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Pollution au PFAS : mieux l'évaluer, le nerf de la guerre

Le rapport de l'Igedd, publié ce vendredi, met en évidence le manque de données sur l'état de la contamination des milieux par les PFAS et, plus globalement, la transparence nécessaire sur cet enjeu environnemental et de santé publique.

Eau  |    |  F. Roussel
Pollution au PFAS : mieux l'évaluer, le nerf de la guerre

Le rapport (1) tant attendu de l'Inspection générale de l'environnement (Igedd) sur les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) a été publié, ce vendredi 14 avril, par le ministère de la Transition écologique. Demandé par l'ex-ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, en février 2022, il est rendu public plusieurs mois après sa finalisation, en décembre 2022, et la présentation du plan d'action du Gouvernement, en janvier dernier. Un plan d'action que ce rapport a fortement influencé, puisqu'il en reprend plusieurs recommandations.

La plupart d'entre elles visent à mieux connaître la pollution réelle de l'environnement par cette famille de substances qui compte plusieurs milliers de molécules, toutes de synthèse. Car c'est bien ce que montre en premier lieu ce rapport, la méconnaissance de la situation : qui rejette ces substances, où, comment ? Avec quels risques pour la santé des milieux et des populations ? Les données sont parcellaires et peu transparentes, les méthodes d'analyses peu robustes ou en cours de définition, et la recherche progresse lentement. Tout un ensemble qui n'aide pas à appréhender le sujet ni à mettre en place une gestion adaptée de réduction à la source.

Cibler les sources industrielles

Le rapport tente toutefois de dresser un état des lieux de la situation et des flux de contamination, malgré les lacunes de données, et de hiérarchiser les sources. Du côté industriel, la mission s'est appuyée sur le cas de la plateforme de Pierre-Bénite, près de Lyon, « seul cas documenté ». À la suite d'une enquête journalistique ayant révélé une contamination généralisée, un dispositif de mesure dans les rejets des industriels de la zone a été mis en place. Pour les agents de l'Igedd, auteurs du rapport, ce cas confirme la nécessité d'adapter le système de surveillance des rejets industriels en fonction de l'activité et des produits utilisés par les industriels. Le 6:2 FTS, par exemple, ne fait pas partie des 20 molécules de la directive Eau potable qui seront prochainement intégrées au réseau de surveillance des eaux souterraines.

Les auteurs conseillent également de disposer de méthodes d'analyse globale des PFAS, comme la méthode Topa, permettant d'apprécier en monitoring un premier niveau de contamination « toutes PFAS ». Une approche que l'association Génération futures partage. « Il est urgent d'adapter la surveillance et d'utiliser les meilleures techniques déjà développées », estime l'association dans son analyse du rapport.

“ Il est urgent d'adapter la surveillance et d'utiliser les meilleures techniques déjà développées ” Générations futures
Dans le cadre de son plan d'action PFAS, le Gouvernement vient d'ailleurs de soumettre à l'avis du public le projet d'arrêté mettant en place une campagne d'identification et d'analyse des PFAS dans les rejets aqueux de nombreux sites industriels : activités relevant du secteur du textile, des métaux, des polymères, du traitement de l'eau ou des déchets et/ou relevant de la directive IED. Mais également toute ICPE soumise à autorisation ne relevant pas de ces rubriques, mais « utilisant, produisant, traitant ou rejetant » des PFAS.

De la même manière, l'État a prévu de terminer l'inventaire des grands incendies d'hydrocarbures depuis les années 1950 et des sites d'entraînement civils et militaires ayant utilisés des mousses anti-incendie, et donc susceptibles d'être contaminés. À ce sujet, l'association Robin des bois demande la publication immédiate et intégrale du premier inventaire détaillé des 1 036 sites ayant subi des feux d'hydrocarbures combattus avec des mousses à base de PFAS. « Cet inventaire a été réalisé par le bureau d'études Antea. Il comprend en particulier 542 sites Seveso seuil haut, 99 bases militaires et 71 sites portuaires », détaille l'association. Robin des bois demande également à ce que l'inventaire détaillé des 157 sites dont les incendies ont été « probablement » combattus avec des mousses AFFF soit aussi rendu public.

