"La sobriété est avant tout un principe de régulation technique, socio-économique et démocratique, avec un maître-mot : l'optimisation". Voici la conclusion des auteurs d'un rapport intitulé Développement des usages mobiles et principe de sobriété (1) , commandé par le Premier ministre en mai dernier alors qu'une proposition de loi demandant d'appliquer le principe de précaution, déposée par la députée EELV Laurence Abeille, venait d'être renvoyée en commission.
Les auteurs de ce rapport, qui a été remis à Jean-Marc Ayrault le 11 décembre, recommandent d'inscrire dans la loi, "l'objectif de modération des expositions et les principes de l'information et de la concertation locale", en lieu et place du principe de sobriété, sujet à interprétation.
Selon eux, alors que les citoyens s'inquiètent du développement massif des antennes relais, il convient "d'assurer par la loi une information complète et transparente des parties intéressées par l'implantation ou le fonctionnement des installations relais : riverains d'antennes, locataires et copropriétaires, public fréquentant les centres commerciaux ou les espaces couverts (gares, etc.), clients des opérateurs équipés de dispositifs relais individuels".
Mais il faut également modérer l'exposition, en mutualisant les réseaux, pour lutter contre la course actuelle entre opérateurs, et développer la concertation locale.
"Ces propositions contribueront à alimenter les travaux en cours, notamment l'examen par le Parlement de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques déposée à l'Assemblée nationale le 7 décembre 2013", a réagi le Premier ministre dans un communiqué de presse. Le projet de texte, qui pourrait être étudié dès janvier par l'Assemblée nationale, reprend déjà une grande partie des propositions de ce rapport.
Le public doit être mieux informé
La question sur les champs électromagnétiques est paradoxale, notent en préambule les auteurs : les citoyens français sont de plus en plus équipés en téléphones mobiles mais redoutent en même temps le déploiement des antennes relais. Cependant, soulignent-ils, "la population n'est pas schizophrène". Selon eux, le discours des pouvoirs publics doit être plus audible : "discours d'interdit pour certains usages (ne serait-ce qu'en s'attachant à ce que le législateur avait prescrit dans la loi Grenelle 2), discours de bonnes pratiques en ce qui concerne les téléphones portables et d'autres terminaux mobiles, discours revendiquant l'optimisation négociée quant au choix des sites en ce qui concerne les antennes relais, discours proactif en termes de précaution là où l'incertitude est forte (pour ce qui est des types de signaux et des fréquences de la 5G notamment)".
Plusieurs travaux, et en premier lieu le rapport remis par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) en octobre dernier, pointent du doigt, en matière de sécurité sanitaire, davantage les terminaux mobiles que les antennes relais. "Cela appelle un effort de pédagogie pour bien expliquer les choses à une population inquiète ou interrogative".
Le rapport préconise de faire un point sur la mise en œuvre des dispositions Grenelle 2 (8531) et de suivre les recommandations de l'Anses quant à l'extension de l'obligation d'affichage du débit d'absorption spécifique (DAS) à l'ensemble des terminaux mobiles. Selon eux, il faut également travailler sur la communication des distributeurs ou des opérateurs, en incluant des recommandations de bon usage ou de modération. Bientôt des messages "Utilisez votre téléphone avec modération" dans les publicités des opérateurs ? Les auteurs préconisent également de "mettre l'accent, dans l'iconographie des campagnes marketing, sur les bons usages, plutôt que sur les usages problématiques (téléphone à l'oreille, usage dans les transports, etc.)".
Mener une veille technologique active
Mais les technologies évoluent très vite. Les conclusions sur la 2G (deuxième génération) et l'impact plus fort des terminaux sont moins pertinentes pour la 3G et encore moins pour la 4G. Pour cette dernière, "d'un côté, la dissémination des dispositifs relais indoor [dispositifs pour l'intérieur des bâtiments] et outdoor [dispositifs en extérieur] multiplie les sources d'émission proches, donc la possibilité de "points chauds" de proximité. D'un autre côté, cette densification participe à l'optimisation de l'émission des terminaux". Alors que le 5G est déjà dans les cartons, les auteurs appellent les pouvoirs publics à anticiper et à "ne plus raisonner sur les seules antennes d'une part, les seuls terminaux d'autre part mais de considérer de plus en plus le couple terminal-réseau hétérogène".
Le rapport préconise également de se pencher sur le cas des personnes électro-hypersensibles : "Cette souffrance doit être mieux connue, mieux prise en charge".
Densifier et maîtriser le réseau
Dans tous les cas, notent les auteurs, "ce qui importe, en termes d'exposition, ce n'est pas tant de minimiser in abstracto l'exposition des populations aux champs émis par les antennes relais mais de travailler concrètement à la meilleure configuration de réseau, qui permette de limiter l'exposition toutes sources".
Le déploiement du réseau, jusque-là opaque et concurrentiel, doit devenir transparent, concerté et maîtrisé. La mutualisation du réseau doit être encouragée, tout comme sa densification. Le processus d'autorisation des antennes relais doit être revu, en prenant en compte les systèmes outdoors et en impliquant les municipalités en amont. Les procédures d'installation doivent être graduées selon le contexte (zones denses / non denses, configuration du bâti). "Ce protocole doit permettre d'attester de l'optimisation compte tenu de l'« état de l'art » (choix des sites, efforts de mutualisation, configuration des réseaux, orientation des antennes, niveaux d'exposition compte tenu des contraintes de couverture et de qualité du service, protection des établissements « sensibles », etc.) et d'en rendre compte dans la concertation et l'information locales ".
Enfin, une instance de dialogue devrait être créée au sein de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), avec l'ensemble des parties prenantes, afin d'étudier les cas de contentieux et les points atypiques, où les expositions sont anormalement élevées.