À la demande du président du Sénat qui l'a saisi en mars dernier, le Haut conseil pour le climat (HCC) a publié, ce vendredi 18 décembre, un rapport inédit sur l'évaluation de l'impact environnemental de la 5G en cours de déploiement en France.
En octobre dernier, le Gouvernement n'a pas attendu les évaluations environnementales préalables pour mettre aux enchères et attribuer de nouvelles fréquences 5G (bandes autour de 3,5 GHz). L'attribution des prochaines bandes de fréquences (autour de 26 GHz) est aussi prévue.
Le rapport du HCC présente ainsi pour la première fois une analyse détaillée de l'impact carbone du déploiement de cette nouvelle technologie mobile. Il complète les chiffres publiés par la mission d'information sénatoriale sur l'impact environnemental du numérique.
Vers une hausse des émissions carbone induites
La 5G est « susceptible d'augmenter significativement » les émissions carbone « à la fois sur notre territoire mais aussi à l'étranger via les importations de biens électroniques et de l'utilisation de centre de données à l'étranger », a résumé Corinne Le Quéré, présidente du HCC, devant la presse. Les risques de hausse des émissions sont « dus à un renouvellement plus rapide des terminaux comme les smarts phone, à l'émergence de nouveaux terminaux comme les objets connectés mais aussi à l'extension de l'infrastructure numérique avec davantage d'antennes, de centres de données. Et tous ces objet émettent des gaz à effet de serre au moment de leur fabrication et lors de leurs usages » explique Mme Le Quéré.
En l'état actuel du cahier des charges de l'Arcep, le régulateur des télécoms, l'impact carbone de la 5G déployée en France, pourrait ajouter entre 2,7 et 6,7 millions de tonnes équivalent carbone (Mt éqCO2) dans l'atmosphère à l'horizon 2030, estime le HCC. « L'ordre de grandeur agrégé des émissions occasionnées est significatif comparativement à l'empreinte carbone du numérique, qui s'élève à environ 15,1 Mt éqCO2 en 2020 », précise-t-il dans son rapport.
Les trois quarts des émissions de la 5G estimées en 2030 proviennent des émissions issues de la production des appareils qui nous permettent d'utiliser cette 5G « « plutôt que l'utilisation de la 5G elle-même bien qu'elle est tout de même significative », ajoute Corinne Le Quéré (voir encadré). La majeure partie de ces émissions supplémentaires est issue des émissions importées par la France (1,8 Mt éqCO2 à 4,6 Mt éqCO2) et le reste de l'augmentation de l'utilisation de l'électricité dans l'Hexagone (0,8 Mt éqCO2 à 2,1 Mt éqCO2), analyse le Haut conseil. La consommation d'électricité additionnelle est ainsi estimée entre 17 et 40 térawattheures (TWh) à l'horizon 2030. Soit entre 6 % et 13 % de la consommation finale d'électricité du résidentiel et du tertiaire en 2019 (301 TWh en 2019).
Concernant les usages induits, si certains peuvent aider à réduire les émissions comme le télétravail nomade, d'autres usages peuvent au contraire augmenter les émissions. « Les effets rebonds sont en particulier à craindre. Ils apparaissent quand l'amélioration de l'efficacité énergétique conduit à la fin à une hausse de la consommation », prévient Mme Le Quéré.
Le déploiement de la 5G peut en effet induire des émissions directes (construction et déploiement des infrastructures) ou indirectes par effet rebond (mise à disposition de nouvelles infrastructures, terminaux et services pour les usages de la 5G, qui génèrent des émissions de GES pour leur fabrication et leur utilisation), explique le rapport.
Déployer la 5G en cohérence avec la SNBC
Pour agir sur les émissions importées liées à la 5G, le HCC préconise d'intégrer à la feuille de route sur l'impact environnemental du numérique qui est en préparation, « une stratégie de réduction des émissions importées liées au numérique assortie d'objectifs quantifiés ». De même, l'accroissement de la demande d'électricité à l'origine des émissions, pourrait aussi être maîtrisée au travers « de deux mécanismes », recommande le Haut conseil.
D'une part, des normes de consommation énergétique, en phase d'utilisation pour les terminaux et les équipements de l'infrastructure de réseau, pourraient être mises en place au niveau du marché européen. D'autre part, en France, l'Arcep pourrait être mandatée par le Gouvernement pour fixer des objectifs contractuels pour les opérateurs. « Ces objectifs reposeraient sur des indicateurs couvrant l'ensemble des dimensions de l'empreinte carbone de la 5G (infrastructures et modalités de mise à disposition des terminaux fournis à leurs clients). Ces conditions devraient être posées préalablement au cahier des charges des fréquences restant à attribuer, mais pourraient aussi faire l'objet d'une renégociation des modalités d'utilisation des fréquences déjà̀ attribuées, à l'image du « New deal mobile » pour la 4G », estime le HCC.