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Actu-Environnement

Prévention des risques en montagne : la responsabilité de l'Etat peut être invoquée devant les tribunaux

L'Etat peut être poursuivi s'il manque à ses obligations de conception, réalisation et entretien des ouvrages de protection en montagne. Un rapport suggère de mieux encadrer la notion de force majeure pour éviter des poursuites trop systématiques.

Risques  |    |  P. Collet

La responsabilité de l'Etat peut être invoquée si la conception, la réalisation ou l'entretien des ouvrages de prévention des risques en montagne sont défaillants. De même, il a l'obligation de réaliser des travaux pour protéger les équipements et installations menacés par un aléa. Un rapport officiel (1) alerte sur les risques juridiques. D'autant que "les changements climatiques renforcent la nécessité de la prévention des risques en montagne". Il faudrait notamment mieux encadrer la notion de force majeure pour éviter que la responsabilité de l'Etat ne soit recherchée de façon systématique.

C'est ce qui ressort d'un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère de l'Environnement qui évalue la politique de gestion des risques en montagne associée à la restauration des terrains en montagne (RTM).

La RTM regroupe les opérations de boisement des terrains et les réalisations d'ouvrages de prévention de l'érosion, des inondations, des avalanches et des mouvements de terrain. Elle est mise en œuvre par l'Office national des forêts (ONF) et financée par le ministère de l'Environnement, chargé de la prévention des risques, et par celui de l'Agriculture, chargé de la forêt.

L'Etat responsable des défauts de conception et de réalisation ?

Parmi les sujets abordés figure la question de la responsabilité de l'Etat lorsque les ouvrages RTM ne sont pas correctement conçus, réalisés ou entretenus. Ces ouvrages constituant des travaux de sécurité publique, la responsabilité de l'Etat peut être engagée lorsqu'ils sont situés sur des terrains acquis au titre de la politique de RTM ou lorsqu'il s'agit d'ouvrages de protection domaniaux. D'autant qu'en matière de conception, les rapporteurs observent qu'il y a des écarts entre l'aléa de référence retenu pour l'élaboration des plans de prévention des risques et celui retenu pour dimensionner et gérer les ouvrages RTM.

Le document alerte donc sur la "responsabilité de puissance publique [qui] peut être recherchée pour absence ou insuffisance de mise en œuvre de travaux de RTM ou défaut d'entretien sur les terrains où ceux-ci ont été déclarés d'utilité publique". Le document recommande donc à l'Etat d'assurer correctement les visites de surveillance des ouvrages et des dispositifs de protection. Il s'agit d'"un élément essentiel de la prise en charge de cette responsabilité" qui doit, préalablement à la réalisation de travaux, identifier les ouvrages devenus insuffisants, inutiles, voire dangereux.

Pour l'instant, la responsabilité de l'État n'a, semble-t-il, pas été mise en cause pour un tel motif. Toutefois, "les contentieux initiés par des gestionnaires de voies routières, motivés par le reproche fait à l'Etat (et/ou à l'ONF) de ne pas avoir suffisamment agi pour maîtriser les aléas, semblent être plus fréquents si l'on en juge par le nombre encore réduit mais croissant de situations pré-contentieuses".

Obligation de protection

Au-delà de sa responsabilité en matière de conception, de réalisation ou d'entretien des ouvrages, l'Etat a aussi l'obligation de réaliser des travaux pour prévenir les aléas identifiés. Dans ce cas, sa responsabilité a déjà été engagée. Le rapport note que "les juges acceptent qu'il y ait une limite à ce qui est raisonnablement possible, mais pas que rien ne soit fait pour prévenir le risque". Généralement, le tribunal considère qu'il n'est pas possible de tout reboiser et que certains aléas exceptionnels dépassent le dimensionnement des ouvrages de protection. Concrètement, explique le document, le juge administratif regarde si l'aléa était ou non visé dans la décision d'acquérir les terrains au titre de la RTM. Il regarde aussi si les équipements ou installations menacés existaient déjà au moment de l'acquisition. Enfin, il vérifie si la décision d'acquisition mentionnait ou non la protection de ces équipements ou installations dans la liste des objectifs.

Par ailleurs, lorsque les phénomènes naturels rendent nécessaires le renforcement des protections de certains secteurs déjà traités, le rapport juge "vraisemblable que l'obligation de réaliser des travaux nouveaux" s'applique. Le rapport s'appuie en particulier sur l'approche qui a été retenue lorsque la dangerosité de la ravine de Castelvieil (Haute-Garonne) a été aggravée suite aux crues exceptionnelles de juin 2013. Le service RTM a dû réaliser des travaux complémentaires et renoncer à reconstruire certains ouvrages détruits qui auraient créé un sur-aléa ou qui n'étaient plus techniquement pertinents dans la nouvelle configuration des lieux.

Redéfinir les caractères imprévisible et irrésistible

Depuis plus d'un siècle, les services ont correctement fait leur travail et l'Etat a dégagé des moyens conséquents. En conséquence, "les principaux risques juridiques ne concernent pas, jusqu'à présent, la responsabilité avec faute", explique le rapport, mais "les contraintes budgétaires actuelles pourraient remettre en question cette situation". Pour éviter une telle situation, le CGEDD insiste sur l'importance des visites d'ouvrages et des études de bassin de risque.

Le rapport aborde enfin la force majeure qui peut être invoquée lorsqu'un événement a une cause extérieure et qu'il est imprévisible et irrésistible. Le CGEDD note que "la jurisprudence a une appréciation restrictive de la force majeure". Dans ces conditions, "les faits doivent être argumentés soigneusement". Pour remédier à cette difficulté, "les juges [n'étant] pas tous des spécialistes des risques", le rapport suggère d'encadrer l'appréciation de la force majeure, voire d'en redéfinir les attributs, en particulier en ce qui concerne la réunion des caractères imprévisible et irrésistible (2) de l'événement. Cet encadrement doit "éviter que la responsabilité des propriétaires privés ou publics soit recherchée de façon trop systématique".

1. Consulter le document.
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-26543-rapport-CGEDD-restauration-terrains-montagne.pdf
2. Les rapporteurs expliquent, par exemple, qu'un épisode pluvieux exceptionnel annoncé deux jours à l'avance, n'est pas pour autant prévisible au moment de la définition des ouvrages de protection. Quant au délai, il ne laisse pas le temps de réaliser un aménagement utile. Concernant le caractère irrésistible, il peut résulter soit d'une absence de solution technique, soit de la disproportion du coût des travaux par rapport aux moyens financiers du propriétaire.

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