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Avenir de la filière nucléaire : un rapport parlementaire prône la "refondation" d'Areva

Les députés estiment encore possible de faire redémarrer la filière nucléaire et répondre aux besoins de refinancement à court terme d'Areva, malgré le retard croissant pris par l'industrie française par rapport à ses principaux concurrents.

Décryptage  |  Energie  |    |  A. Sinaï

"Le 31 décembre 2014, Areva affichait un résultat net négatif sans précédent de 4,8 milliards d'euros. L'ampleur de la perte nette constatée pour l'exercice 2014 illustre la gravité de la situation. Le groupe fait face à une stagnation persistante et durable des activités nucléaires à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima et de la disparition de ses principaux clients. L'ampleur des pertes traduit également les conséquences de décisions stratégiques malencontreuses et d'acquisitions minières discutables, une perte de compétitivité sur certains secteurs d'activité, ainsi qu'une maîtrise difficile des principaux grands projets industriels", résument les députés Marc Goua (groupe socialiste) et Hervé Mariton (Les Républicains), co-auteurs d'un rapport sur l'avenir de la filière nucléaire (1) présenté à l'Assemblée nationale le 8 juillet.

En outre, le contexte politique est défavorable, étant donné que les Etats tendent à réduire la part du nucléaire dans leur mix énergétique. La France, dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte discuté par le Parlement, examine l'opportunité d'établir une réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique à l'horizon 2025. Sur le plan financier, le groupe est au pied du mur : il doit faire face à deux échéances de remboursement d'emprunts d'un montant de 1.506 millions d'euros en 2016 et de 1.083 millions d'euros en 2017.

"EDF aurait présenté à l'Etat et à Areva une offre de valorisation des activités qu'il envisage de reprendre. Le montant de la valorisation de l'entreprise ferait dès lors l'objet des négociations commerciales en cours". Au cours de l'audition du Président du conseil d'administration d'Areva devant la commission des Affaires économiques, Philippe Varin a toutefois précisé que la valorisation actuelle du groupe dans l'offre proposée par EDF était jugée insuffisante à la fois en termes de valeur économique des activités destinées à intégrer la nouvelle filiale, mais aussi pour satisfaire les besoins de financement à court terme d'Areva.

Des questions en suspens

Les co-rapporteurs insistent sur l'importance de ne pas précipiter la décision de démanteler Areva uniquement sur la base d'arguments financiers et proposent trois pistes : "Refonder le groupe autour d'une solution qui fasse sens d'un point de vue industriel et économique ; trouver une solution qui permette de répondre aux besoins de financement d'Areva sans pour autant fragiliser son modèle de rentabilité économique ; et enfin, refonder la filière nucléaire dans le contexte du projet de loi relative à la transition énergétique et du nécessaire renouvellement à venir du parc nucléaire". En tout état de cause, les rapporteurs veulent croire que "le renouvellement du parc nucléaire à venir – environ 30 nouveaux réacteurs d'ici 2050 – est une occasion unique pour renforcer le savoir-faire français et soutenir la filière nationale, tout en répondant aux besoins énergétiques futurs de notre pays".

Le député Eric Alauzet (groupe écologiste) interroge les rapporteurs sur l'assise du carnet de commande de l'entreprise : son montant est-il bien de 40 milliards ou le quart de cette somme ? Quel est l'avenir de la construction de quatre réacteurs Atmea de 1.000 mégawatts en Turquie en zone sismique alors qu'EDF a toujours eu une mauvaise opinion de ce réacteur ? Et que dire du projet de Hinkley Point, dont la pertinence est remise en cause ? Qu'en est-il de l'EPR nouveau modèle que la France voudrait vendre à l'Arabie Saoudite ? Sans parler des révélations du Canard enchaîné du 8 juillet : "Cela fait neuf ans que le problème de la cuve de l'EPR est connu et on attend encore les résultats de l'expertise, ce n'est pas très sérieux !", s'exclame M. Alauzet.

Pour le rapporteur Hervé Mariton, "les signaux d'alerte soit n'ont pas été entendus, soit n'ont pas été pris en compte". Celui-ci pointe la responsabilité de l'exécutif et d'EDF dans l'affaire de l'EPR de Flamanville, sans apporter de réponse sur le montant du carnet de commandes d'Areva. De nouveaux EPR, débarrassés des erreurs antérieures et optimisés selon l'expression "nouveau modèle" plutôt que "low cost" verront le jour et feront redémarrer la filière réacteur, veut croire le député.

