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Actu-Environnement

“Gérer un parc naturel régional, c'est accepter une concertation permanente”

La France fête cette année les 50 ans des parcs naturels régionaux. Raphaël Mathevet, directeur de recherche au CNRS, nous explique à quoi correspond ce concept aujourd'hui et les différents enjeux qui y sont liés.

Interview  |  Aménagement  |    |  L. Radisson
Environnement & Technique N°368
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°368
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“Gérer un parc naturel régional, c'est accepter une concertation permanente”
Raphaël Mathevet
Directeur de recherche au CNRS, Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier. Spécialiste de la gestion de la biodiversité et des aires protégées.
   

Actu-Environnement : Peut-on dire aujourd'hui que le concept des parcs naturels régionaux (PNR) est une réussite ?

Raphaël Mathevet : Oui, les PNR s'inscrivent dans le succès pour deux raisons. Au plan quantitatif d'abord, ils sont passés d'une poignée au début des années 70 à plus de cinquante aujourd'hui. Cette réussite se manifeste par la popularité et l'intérêt porté par les élus à ces espaces ruraux interstitiels entre les principaux lieux de production industrielle ou agricole et d'activités touristiques. Ce sont ensuite des outils hyper-adaptatifs qui permettent de faire face avec pragmatisme à des rapports de force et des jeux d'acteurs compliqués. Ils ont acquis au fil du temps une double légitimité, à la fois comme espaces de projets vis-à-vis des élus et par l'approche concertée et contractuelle qu'ils portent.

AE : Le concept a-t-il évolué depuis sa création en 1967 ?

RM : Au départ, les objectifs étaient ceux de l'aménagement du territoire national, définis et portés par l'Etat. Les années 60 sont marquées par l'industrialisation, la modernisation de l'agriculture, l'urbanisation et le développement d'infrastructures de transports et de tourisme. Le revers de la médaille, ce sont la pollution, la destruction des paysages, la déprise rurale et l'angoisse d'une perte de lien avec la nature. Il s'agissait de créer un outil de protection du patrimoine naturel et culturel et de construire des poumons verts afin d'équilibrer les régions. Le parc de Camargue est ainsi créé pour constituer une coupure verte entre la zone industrielle de Fos-sur-Mer et la station touristique de la Grande Motte. La naissance des PNR résulte aussi de la prise de conscience par l'Etat de l'importance des acteurs locaux à l'occasion des conflits liés à la création des parcs nationaux comme ceux de la Vanoise ou du Mercantour. C'est un nouvel outil, plus adapté à des territoires où la densité humaine, le poids politique et la capacité de mobilisation des acteurs locaux sont plus forts.

AE : Les PNR sont donc hétérogènes ?

RM : La fédération des PNR revendique effectivement une très grande diversité en termes d'environnement, de contextes socio-économiques et historiques. On peut distinguer trois grandes catégories de parcs. Ceux qui ont été créés à la suite des premières réflexions sur l'aménagement du territoire conduites dans les années 1960, comme les PNR d'Armorique, de Brière, de Camargue ou du Vercors. On a eu ensuite des parcs destinés à combiner protection de la nature et développement dans le contexte de la préparation de la décentralisation des régions comme ceux de Corse, de Martinique ou du Queyras. La dernière catégorie correspond à des parcs créés depuis les années 80 avec la promotion du développement local, puis du développement durable. Des parcs créés pour faire face à la crise économique, identitaire et écologique, liée à la mondialisation des échanges culturels et commerciaux. Ce sont des parcs en périphérie des grandes agglomérations comme Grenoble ou encore des parcs très peu peuplés qui ont de multiples intérêts ethnologiques et écologiques comme ceux de Guyane ou des Baronnies provençales. Tous misent sur le maintien d'une agriculture extensive, la création ou le renforcement de filières agroalimentaires, une revitalisation de l'artisanat et du tourisme.

AE : Et ça fonctionne ?

