Rechercher les moyens de moderniser les procédures environnementales et de participation du public afin d'accélérer la réalisation des projets favorables à la transition écologique. Telle était la commande passée en janvier 2021 par trois ministres (Transition écologique, Relations avec le Parlement, Transports) au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Le rapport des cinq hauts fonctionnaires missionnés a été mis en ligne, le 29 octobre.
« Ces procédures sont mal appropriées par les maîtres d'ouvrage, les services instructeurs et le public, ce qui appauvrit la concertation et rend fragiles les projets », constate la mission. « La durée des procédures constitue (…) une conséquence plutôt qu'une cause des difficultés rencontrées », ajoute-t-elle. Une des grandes vertus du rapport, estime un spécialiste de la question contacté par Actu-Environnement, c'est celui de rappeler l'importance de la concertation tout au long du processus pour aboutir à de bons projets et faire gagner globalement du temps. Plutôt que d'essayer d'en gagner sur des bouts d'étape, comme pouvait le suggérer la commande ministérielle.
Identifier les enjeux le plus en amont possible
En effet, plutôt que de prévoir des dispositions particulières pour les projets utiles à la transition écologique, la mission propose, de manière générale, d'associer le public et d'identifier les enjeux environnementaux des projets le plus en amont possible. Pour cela, elle propose en premier lieu de recourir plus souvent à la procédure de cadrage préalable, qui consiste à solliciter de l'administration un avis sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans l'étude d'impact.
« Le cadrage préalable serait systématisé et ferait l'objet d'une décision, expresse ou implicite, portant sur le périmètre et les variantes que le maître d'ouvrage doit évaluer », explique le rapport. Dans cette même optique, le CGEDD propose, pour les projets nécessitant une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, d'anticiper l'examen des raisons impératives d'intérêt public majeur et l'absence d'alternatives raisonnables. Des critères exigés par la jurisprudence pour autoriser une telle dérogation.
Dans une perspective de « dérisquage des projets », ceux-ci suggèrent aussi à l'administration d'« anticiper les projets en les intégrant à une planification adaptée et en créant de la connaissance qui pourra être reprise ultérieurement ». Dans ce cadre, le rapport préconise d'étendre aux centrales photovoltaïques le dispositif du « permis enveloppe ». Ce dispositif, introduit par la loi Essoc pour les projets d'énergie marine renouvelable (EMR), prévoit que les pouvoirs publics prennent à leur charge certaines études préalables, permettant ainsi aux maîtres d'ouvrage d'accélérer leurs projets. Le rapport suggère également d'anticiper les inventaires faune-flore, « en les faisant porter par un opérateur public ou privé ». Quant aux maîtres d'ouvrage, ils leur demandent d'améliorer leurs études d'impact et de mieux identifier le périmètre des projets et les variantes possibles.
La mission fait également des propositions en matière de contentieux. Plutôt que de limiter les possibilités de recours, elle propose une cristallisation automatique des moyens dans les contentieux portant sur les autorisations environnementales. Ce procédé, qui existe déjà en matière d'urbanisme et d'éolien, interdit aux parties à un procès d'invoquer de nouveaux moyens après un certain délai. Le rapport suggère aussi un recours plus fréquent à la médiation. Cette procédure juridictionnelle, introduite dans le droit français par la loi de modernisation de la justice du 18 novembre 2016, permet au juge de désigner un médiateur qui recherche l'accord des parties afin de résoudre de manière amiable leur différend.
Développer la concertation avec garants
La mission propose en second lieu de rendre systématique la consultation du public lors de l'initiation du projet, en y associant un garant, et de rendre la concertation continue tout au long du projet. La procédure de concertation avec garant, qui consiste à organiser une concertation du public sur un projet en apportant à ce dernier des garanties de sincérité et de transparence de la procédure, est actuellement assurée par la Commission nationale du débat public (CNDP).
Ces propositions suscitent d'ores et déjà des réactions, même s'il semble peu probable que l'exécutif puisse les mettre en œuvre avant l'élection présidentielle. « Les missions du garant et du commissaire enquêteur sont différentes », réagit Marie-Céline Battesti, présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE). « La CNCE va se rapprocher de la CNDP, avec laquelle elle a toujours travaillé dans le sens de la complémentarité et du continuum du processus de participation, afin d'évoquer ces points », ajoute Mme Battesti.
« On s'étouffe, s'indigne, de son côté, le docteur en droit Gabriel Ullmann. La loi Essoc avait conduit au remplacement de nombreuses enquêtes publiques par une participation par voie électronique, sous couvert d'un garant de la concertation en amont. Puis, la loi Asap a non seulement étendu en tout temps et sur tout le territoire le recours à une consultation électronique à la place d'une enquête publique pour d'autres projets, mais a supprimé la concertation amont en présence d'un garant indépendant… Et voilà que, maintenant, on propose de remettre en selle le garant. Et dans le même temps, on préconise des procédures accélérées, en contradiction d'ailleurs avec le fait précédent. En fait, c'est pour mieux vendre ces procédures. Une fois instituées, on va à nouveau supprimer les garants », dénonce l'ancien commissaire enquêteur radié.
Supprimer l'avis motivé du commissaire enquêteur
Étant donné qu'un garant ne peut donner un avis personnel sur le projet, compte tenu de son devoir de neutralité rappelé par la CNDP, les auteurs de la mission ont songé à supprimer l'avis motivé du « commissaire enquêteur ». « L'inconvénient de la suppression de l'avis personnel du commissaire enquêteur serait plus que compensé (…) par l'avantage consistant en la présence d'un tiers tout au long de la procédure et par un rapport conclusif relevant les réponses restant à apporter », estime la mission. Une mauvaise idée, selon le spécialiste contacté par Actu-Environnement, car cet avis motivé est important dans la traçabilité du processus dans la mesure où il constitue la charnière entre le processus amont et le processus de décision. « Compte tenu des objections reçues », la mission indique d'ailleurs s'abstenir de faire une recommandation sur ce point, qu'elle juge dissociable du reste du dispositif proposé.
En tout état de cause, « quelle que soit l'option retenue en ce qui concerne la fonction de commissaire enquêteur », la mission propose que « l'enquête publique soit intégrée dans la concertation ». Dans ce cadre, elle propose que la consultation du public puisse être engagée sans attendre tous les avis réglementaires, en particulier celui de l'autorité environnementale et la réponse du maître d'ouvrage. « Cela introduit une dissymétrie entre les premiers participants à la concertation et ceux qui ont vu l'avis de l'autorité environnementale et le mémoire en réponse », pointe le spécialiste de ces procédures, dont la complexité est, en revanche, reconnue par tous.