 2010-2011 dans 150 autres établissements et au total 300 établissements seront concernés par cette expérimentation entre 2009 et 2011.
Les enfants premiers concernés par la qualité de l'air intérieur
Parallèlement, prévue dans le cadre du Plan national santé environnement (PNSE) de 2004, l'enquête ''Elfe : Grandir en France'', coordonnée par l'Institut national d'études démographiques (Ined) en collaboration avec plusieurs organismes* sera lancée, a rappelé Chantal Jouanno. L'objectif : constituer une cohorte de 20.000 enfants afin de rassembler une série d'informations pour appréhender le développement de l'enfant dans toutes ses dimensions : familiaux, sociaux, scolaires, comportementaux, environnementaux, sanitaires, nutritionnels.
S'inscrivant dans la continuité du Plan National Santé Environnement PNSE I (2004-2008) prévu par la loi de santé publique du 9 août 2004, le deuxième Plan National Santé Environnement (PNSE II), publié officiellement le 9 juillet 2009 par le ministère chargé de la santé, décline en 12 mesures phares les engagements du Grenelle de l'environnement en matière de santé environnement. Il définit notamment les actions visant à limiter les expositions à l'intérieur des bâtiments avec la mise en place d'un étiquetage sanitaire des produits de construction, de décoration ainsi que des produits les plus émetteurs de substances dans l'air intérieur des bâtiments et l'obligation d'utiliser les produits et matériaux les moins émissifs dans les écoles et crèches. Le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II », qui sera examiné au Sénat à partir du 15 septembre, prévoit également de rendre ce type de surveillance obligatoire d'ici 2012.
Rappelons que l'observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI) créé en 2001, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), l'Afsset ou encore l'Ineris ont mené plusieurs campagnes de mesures de la qualité de l'air intérieur dans les logements et les établissements scolaires. Les polluants chimiques, les allergènes, les moisissures sont les principales substances pointées du doigt. Ces premiers résultats ont poussé les acteurs de la santé et du bâtiment à affiner les mesures et les techniques et surtout d'envisager des valeurs guides à ne pas dépasser afin de protéger la santé des occupants. L'Afsset a identifié 11 polluants prioritaires et a déjà proposé des valeurs guides pour le monoxyde de carbone, le benzène et le formaldéhyde.
Par ailleurs, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors Secrétaire d'État à l'Écologie, avait présenté en novembre 2007 un guide pratique visant à aider les collectivités locales à prévenir les risques sanitaires environnementaux dans les bâtiments accueillant des enfants. Douze types de risques ont été décrits dans le guide : plomb, bruit, air intérieur... tout comme les mesures de prévention adéquates, pour les bâtiments neufs comme pour les bâtiments existants.
L'association Santé environnement France (ASEF)** avait déjà également publié les résultats d'une étude menée en février et mars 2009 sur l'air intérieur de 9 crèches en France. Si l'étude menée par l'ASEF ne se prétendait pas exhaustive, les relevés de deux molécules considérées comme dangereuses apparaissent inquiétants : le benzène et les formaldéhydes. Si l'association salue la démarche du gouvernement, elle regrette qu'il faille encore attendre. Nous regrettons qu'il faille attendre 2012 pour que des mesures soient mises en place de façon globale... Il n'est pas question ici d'appliquer un principe de précaution - les effets toxiques de ces produits sont largement prouvés. Il est question d'appliquer dès maintenant une mesure sanitaire simple. Combien de temps va-t-il falloir pour que nous arrêtions de mesurer et pour qu'enfin nous nous décidions à agir ?, s'interroge le Dr Patrice Halimi, Secrétaire Général de l'ASEF.
Les enfants passent environ 20 heures par jour dans un environnement intérieur, dont une bonne partie en crèche. Selon une étude menée de novembre 2006 à mars 2007 par l'observatoire de la qualité de l'air intérieur auprès de 2.780 ménages, 22,3 % des enfants en âge pré-scolaire et 27 % des enfants en classe maternelle fréquentent les lieux de garde collectifs. En France, chaque individu passerait en moyenne 85 % de son temps dans un environnement clos (lieu de travail, habitat…). Si ces milieux contiennent de nombreux agents physiques et contaminants chimiques ou microbiologiques, liés aux bâtiments, aux équipements, à l'environnement extérieur immédiat et au comportement des occupants, l'air intérieur des bâtiments a longtemps été écarté des préoccupations sanitaires, au contraire de l'air extérieur.
*L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (ministère de l'éducation nationale et Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche), la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Ministères de la santé, du travail, et du budget), la Direction générale de la santé (Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports) et la Caisse nationale des allocations familiales.
**L'Association Santé Environnement France (ASEF) est une fédération nationale d'associations de santé environnement constituée et dirigée par des professionnels de santé. Cette fédération rassemble aujourd'hui 2 500 médecins en France.