"L'Autorité recommande l'instauration d'une plage de repos la nuit de samedi à dimanche de 23 heures à 6 heures sur l'ensemble des plateformes". Telle est l'une des recommandations formulées par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa) dans son rapport annuel 2012 publié dimanche 26 mai. Il s'agit là d'"une mesure qui pourrait sans trop de difficulté être mise en place", estime l'Acnusa.
Se basant sur les conclusions du groupe de travail "vols de nuit" dont elle est à l'initiative, l'Acnusa fait état d'"un constat d'échec relatif" puisqu'il n'a pas été possible de définir une méthode de travail et un calendrier pour mesurer l'impact d'hypothèses de travail. Malgré tout, l'Autorité propose des pistes d'action à partir de ce travail et soumet deux mesures actuellement à l'étude et quatre autres moins avancées. De même, l'autorité a demandé aux services de l'Etat de clarifier leurs intentions en matière de généralisation de certaines actions prises localement. Une demande qui sonne comme un rappel à l'ordre (voir encadré).
Quotas de bruit
Concernant les mesures actuellement en cours d'évaluation, l'Acnusa a tout d'abord demandé que la direction générale de l'aviation civile (DGAC) "étudie avant la fin 2013 les conditions de la mise en place de deux quotas de bruit spécifiques à la période nocturne". Le premier concernerait l'ensemble des avions de chaque plateforme suivie par l'Autorité et le second concernerait la flotte de chaque compagnie opérant sur une plateforme. De telles mesures étant déjà appliquées aux aéroports de Londres-Heathrow et d'Amsterdam-Schiphol, l'Acnusa espère que l'étude et les consultations en cours permettront de présenter des propositions concrètes dans son prochain rapport d'activité. L'Autorité a aussi demandé à la DGAC "d'étudier (…) l'opportunité et les conditions d'une mise en place d'une procédure d'atterrissage vent arrière". Cette étude vise en particulier les aéroports suivis par l'Acnusa et caractérisés par "une concentration plus importante des populations à l'une des extrémités des pistes".
Parmi les quatre mesures moins abouties figurent en particulier l'instauration d'une plage de repos la nuit de samedi à dimanche de 23 heures à 6 heures sur l'ensemble des aéroports français, une des mesures phares du rapport. Les trois autres recommandations concernent l'utilisation systématique de la modulation de la redevance aéroportuaire selon le niveau de bruit de l'aéronef (bonus-malus), la mise en œuvre, soit par la DGAC au niveau national, soit localement, de l'interdiction des atterrissages et décollages des avions légers et d'affaires de 23 heures à 6 heures, ainsi qu'une restriction du droit de décoller entre minuit et 5 heures 30 (pour les aéroports n'ayant pas mis en place de couvre-feu) pour les avions les plus bruyants.
La DGAC devra préciser le calendrier de la mise en application des actions relevant de la compétence des services de l'État et "les mesures autoritaires ou incitatives qu'elle entend mettre en œuvre" pour assurer la réalisation des mesures relevant des autorités aéroportuaires locales. Les mesures évoquées ici concernent avant tout l'élargissement au niveau national d'initiatives prises localement. "On peut prédire sans crainte d'être démenti que les mesures proposées paraîtront insupportables à certains et insuffisantes à d'autres", explique l'Acnusa, "mais il s'agit de mesures raisonnables".
L'Acnusa étant chargée de faire respecter la réglementation environnementale sur les plateformes aéroportuaires, elle peut à ce titre infliger amendes et sanctions. En 2012 elle a recensé 319 manquements ayant donné lieu à des amendes pour un montant total de 2,7 millions d'euros.
Cependant, l'Autorité n'est pas satisfaite du travail de contrôle de la DGAC. "La situation est à ce point manifestement préoccupante que (…) le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) estimait, comme l'Acnusa avant lui, que la DGAC ne consacrait pas de moyens humains suffisants, notamment à l'instruction des dossiers, et que les considérations environnementales n'étaient que théoriquement prioritaires pour cette administration". Et le rapport de noter que les agents de la DGAC "s'entendent localement pour limiter le nombre de manquements relevés concernant le non-respect des trajectoires de moindre bruit". En conséquence, et sans surprise, l'Acnusa "demande à la DGAC que les manquements soient systématiquement relevés".
Doublement du plafond des amendes
Pour l'avenir, l'Acnusa rappelle qu'à partir du 1er janvier 2014, le plafond des amendes est relevé de 20.000 à 40.000 euros pour les manquements concernant les restrictions d'usage de certains avions en fonction de leurs émissions polluantes ou de leurs classification acoustique ainsi que pour les mesures de restriction des vols de nuit. Un relèvement qui a été difficile à obtenir rapporte l'Acnusa qui évoque, là encore, l'opposition de la DGAC.
"Lors des débats à l'assemblée nationale, le ministre s'était fait l'écho des analyses de la DGAC selon laquelle l'amende de 20.000 euros était déjà suffisamment dissuasive", explique l'Autorité, ajoutant que "le nombre de manquements relevés chaque année – et ils ne le sont pas tous ! – suffit à démontrer que le montant actuel de l'amende n'est pas dissuasif et que l'argument de la DGAC est fallacieux". Un argument d'autant plus fallacieux semble-t-il que la Cour des comptes avait elle aussi jugé que le montant des amendes était insuffisant.
A titre d'exemple, l'Acnusa explique que certaines compagnies préfèrent faire décoller leurs avions en infraction, notamment par rapport aux règles de décollage nocturne, plutôt que de prendre en charge l'hébergement des passagers, conformément à la réglementation européenne. "C'est précisément pour faire changer ce comportement que l'Autorité a demandé et obtenu que le montant du plafond des amendes soit réévalué", avance le rapport. Reste qu'à l'origine, l'Acnusa avait proposé une augmentation plus significative du montant de l'amende à 80.000 euros…