Présentée comme l'une des solutions pour atteindre l'objectif de 50% de réduction des émissions de CO2 d'ici 2050, le captage et stockage de ce gaz à effet de serre nécessitent toujours des efforts de recherche. Les retours d'expérience restent eux aussi limités : le plus ancien site de stockage, de Sleipner en Norvège, remonte à 1996.
Alors que se termine la conférence de Doha (Qatar) sur le constat d'une prolongation à minima du protocole de Kyoto, les interrogations sur la faisabilité de la filière prennent une acuité particulière. L'une des questions principales soulevées par cette technique reste son coût. En regard d'un p
Outre l'aspect financier, des questions de sécurité se posent également. Différents organismes de recherche dont l'Ineris ont étudié les risques de l'ensemble de la filière. "Le stockage du CO2 est le dernier maillon le plus critique sur le plan de l'analyse des risques car il est à la fois l'un des plus étudiés et le moins bien connu, pointe l'Ineris, il s'agit en effet du seul maillon qui ne sera pas construit par l'homme et auquel le seul accès possible sera indirect [via une] surveillance géochimique et géophysique".
Maîtriser le risque de fuite
Durant l'étape de stockage, le CO2 capté en sortie d'industries polluantes (acier, ciment, raffinage, etc) est injecté dans un réservoir géologique. Quatre type de sites peuvent être utilisés : des gisements épuisés de gaz ou de pétrole, des aquifères salins (impropres à la consommation), des veines de charbon dont l'exploitation n'est pas économiquement rentable mais également des roches basiques et ultrabasiques.
Différents types de risques ont été identifiés. Tout d'abord, les scientifiques ont mis l'accent sur un possible défaut d'étanchéité des puits d'injection ou la présence de failles au niveau du réservoir. L'injection à haute pression pourrait en effet en induire l'apparition.
"Pour détecter des éventuelles fuites, à faible profondeur nous pouvons prélever le dioxyde de carbone ou mesurer les variations de propriétés physiques des roches et des fluides, précise Hubert Fabriol, directeur adjoint à la direction des risques et de la prévention au BRGM, à plus grandes profondeurs, la première méthode demeure de contrôler la pression sur les puits d'injection ou d'observation : si nous voyons des anomalies dans la pression d'injection, cela vpeut signifier, entre autres, que le CO2 est en train de sortir du réservoir".
Possible pollution par les métaux
Dans le cadre d'une expérimentation menée pour une thèse, l'Ineris a injecté de petite quantité d'eau saturée en dioxyde de carbone (forage de 56 mètres de profondeur) dans des formations de schistes du bassin de Lodève. Après être restée en contact avec le milieu (durant 80 heures), la solution a été pompée. Les analyses montrent que l'injection de dioxyde de carbone dissout acidifie le milieu et entraîne la dissolution des minéraux. "Une forte augmentation des concentrations a été observée : la concentration en manganèse a été multipliée par 5, celle du fer par 13, celle du zinc par 25 et celle de l'arsenic par deux, détaille Pierre Toulhoat, directeur scientifique de l'Ineris.
Ces métaux remobilisés pourraient ensuite migrer au-delà du réservoir en cas de problème d'étanchéité et éventuellement venir contaminer des nappes d'eau voisines.
Injecté sous sa forme supercritique, le dioxyde de carbone s'avère en effet un excellent solvant aussi bien pour les minéraux que les matières organiques comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Le dioxyde de carbone pourrait également attaquer le béton et dégrader le forage.
"Des modélisations du BRGM montrent que sur le long terme le dioxyde de carbone dissout dans l'aquifère profond migre vers le bas du réservoir : l'eau chargée en CO2 dissout est plus lourde que l'eau salée initiale", pointe Isabelle Czernichowski-Lauriol, à la direction de la recherche du BRGM et présidente du réseau CO2GeoNet, de plus, lors de la migration, il y a souvent des baisses de pression qui font que les métaux précipitent".
Selon elle, le problème se pose en cas d'interconnection directe avec un aquifère superficiel: les phénomènes d'atténuation naturels ne pourraient alors pas entrer en jeu. "Le savoir faire des exploitations pétrolières pour la réparation de puits ou des fuites au niveau de la couverture pourrait être exploité, modère Hubert Fabriol, des gels peuvent ainsi colmater les fissures proches du puits d'injection".
L'impact des impuretés co-injectées toujours en question
Autre interrogation : le captage n'élimine pas complètement les impuretés présentes dans les fumées de combustion (SO2, H2S, NOx, HAP, métaux lourds, etc.). Ces dernières sont injectées en même temps que le dioxyde de carbone dans le réservoir.
"Comprendre l'impact des impuretés co-injectées reste un sujet de recherche ; au niveau du réservoir, cela peut changer les propriétés thermodynamiques du CO2 et affecter ses conditions d'injection, note Isabelle Czernichowski-Lauriol, cela peut faire varier les capacités du réservoir de stockage : la part de CO2 stocké sous forme supercritique, sous forme dissoute, ou sous forme minérale".
Depuis juin, des travaux de normalisation ont débuté en France. "La norme portera sur les enjeux et questionnement, explique Pierre Toulhoat, nous avons la volonté que la question de la mobilisation des métaux fassent partie des questions prises en compte par la norme".