Déclaré d'utilité publique en octobre 2013, le projet de barrage de Sivens, porté par le Conseil général du Tarn (maître d'ouvrage), vise à soutenir l'étiage du Tescou, un petit affluent du Tarn. Il prévoit de créer une retenue d'eau de plus de 40 hectares permettant de stocker 1,5 million de mètres cubes d'eau avec pour objectif de sécuriser, en été, l'irrigation des cultures des agriculteurs.
Ce rapport d'expertise a été commandé en septembre dernier par Ségolène Royal alors que démarraient les travaux de déboisement de la zone humide du Testet nécessaires à la construction de ce projet à Lisle sur Tarn et vivement contestés par les militants écologistes. Ces derniers dénoncent un projet "inutile, coûteux, favorisant la monoculture du maïs et les grandes exploitations".
Les deux experts du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) avaient pour mission de vérifier que ce projet "permette d'assurer une gestion durable de la ressource en eau et ne participe pas au développement d'une agriculture intensive". Ils étaient également invités par la ministre de l'Ecologie à évaluer "les mesures compensatoires" visant à préserver la biodiversité du site.
Améliorer le projet sans pour autant le stopper
Les 13 hectares de la zone humide défendue par les opposants seraient aujourd'hui quasiment entièrement détruits. Le projet nécessite un défrichement total de 34,45 ha, la déviation d'un chemin départemental, de deux chemins ruraux "pour assurer la continuité de sentiers de randonnée et la desserte des parcelles riveraines", précisent les experts dans leur rapport. Deux années de travaux sont prévues : la première année est réservée aux travaux préparatoires (déboisement et décapage de la cuvette, fondation de la digue, déviation de voiries et de réseaux...). Ces travaux sont "en partie engagés à la date de la mission", ajoutent les experts. La deuxième année est consacrée à la réalisation de la digue et des ouvrages hydrauliques, et aux mesures compensatoires. La mise en eau de la retenue est "programmée pour l'hiver 2015-2016".
Les experts jugent néanmoins "difficile", pour le Conseil général, d'arrêter le chantier "compte tenu de l'état d'avancement des travaux et des engagements locaux et régionaux pris avec la profession agricole". Une intervention ministérielle directe ordonnant l'arrêt, et demandée "par certains, n'aurait pas de base légale".
Ils proposent par conséquent d'"améliorer" ce projet après l'avoir vivement critiqué. Le choix d'un barrage "en travers de la vallée a été privilégié sans réelle analyse des solutions alternatives possibles. Ceci est d'autant plus regrettable que le coût d'investissement rapporté au volume stocké est élevé", déplorent les experts. Ils pointent en effet une évaluation "contestable" des besoins "réels" d'irrigation, basée "sur des données anciennes et forfaitaires". Conséquence : le "volume de substitution destiné à l'irrigation" est "surestimé d'au moins 35%".
Le dimensionnement du projet résulte en effet d'une évaluation du besoin de substitution basé sur une méthode définie en 1997, "à partir des données disponibles à l'époque, et de forfaits de consommation d'eau à la surface", expliquent les experts. Il est transcrit dans le plan de gestion des étiages (PGE) du Tescou approuvé par l'Etat en 2004, cité dans le Sdage Adour-Garonne, et repris dans le protocole "irrigation" signé entre l'Etat et la chambre d'agriculture Midi-Pyrénées, en 2011.
Les experts proposent de ramener le volume contractualisable de substitution de 726.000 à 448.000 m3, soit un volume d'irrigation dans la retenue de Sivens de 560.000 m3.
Une démarche de compensation "cohérente"
Les experts jugent également l'étude d'impact du projet "de qualité moyenne". L'impact sur le régime hydraulique du cours d'eau en aval de la retenue dans les dix premiers km est "décrit assez sommairement". Une appréciation "plus détaillée" des effets sur la faune aquatique et piscicole aurait été "utile", estiment-ils tout en soulignant la "modification drastique" des habitats sur environ 1,6 km en aval. Autre bémol : il n'est pas fourni d'évaluation de l'impact du débit maximal de 400 l/s qui pourra être restitué en "cas de pointe" de la demande d'irrigation.
Il est "incontestable" que le mode de gestion actuellement prévu de la retenue (remplissage et restitution) "modifiera sensiblement les conditions hydrauliques actuelles et aura un impact non négligeable sur le fonctionnement des milieux aquatiques", préviennent-ils.
Onze mesures compensatoires ont été mises à la charge du maître d'ouvrage afin de rétablir l'état de conservation de l'ensemble des espèces impactées. Leur coût, hors acquisitions foncières est estimé à 1,17 million d'euros, rappellent les experts. L'une de ces mesures vise la reconstitution de 19,5 ha de zones humides suite à la destruction des 13 ha des zones humides.
Les mesures compensatoires portent sur des terrains exclusivement situés sur le bassin versant du Tescou, précisent les experts. "Leur occupation actuelle, friche, peupleraie, laisse augurer une amélioration significative des diverses formes de biodiversité, à partir de techniques de génie écologique connues". La démarche est donc "cohérente", estiment-ils. En revanche, passer d'une grande surface d'un seul tenant à une dizaine de parcelles, leur "paraît affaiblir la valeur de la compensation trop exclusivement centrée sur la surface, même si ceci est conforme au Sdage (Adour-Garonne)". Les experts préconisent par conséquent d'ajouter des surfaces complémentaires d'environ 5 ha afin notamment d'acquérir ou de réhabiliter un ensemble de prairies humides "situées en rive gauche du Tescounet".
Un financement "fragile"
Le coût de réalisation du barrage est estimé à 8,44 millions d'euros. "Ceci n'inclut pas l'érosion monétaire qui devra être prise en compte entre 2012 et fin 2015, date prévue d'achèvement du chantier", précisent les experts.
Près de la moitié devrait être financée par l'
Ce projet "répond à un réel besoin c'est-à-dire limiter les prélèvements d'eau en été sur le Tescou et les impacts environnementaux qui en découlent (…). Il faut remettre à plat l'ensemble des données pour corriger les lacunes mises à jour par ces experts", a déclaré ce lundi Patrice Parisé, chef de l'inspection du ministère de l'Ecologie lors d'une conférence de presse. Une dizaine de projets de retenues d'eau est en cours sur le bassin Adour-Garonne.