Une refondation financière problématique

A l'occasion de la publication des comptes annuels de l'exercice 2014, le 4 mars 2015, Areva a affirmé vouloir mettre en oeuvre un plan de compétitivité reposant sur l'objectif d'un milliard d'euros de gains opérationnels par rapport à 2014 et un projet de réorganisation de l'ingénierie. "La crédibilité de ce plan suscite depuis lors des réactions assez diverses. Au cours de la table ronde organisée par les rapporteurs spéciaux à l'Assemblée nationale, certains représentants des organisations syndicales ont exprimé leur scepticisme quant à la capacité du groupe à dégager de telles économies en trois ans, étant observé qu'EDF n'escomptait mener à bien un plan d'envergure similaire qu'à l'horizon de 2025", commente le rapport, qui estime que "la réalisation d'un plan de performance constitue une priorité pour l'avenir du groupe. Il en va en effet de la capacité d'Areva à recueillir des fonds propres auprès de nouveaux investisseurs, à nouer de nouveaux partenariats industriels, à maintenir la confiance des banques et assurer la pérennité de son modèle de développement. Il s'agit également d'une condition sine qua non de la réussite de la recapitalisation à laquelle l'Etat devra procéder".

Recul des effectifs et simplification juridique

Au 31 décembre 2014, Areva employait 41.847 personnes. Ce chiffre marque un recul global et prolongé des effectifs, dont la baisse atteint en effet 8,81% par rapport à 2013. Le plan de compétitivité annoncé le 4 mars 2015 par la direction du groupe prévoit une réduction des dépenses de personnel de 15% en France et de 18% à l'échelle mondiale. La réalisation de cet objectif se traduirait par la suppression au total de 4.000 à 5.000 postes, dont 3.000 à 4.000 postes sur le territoire national, et contribuerait à hauteur de 600 millions d'euros au montant total d'économies escompté par le groupe à horizon 2017, rappelle le rapport. Pour les co-rapporteurs, "dès lors qu'Areva doit refonder son modèle économique et réfléchir au périmètre de ses actifs, la question de l'évolution des effectifs et des conditions de travail ne saurait être éludée".

Parmi d'autres préconisations, le rapport encourage la simplification juridique de l'organisation du groupe, divisé en deux entités héritées de la fusion entre la Cogema et Framatome. Du point de vue des rapporteurs, "ce remaniement des structures devrait en outre donner lieu à une révision des chaînes de décision et des circuits d'information". Dans cette optique, le rapport salue les dispositions prises ou envisagées par le groupe pour assurer la maîtrise des grands projets : "D'après les éléments communiqués par Areva, depuis mars 2015, les directeurs des grands projets de construction de réacteurs (OL3, Flamanville 3, Taishan, Hinkley Point, Angra 3) se trouvent ainsi directement rattachés au directeur des projets et de l'ingénierie, membre du comité exécutif d'Areva".

Le rapport insiste sur la nécessité de promouvoir une gouvernance "équilibrée" pour succéder aux dysfonctionnements d'une direction scindée entre un directoire et un conseil de surveillance aux rôles déséquilibrés. Enfin, la plupart des personnes auditionnées par les rapporteurs se sont accordées pour affirmer que l'Etat n'a pas rendu les arbitrages qui lui incombaient de rendre. "Une partie de l'explication à cette critique réside sans doute dans les ambivalences inhérentes au statut d'actionnaire pour la puissance publique", estiment les parlementaires.

Du nucléaire, rien que du nucléaire

Les rapporteurs "doutent de la place des énergies renouvelables au sein du nouvel Areva, alors même qu'il s'agit d'une activité non-indispensable au développement futur du groupe et fortement déficitaire". Ils pensent donc qu'un désengagement total du groupe de ce secteur d'activité, qui ne constitue pas son cœur de métier, doit être envisagé.

Pour le directeur de Wise-Paris Yves Marignac, auteur d'une étude remarquée sur l'impasse industrielle du nucléaire français, "ce rapport se résume à une injonction : l'industrie nucléaire est par définition performante, mais elle ne l'est pas, donc elle doit l'être. La réalité est sommée de se plier à la croyance. Le rapport nie la réalité du déclin du nucléaire dans le monde, des charges à venir du programme nucléaire français, et du retard croissant pris par l'industrie française par rapport à ses principaux concurrents. Au final, c'est une nouvelle illustration de l'aveuglement de certains politiques sur la filière nucléaire. Ils n'assument aucune responsabilité et ne trouvent rien de mieux que de reconduire les paris stratégiques qui ont pourtant conduit le nucléaire français à cette situation catastrophique. Suivre leurs recommandations ne pourrait qu'entraîner la filière, qui a au contraire besoin d'une profonde réorientation, dans une crise plus grande encore".

1. Accéder au rapport
http://www2.assemblee-nationale.fr/14/commissions-permanentes/commission-des-finances/secretariat/a-la-une/adoption-du-rapport-d-information-sur-l-avenir-de-la-filiere-nucleaire-et-la-situation-financiere-d-areva

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