Encore beaucoup d'inconnues dans la contamination des milieux

Concernant la contamination des milieux aquatiques (eaux souterraines et eaux de surface), les données existent, mais la mission met en évidence la cohabitation de plusieurs bases de données et donc de plusieurs gestionnaires, limitant par conséquent la visibilité générale de la situation. Elle invite à une meilleure transparence et harmonisation.

Le rapport conclut toutefois à une « contamination générale modérée », voire « faible » des eaux souterraines. Une analyse que ne partage pas l'association Générations futures, qui estime que le référentiel actuel, la norme européenne sur les eaux souterraines, est bien trop laxiste. « Nous tenons à rappeler que la norme européenne sur les eaux souterraines est jugée beaucoup trop élevée et pas suffisamment protectrice par les experts de la Commission européenne eux-mêmes, qui recommande de la rabaisser de 100 ng/L à 4,4 ng/L ! Ainsi, les teneurs retrouvées et mentionnées dans le rapport sont alarmantes », selon l'association. Les concentrations maximales observées par les auteurs du rapport atteignent 10 µg/L pour le PFOA (acide perfluorooctanoïque), soit un facteur 100 par rapport à la norme en vigueur.

À propos des eaux de surface, la mission n'a pas pu exploiter les données existantes, mais conclut quand même à une contamination en PFAS plus générale que celle des eaux souterraines. « Ceci serait cohérent avec une origine principalement liée aux rejets dans les cours d'eau, qui se propagent vers l'aval, ainsi qu'avec le constat selon lequel ce sont les nappes alluviales [en relation avec les cours d'eau] qui sont les plus contaminées. »

Du côté des autres matrices tels que le sol et l'air, les mesures sont anciennes ou inexistantes. Peu d'informations existent sur la pollution de l'air ambiant par les PFAS et leurs rejets dans l'atmosphère par exemple, du fait de l'absence de méthodes standardisées d'analyse de l'air.

Un plan d'action insuffisant

Si le rapport met en lumière le manque de données ou la difficulté à les exploiter, sa publication a également le mérite de mettre en évidence les mesures proposées par la mission qui n'ont pas été reprises dans le plan d'action du Gouvernement. L'occasion pour Générations futures de demander une revoyure de la copie de l'exécutif avec plus d'ambition. « Alors que le rapport préconise une information du public sur la présence des PFAS dans les produits de tous les jours, rien sur ce point important ne se trouve dans le plan du ministère. Rien non plus sur l'utilisation en priorité des méthodes globales pour la surveillance des milieux, sur l'inclusion des 20 PFAS dans la surveillance de l'eau de surface et de l'eau potable, rien sur la surveillance des stations d'épuration urbaines, des épandages de pesticides PFAS, et rien sur la dépollution faisant pourtant l'objet d'un chapitre entier dans le rapport », déclare le Dr. Pauline Cervan, responsable des questions scientifiques et règlementaires chez Générations futures.

Pour le député Nicolas Thierry, (EELV-Gironde), qui demandait une publication rapide de ce rapport, l'analyse de l'Igedd le conforte dans l'idée que la France accuse un « retard considérable dans la lutte contre les PFAS ». « Ce rapport est très explicite : nous manquons cruellement de connaissances sur ce sujet, commente-t-il. Nos systèmes de contrôle ne sont pas à la hauteur : il n'y a pas de contrôle de l'eau potable, pas de normes sur les sols, pas de normes sur l'air. Les conclusions du rapport montrent en creux le manque d'ambition cruel du plan PFAS du Gouvernement, irresponsable face à la gravité de la pollution », poursuit-il. Le député a d'ailleurs déposé une proposition de loi pour une interdiction totale de la production et de l'utilisation des PFAS et compte bien s'appuyer sur ce rapport pour faire bouger les lignes.

1. Rapport de l'Igedd sur les PFAS publié en avril 2023
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41585-rapport-igedd-pfas-avril-2023.pdf

Réactions1 réaction à cet article

Dommage l'INRAE n'a pas été auditionné, il aurait pu apporter des éléments sur les concentrations en PFAS dans les boues de STEP ...

Il aurait été judicieux de faire un focus sur les PFAS dans la REUT qui est un axe fort du plan EAU du gouvernement.

Loïc | 17 avril 2023 à 10h46 Signaler un contenu inapproprié

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