Une coalition de 40 ONG européennes (dont Les Amis de la Terre, Attac, WECF…) ont interpellé mercredi 25 avril le Parlement européen pour réitérer leur opposition au recours à la technique de fracturation hydraulique et au développement d'autres hydrocarbures fossiles - sables bitumineux et des gaz de houille - par les Etats membres.
Un rapporteur polonais pro-gaz de schiste
Cette interpellation fait suite à la publication le 11 avril dernier d'un projet de rapport sur les gaz et huiles de schiste par le député polonais Boguslaw Sonik (Parti Populaire Européen Démocrates Chrétiens) auprès de la commission environnement du Parlement européen. Le député conservateur avait déjà présenté le 10 avril devant cette commission une motion d'initiative favorable à l'exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels qui divisent toujours l'Europe. Si la Pologne a commencé une exploration à grande échelle, la France et la Bulgarie ont de leur côté interdit la fracturation hydraulique. Tandis que la Roumanie ou l'Allemagne ont récemment gelé toute exploitation. Le Royaume-Uni, après un moratoire l'an dernier, a repris de son côté les forages alors que d'autres pays restent à l'exploration, à l'instar de l'Irlande, de l'Autriche, des Pays-Bas, de la Suède, du Danemark et de l'Espagne.
Le Parlement européen s'était déjà penché sur les risques environnementaux de l'extraction de cette ressource et avait publié une étude en juillet 2011. Si certains députés veulent des règles communes pour encadrer les activités d'exploration, d'autres appellent à une interdiction européenne de l'extraction du gaz de schiste pour des raisons de protection de l'environnement. Le rapporteur Bogusław Sonik défend lui le principe selon lequel "chaque pays a le droit de décider avec quel carburant il veut couvrir ses besoins en énergie et qu'aucune interdiction ne peut être donnée au niveau européen". Selon M. Sonik, l'exploitation du gaz de schiste serait un processus ''sûr'' grâce aux lois européennes et nationales existantes. Une position qui rejoint celle de la Commission européenne qui a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'introduire de nouveaux textes réglementaires en la matière dans l'UE. Le parlementaire insiste toutefois dans son rapport, pour que les forages soient organisés dans le respect de la protection de l'environnement via des mesures préventives. La fracturation des roches contenant les gaz de schiste par injection d'énormes quantités d'eau devrait être encadrée. La qualité des eaux devrait être également évaluée " avant, pendant et après l'exploitation''.
De "vifs débats" avec les écologistes
Ce rapport, débattu le 25 avril devant la commission environnement du Parlement, ne satisfait guère les ONG et députés écologistes qui prévoient une série d'amendements au texte.
Les 40 associations estiment dans un communiqué que la motion du député devrait "fortement influencer la position de l'Union Européenne sur ces hydrocarbures fossiles, confortant une fois de plus ses choix catastrophiques en matière de politique énergétique''. Selon les ONG, ce rapport "se refuse en effet à prendre en compte les innombrables pollutions chimiques et toxiques, les conséquences sanitaires, le gaspillage d'eau potable, la dévastation des territoires engendrés par l'exploitation des gaz et huiles de schiste aux Etats-Unis et ailleurs, préférant faire la part belle aux volontés des industriels pétroliers et gaziers'', pointent-elles.
Le ''vif'' débat tenu devant la commission parlementaire ''est symptomatique de la question des gaz de schiste : en l'absence d'études d'impact officielles, qui devraient être publiées mi 2012, il est urgent d'attendre'', déclare de son côté Michèle Rivasi, eurodéputée française Europe Ecologie les Verts (EELV) dans un communiqué. Et d'affirmer : ''une chose est sûre pour l'instant, la directive sur l'évaluation des incidences environnementales doit être révisée : elle exempte les gaz de schiste d'études d'impact du fait d'un seuil d'extraction de gaz quotidien bien trop élevé (500.000 mètres cubes par jour)".
Des pétitions citoyennes européennes
Ce rapport a été présenté après l'examen la veille, le 24 avril, par la commission des pétitions du Parlement européen de deux pétitions déposées par des citoyens bulgares et polonais contre l'exploitation des gaz de schiste, rappelle de son côté Sandrine Bélier (EELV). Des pétitions qui, selon elle, "montrent une prise de conscience et des inquiétudes grandissantes des populations''. De futures saisines du Parlement par des citoyens français, anglais, roumains et belges seraient également annoncées. ''En l'état actuel des connaissances scientifiques, l'idée d'un moratoire doit prévaloir à toute décision définitive", concluent les deux eurodéputées.
Les 40 ONG ont également appelé les Etats membres à suspendre l'ensemble des activités d'exploration ou d'exploitation de gaz et huiles de schiste déjà en cours, à abroger l'ensemble des permis aujourd'hui valides et à bloquer tout nouveau projet. Les députés européens ''doivent résister à la pression des lobbies pétroliers et gaziers, et écouter enfin la parole citoyenne", selon Romain Porcheron des Amis de la Terre France.
Le rapport pourrait être voté en session plénière au Parlement européen en septembre prochain. D'ici cette échéance, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) doit publier le 29 mai des recommandations sur les meilleures pratiques à adopter pour l'exploitation du gaz de schiste. Elle estime que sa production pourrait atteindre au niveau mondial 428 milliards de m3 en 2035.