
Les premiers rapports officiels sur la catastrophe confirment la gravité des événements et l'absence de préparation des différents acteurs chargés de répondre à la crise. Début juin, l'Agence japonaise de sûreté nucléaire et industrielle (Nisa) réévaluait le bilan des rejets radioactifs et les dommages subis par les réacteurs. Les deux rapports publiés ces derniers jours complètent le tableau.
Une bataille désespérée
Le 18 juin 2011, Tepco a publié un rapport relatif aux premières heures de la catastrophe qui témoigne de la désorganisation totale qui régnait sur le site et de l'absence de préparation du personnel.
Rédigé à partir des témoignages recueillis par l'opérateur, le document uniquement disponible en japonais à l'heure actuelle, révèle, selon l'agence de presse Associated press (AP), que la centrale nucléaire de Fukushima était particulièrement mal préparée aux accidents.
AP évoque un "chaos" et une "bataille désespérée" qui s'est soldée par la fusion des coeurs des réacteurs. Parmi les raisons avancées pour expliquer cet échec, le rapport identifie le retard pris dans la mise en œuvre de certaines mesures indispensables, l'absence sur le site de l'équipement d'intervention d'urgence et la crainte des employés d'être irradiés. Fataliste, Tepco estime que "le tsunami a engendré une situation impossible à anticiper."
La radioactivité est telle, qu'elle a dû être arrêtée dès sa mise en route : l'unité de filtrage de Kurion, placée en amont de celle d'Areva et chargée d'éliminer une partie du césium, a accumulé en cinq heures la quantité attendue sur un mois.
Ensuite, ce mardi, l'usine a été remise en route, mais cette fois-ci un problème détecté sur une pompe injectant les floculants et les coagulants a entraîné un nouvel arrêt.
Le traitement de l'eau doit améliorer sensiblement les conditions de travail sur le site en rendant possible l'accès à certaines zones, en évitant le déversement d'eau hautement radioactive dans l'océan Pacifique et en permettant la réutilisation de l'eau pour le refroidissement des réacteurs.
Avant d'intervenir les employés ont cherché le manuel des procédures d'urgence qui n'était pas dans la salle de contrôle mais dans des bureaux administratifs. Bilan, la pression qui s'accumulait dans les réacteurs a été relâchée trop tardivement.
Par ailleurs, les employés n'ont pas trouvé de combinaisons de protection sur le site et ont dû aller en chercher au centre de gestion de crise situé à 5 kilomètres de la centrale. Finalement, seuls deux employés ont pu intervenir tardivement sur le réacteur 1. De même, le compresseur utilisé pour activer la ventilation ainsi que les batteries et les câbles utilisés pour rétablir la surveillance des installations ont été empruntés à des sous-traitants travaillant sur la centrale. Un camion de pompiers stationné sur le site n'a, pour sa part, pu atteindre le réacteur que plusieurs heures après l'arrêt des circuits de refroidissement, la route d'accès étant bloquée par un réservoir. Lorsqu'il arrive sur le site, le cœur du premier réacteur a déjà fondu.
Finalement, parmi les employés intervenus lors de la crise initiale, huit ont été relevés car ils ont été exposés à "des radiations à haute dose."
La meilleure réaction possible
Le deuxième rapport, publié à l'ouverture de la Conférence ministérielle sur la sûreté nucléaire qui se tient du 20 au 24 juin à Vienne (Autriche) au siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), fait suite à la visite effectuée par les experts mandatés par l'Agence pour évaluer la catastrophe en cours. Les quelque 160 pages du rapport détaillent les 16 leçons tirées de la catastrophe et les 15 conclusions des experts.
Comme le rapport préliminaire le laissait entendre, les experts jugent que "la gestion locale a été mise en œuvre de la meilleure façon possible". "La préparation japonaise aux situations d'urgence est bien organisée, comme le démontre la prise en main de l'accident", estiment les experts, ajoutant que "néanmoins la complexité des structures et de l'organisation peut entraîner des délais dans la prise de décision."
Si l'AIEA maintient un jugement positif, il convient de noter que le qualificatif "exemplaire", associé à la gestion de la crise dans le rapport préliminaire, a disparu du rapport final.
Réformer la Nisa
Par ailleurs, les critiques émises dans le pré-rapport restent valables : "le risque de tsunami a été insuffisamment pris en compte dans la conception des défenses en profondeur de la centrale."
À ce sujet, le rapport explique qu'en 2002, le risque de tsunami a été réévalué pour répondre à une vague de 5,7 mètres, alors que la vague la plus importante a atteint plus de 14 mètres. De plus, le régulateur japonais n'a pas contrôlé la mise en œuvre des mesures imposées par cette réévaluation et n'a pas modifié l'autorisation d'exploiter accordée à la centrale.
Les experts recommandent donc "une mise à jour des obligations réglementaires et des recommandations" de la Nisa afin de prendre en compte le retour d'expérience de la catastrophe.