RM : Globalement oui, même si pour certains observateurs les effets d'entraînement ne sont pas suffisants par rapport à l'énergie déployée, comme le montrent certains PNR dans des régions reculées. Pour d'autres, les effets se produisent maintenant avec l'amorce d'une inversion de la démographie rurale.

AE : Le label PNR favorise donc la revitalisation des territoires ?

RM : Oui pour deux raisons. Les locaux ou les citadins qui décident d'habiter à la campagne recherchent une qualité de vie constituée de modèles sociaux et agricoles alternatifs, de paysages remarquables, d'une valorisation des richesses naturelles et culturelles. Ce que les parcs sont en mesure d'offrir en raison de leurs compétences reconnues en ingénierie de projets de développement et de conservation. En second lieu, les PNR constituent des pôles d'attractivité à proximité des métropoles, permettant de fuir les nuisances urbaines (pollution atmosphérique, densité de population, etc.). Le risque existe d'ailleurs que certains parcs deviennent un assemblage de bourgs-dortoirs et de zones récréatives.

AE : Quelles sont les autres menaces qui pèsent sur les PNR ?

RM : Les années 90 et 2000 ont été marquées par une multiplication des structures supra-communales (pays, syndicats mixtes) qui a pu conduire à une certaine banalisation des missions portées par les PNR et qui a créé de la confusion auprès des élus locaux et des habitants. A cela s'ajoutent le processus de périurbanisation du territoire et la récente création des métropoles. Cela génère évidemment un déséquilibre de moyens, de compétences et d'ambitions entre parcs et métropoles. Une autre menace réside dans les décisions de certains élus régionaux donnant satisfaction à des acteurs opposés à la création de nouveaux parcs ou qui réduisent drastiquement les financements. Une quatrième menace est celle issue de la routine. Les PNR développent beaucoup de concertation mais on y retrouve souvent les mêmes interlocuteurs. Le risque est d'oublier les nouveaux acteurs et les nouveaux enjeux. Les PNR doivent s'inscrire dans une écologie territoriale soucieuse autant de l'économie circulaire, de la mobilité des habitants, des PME, de la biodiversité que du changement climatique et de ses effets.

AE : Quel est le bilan des parcs au niveau écologique ?

RM : Le bilan me semble plus mitigé. Le classement en PNR n'empêche pas la destruction, l'artificialisation ou la transformation des milieux naturels, comme on a pu le voir avec le Marais poitevin. De manière générale, les PNR parviennent à concilier activités humaines et protection des milieux naturels même s'il existe toujours des points de crispation.

AE : Le public perçoit-il correctement le concept de PNR ?

RM : L'appellation "parc" crée toujours de la confusion. Certains pensent que le territoire est figé et muséifié, alors qu'il s'agit de territoires d'expérimentation du développement durable. Certains habitants ont une vision très claire du concept, d'autres ont juste besoin d'être rassurés et reconnus. "Faire territoire", c'est forger et accepter un projet et une concertation permanente, créer un territoire capable de concilier activités humaines et biodiversité. Cela repose sur l'amélioration des connaissances de chacun dans tous les domaines, mais aussi sur la nécessité de sortir de son parc. Enfin, il s'agit de réunir action publique et actions collectives locales. Tout cela demande du courage, mais les PNR n'en manquent pas.

Réactions1 réaction à cet article

Les PNR connaissent deux modes de direction simultanées ,l'une technique ,l'autre politique .
Le technique est piloté par une équipe souvent sensible aux thèmes naturalistes . Ce qui semble évident pour un parc "naturel". L'autre :l'assemblée des élus au sein d'un conseil bien davantage préoccupé par l'économique ,mais qui finalement oriente l'action du parc . On le voit dans notre PNR à propos de la forêt ,pour les uns source de revenu ,pour les autres richesse naturelle et humaine .En fin de compte la nature passe au second plan . Et que dire du PNR du Languedoc qui se couvre d'éoliennes industrielles ?

sirius | 16 mars 2017 à 10h44 Signaler un contenu inapproprié

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