Le 21 mars, Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, a remis son rapport à la ministre du Logement Emmanuelle Cosse qui formule 14 propositions visant à faciliter les outils de financements pour atteindre l'objectif de 500.000 rénovations par an, fixé par la loi de transition énergétique d'août 2015. En 2014, seulement 288.000 rénovations énergétiques performantes ont été réalisées dans le secteur privé, selon une étude de l'Ademe. "Il faut massifier la rénovation énergétique des logements, mobiliser tous les acteurs, faciliter l'information aux ménages", a déclaré Emmanuelle Cosse. Tout en appelant, de concert avec Philippe Pelletier, à déployer les financements disponibles dans la prochaine mandature présidentielle. Le rapport estime qu'il faut "stabiliser" et "inscrire dans la durée" la distribution de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) individuel (accordé au propriétaire de logement) et collectif en copropriété.
Relancer l'éco-PTZ des particuliers
Depuis 2014, les banques ne sont plus chargées de l'instruction des demandes des éco-PTZ, confiée aux entreprises qualifiées "Reconnu garant de l'environnement" (RGE) qui doivent attester de l'éligibilité des travaux. Mais malgré cette simplification, la distribution de l'éco-PTZ individuel par les banques stagne. Environ 19.000 éco-PTZ ont été contractés en 2015 et idem en 2016. En cause : la "faible connaissance" par les ménages de ce prêt lancé depuis 2009, "son caractère peu incitatif dans un contexte de taux bancaires bas et sa concurrence avec des prêts à la consommation plus simples et d'octroi plus rapide", pointe notamment le rapport. Il propose de simplifier à nouveau l'instruction de l'éco-PTZ via la numérisation des procédures. Le rapport évoque aussi la possibilité de refinancer des travaux déjà débutés au moment de la souscription du prêt.
Philippe Pelletier plaide également pour le cumul de l'éco-prêt et du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) sans conditions de ressources des particuliers. La suppression du plafond de ressources pour leur cumul, qui devait s'appliquer rétroactivement à partir de mars 2016, n'a été adoptée qu'à compter de la loi de finances 2017. "Nous recommandons qu'à compter du 1er janvier 2018, le cumul des dispositifs soit confirmé. L'essentiel est qu'un régime stable soit édicté, pour les cinq ans à venir, seul de nature à permettre qu'une dynamique de rénovation s'installe".
Les éco-PTZ collectifs sont également octroyés depuis 2014 aux syndicats de copropriété pour le financement des travaux sur les parties communes ou de travaux d'intérêt collectif sur les parties privatives. "De nombreux espoirs sont fondés sur ce dispositif dont il conviendra d'apprécier l'efficacité réelle dans quelques mois", estime le rapport qui appelle à maintenir ce prêt jusqu'en 2022. Il recommande aussi de fixer le régime du CITE applicable, en cas de travaux réalisés dans un immeuble en copropriété, au jour du vote desdits travaux en assemblée générale des copropriétaires.
Le fonds de garantie n'est pas encore opérationnel
Créé en août 2016 par décret, le fonds garant des éco-prêts (jusqu'à 75% du montant) octroyés aux ménages modestes et aux copropriétaires, n'est "pas encore en place", souligne le rapport. La Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFGAS) est chargée de gérer ce fonds, prévu par la loi de transition énergétique.Le fonds doit permettre aux banques de distribuer les éco-prêts et de percevoir de l'Etat une compensation pour l'absence d'intérêts dont bénéficient les emprunteurs.
Or, la distribution effective de l'éco-prêt "Habiter mieux" de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), créé en 2016, dépend de ce fonds. Il vise à financer le reste à charge des travaux des ménages modestes. Mais "conçu sur les mêmes fondements que l'éco-prêt à taux zéro individuel, les réseaux bancaires ont rappelé qu'il comporte les mêmes difficultés de gestion", a ajouté le rapport. Ce qui complique encore leur mise en place.
Tiers-financement : toucher davantage les copropriétés
Un autre dispositif, prévu par la loi de transition énergétique, se heurte aussi "à des blocages importants", a indiqué la ministre Emmanuelle Cosse. Il s'agit des sociétés de tiers-financement, dont l'actionnariat est majoritairement formé par les collectivités territoriales. Leur cadre juridique a été précisé fin novembre 2015. Leur rôle est d'avancer les coûts des travaux et de se rémunérer ensuite sur les économies d'énergie réalisées. Une offre de prêt peut être proposée directement par la société de tiers-financement, soit via une offre de crédit lorsqu'elle est agréée en tant qu'établissement de crédit ou société de financement, soit sous forme d'avances à titre gratuit. Ces sociétés peuvent aussi intervenir en qualité d'intermédiaire en opération de banque et de service de paiement. Mais celles-ci rencontrent des difficultés pour trouver une structure de cautionnement nécessaire en cas de souscription d'un emprunt collectif par un syndicat de copropriétaires.
"Il est indispensable d'aider au déploiement du tiers-financement, dont les sociétés dédiées sont encore, pour la plupart, dans une phase d'amorçage. Cela pourrait passer par un regroupement de régions volontaires (…) dans l'objectif d'encourager des partenariats pour préparer le refinancement des créances", a indiqué Philippe Pelletier. Le rapport recommande aussi d'"apporter aux organismes de caution concernés les moyens législatifs ou réglementaires d'accorder des prêts collectifs pour toucher davantage les copropriétés".
La transaction immobilière, le bon moment pour rénover
Philippe Pelletier plaide aussi en faveur des "green deal" qui engagent les agents immobiliers à convaincre les propriétaires et acheteurs à rénover, à l'occasion des transactions. La ministre du Logement a signé le 28 février le premier "green deal" de l'immobilier avec le réseau d'agences Orpi, sous l'égide du Plan Bâtiment Durable. Cet outil de droit souple prend la forme d'un contrat public-privé de deux ans non contraignant juridiquement. Emmanuelle Cosse a invité les autres réseaux à rejoindre la démarche.