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Développement aérien et objectifs climat : l'Autorité environnementale pointe la contradiction

La compatibilité du développement du transport aérien avec les objectifs climat de la France n'est pas démontrée, affirme l'Ae dans son rapport annuel. Elle a étudié pour la première fois plusieurs projets d'infrastructures aéroportuaires.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Développement aérien et objectifs climat : l'Autorité environnementale pointe la contradiction

« Il semble désormais (…) indispensable de mettre à l'agenda la question de la compatibilité du développement du trafic aérien avec les engagements environnementaux de la France dans plusieurs dossiers aéroportuaires qui seront présentés en 2020 (Marseille-Provence, terminal 4 de Roissy, Nantes-Atlantique, etc.) », affirment les membres de l'Autorité environnementale (Ae) dans leur rapport annuel (1) , publié le 31 mars.

Le point de vue de cette autorité indépendante est d'autant plus important sur cette question que c'est la première fois, en dix ans d'existence, qu'elle a été saisie de dossiers portant sur les infrastructures aéroportuaires. En 2019, elle a en effet rendu trois avis pour le cadrage préalable des trois projets précités, ainsi que deux avis préalables à l'autorisation d'extension des aéroports de La Réunion Roland-Garros et Marseille-Provence. « Dans les différents cas présentés, la base du projet correspond à un ensemble d'opérations à l'intérieur du domaine aéroportuaire en lien avec la création ou l'extension d'un terminal et fonctionnellement liées les unes aux autres », indique l'Ae. « Dans deux cas (Roissy, Nantes-Atlantique), les avis étaient destinés à éclairer la Commission nationale du débat public (CNDP), préalablement à des concertations avec garant », précise l'Autorité.

La production de ces avis par l'Ae, dont elle a fait une analyse spécifique dans son rapport, permet de mettre en lumière les insuffisances environnementales de ces projets et l'absence de démonstration de leur compatibilité avec les engagements climatiques de la France.

Absence d'évaluation environnementale globale

L'Ae pointe en premier lieu l'absence d'une évaluation environnementale globale des plateformes aéroportuaires à l'échelle d'un schéma ou d'un plan stratégique. Cette absence « ne permet pas de prendre la mesure des effets d'un projet pris séparément pour de nombreux impacts », indique l'Autorité. Pour les projets d'extension de Roissy et de Marseille-Provence, elle a, par conséquent, recommandé d'engager une évaluation environnementale stratégique du schéma de composition générale (SCG) de l'aéroport. L'objectif ? Évaluer correctement les impacts sur les milieux naturels, les nuisances, les émissions de gaz à effet de serre, l'organisation de la desserte ou encore la gestion des eaux pluviales. Cette évaluation doit permettre au maître d'ouvrage de proposer des mesures globales pour « les éviter, les réduire et, si nécessaire, les compenser ». La fameuse séquence « ERC » que les aménageurs sont censés bien connaître.

Autre insuffisance manifeste ? Celle portant sur la gestion du bruit. Alors que les aéroports font l'objet de plusieurs plans en la matière (2) , l'Ae pointe « de manière assez surprenante » l'absence de mise à jour de ces plans, voire l'absence de leur finalisation. D'où sa demande, conformément aux recommandations de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), de mettre rapidement à jour ces plans « en cohérence avec les trafics effectifs ». Une recommandation qui s'impose d'autant plus, ajoute l'Ae, que les dossiers aéroportuaires ne comportent pas de mesure d'évitement ou de réduction du bruit. Les maîtres d'ouvrage partent en effet du principe que ces mesures sont traitées par ces plans. Plans que l'on découvre aujourd'hui incomplets ou obsolètes.

« Présentation très partielles des émissions de gaz à effet de serre »

Mais le sujet le plus préoccupant reste la mauvaise prise en compte de l'impact climatique de ces infrastructures aéroportuaires. Et la charge de l'Ae est ici sévère. « La totalité des dossiers présentés n'a retenu qu'une présentation très partielle des émissions de gaz à effet de serre liées au projet », indiquent les auteurs du rapport.

“ L'Ae pointe en premier lieu l'absence d'une évaluation environnementale globale des plateformes aéroportuaires à l'échelle d'un schéma ou d'un plan stratégique.  ”
Les maîtres d'ouvrage se contentent d'évaluer les émissions directes liées aux opérations au sol, ou lors des phases d'atterrissage ou de décollage en-dessous de 3 000 pieds. « Cette approche conventionnelle, appliquée pour les rejets de polluants atmosphériques susceptibles de présenter des incidences sanitaires locales, n'a aucun sens pour les émissions de gaz à effet de serre, dont les effets sont globalisés dans l'atmosphère », cingle l'Ae. « Les émissions liées aux constructions et matériaux ne sont pas fournies », constate-t-elle aussi de façon laconique. Les émissions indirectes apparaissent totalement oubliées, qu'il s'agisse de celles des avions résultant des augmentations de trafic aérien, prévues dans tous les dossiers soumis à l'Ae, ou des déplacements terrestres induits.

Les maîtres d'ouvrage mettent en avant le dispositif Corsia qui vise à compenser, au niveau mondial, les émissions à partir de 2020. « Un tel mécanisme n'exonère pas les maîtres d'ouvrage et les compagnies aériennes d'une démarche d'évitement et de réduction spécifique au projet », tranche l'Ae, qui souligne la mauvaise application de la démarche ERC.

« À ce stade, aucun des projets présentés ne démontre une (…) cohérence » avec l'engagement de la France à atteindre la neutralité carbone en 2050. Cet objectif est pourtant inscrit dans le plan climat présenté par Nicolas Hulot en juillet 2017. « La compatibilité du développement du transport aérien avec les engagements pris par la France n'est donc, dans ces cas, pas démontrée », conclut l'Autorité. Elle était parvenue à la même conclusion dans son avis sur le projet de stratégie nationale bas carbone (SNBC). En juin 2019, la CNDP avait aussi pointé l'absence de réponse de l'État à la contradiction soulevée par le public entre le projet d'extension de Roissy et les engagements climatiques de la France.

« Limites d'acceptabilité d'une telle croissance »

« Les perspectives de développement de chaque terminal sont toujours considérées comme une donnée d'entrée modélisée intangible, sans prise en considération des limites d'acceptabilité d'une telle croissance, que ce soit au regard des impacts sonores pour les riverains ou de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre induites », résume l'Ae face à ces projets.

Reste à voir si la crise sanitaire actuelle liée à l'épidémie de Covid-19 permettra de réévaluer l'acceptabilité de cette croissance. La fermeture de l'aéroport de Paris-Orly le 31 mars, inimaginable il y a encore un mois, pourra servir de test.

1. Télécharger le rapport annuel 209 de l'Autorité environnementale
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35243-raae-2019.pdf
2. Plan d'exposition au bruit, plan de protection du bruit dans l'environnement, plan de gêne sonore.

Réactions2 réactions à cet article

Y en irait-il du transport aérien civil comme du nucléaire civil en ce qui concerne l'environnement : on "oublie" systématiquement de faire figurer au bilan de l'activité toutes les conséquences négatives et ce qui pose problème, on en externalise les coûts et on ne retient que les points positifs que l'on ressasse dans tous les ministères concernés et on en abreuve la presse et le public afin de bien lui faire intégrer une information biaisée ?
Tant que les législateurs nationaux et européens ne prévoiront pas des sanctions dissuasives pour ce genre de comportements trompeurs, il y a peu de chances que les choses changent.
Le consommateur peut aussi utilement s'interroger sur la pertinence de prendre l'avion tous les quatre matins pour ses loisirs...

Pégase | 02 avril 2020 à 14h42 Signaler un contenu inapproprié

Cher Pégase,

Au dernier alinéa de votre réaction ci-dessus, vous invitez le consommateur à "s'interroger sur la pertinence de prendre l'avion tous les quatre matins pour ses loisirs". Je m'associe sans réserve à cette invitation.

Car en l'état où sont et s'en vont les choses, il apparaît tenir du paradoxe d'envisager le moindre surdéveloppement du transport aérien (ainsi d'ailleurs que du transport terrestre, c'est une autre histoire mais c'est la même histoire).

Je me propose donc et tout d'abord, dans le fil de votre suggestion, de donner aux "consommateurs" deux premières pistes pour fonder leurs interrogations sur des faits réels, aptes à permettre de faire leur opinion en connaissance de cause:

Il leur suffit de consulter le site gratuit "trafic aérien en direct" via Google. L'axe Chine et Sud-Est asiatique - Europe - Amérique du Nord saute aux yeux. Gigantesque autoroute céleste qui provoque une sur-pollution de l'atmosphère des grandes agglomérations survolées, avec ses potentiels - et démontrés - effets hostiles (climatiques, sanitaires, contagions).

Puis, d'aller sur le site "statista", rubrique covid-19) via Google, graphiques "nombre de cas diagnostiqués par pays" et "nombre de décès par pays". L'étude de la corrélation entre l'intensité du trafic aérien et le niveau de morbidité de la maladie, pourrait bien retenir l'attention des "consommateurs".
Mais je ne conclus pas pour autant, laissant à chacun le soin de se faire une opinion.

Bien à vous,

Euplectes

Euplectes | 02 avril 2020 à 15h59 Signaler un contenu inapproprié

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