Pourtant, en avril 2007, l'annonce par le ministre de l'Environnement du Canada, John Baird (concervateur) de la mise en place d'un plan de réduction des émissions laissaient transparaître une certaine « motivation ». À travers son énoncé politique baptisé « Prendre le virage 2007 », le gouvernement fédéral canadien s'est engagé à réduire de 20% ses émissions de GES d'ici 2020 comparativement aux niveaux de 2006 et de 60 % à 70 % d'ici 2050. Mais à l'heure où il s'agit de définir les moyens d'atteindre ces objectifs, le débat reprend le dessus.
Pour réussir la mise en œuvre de son plan, le gouvernement a en effet demandé à la Table Ronde National sur l'Environnement et l'Economie (TRNEE) de donner un avis sur la façon de procéder. Ce groupe d'experts du milieu des affaires, des syndicats, des universités, des organismes environnementaux, des collectivités autochtones et des municipalités vient de rendre son rapport dans lequel il conclut que ces cibles sont réalisables à condition de mettre en œuvre rapidement une série de mesures. Les scénarios de notre recherche établissent que si l'on veut réduire les émissions de GES de 65 % d'ici 2050 par rapport aux niveaux actuels, il faut absolument avoir réalisé des réductions d'émissions d'au moins 20 % en 2020, explique la TRNEE. Le rapport rappelle que d'ici 2050 la population du Canada va continuer à croître et que le pays demeurera vraisemblablement un exportateur net d'énergie. Il sera donc confronté à une tendance d'émissions de CO2 à la hausse, et ce, à des niveaux probablement plus élevés que ceux des autres pays industrialisés, souligne la TRNEE. L'effort de réduction risque donc d'être conséquent.
Les mesures préconisées par la TRNEE se basent notamment sur la mise en place d'outils de marché pour faire baisser rapidement les émissions de GES. La principale recommandation porte sur la fixation d'un prix global au carbone. Un signal de prix clair et rapidement mis en place est nécessaire afin d'influencer dès aujourd'hui les décisions liées aux investissements, à la production et à la consommation de l'industrie et des consommateurs, car c'est de cette façon que le Canada sera sur la voie de la réduction des émissions de GES au fil du temps, explique la TNREE. Plusieurs choix s'offrent au Canada : instauration d'une taxe sur les émissions, mise en place d'un système de quotas et d'échange ou une combinaison des deux systèmes. En étudiant les trois possibilités, la TRNEE n'a pas réussi à déterminer une seule « meilleure » option mais reste convaincu de la nécessité de mettre en place ce type d'outils. Les experts se veulent rassurants et estiment que leur plan n'aura pas d'impact majeur sur la croissance économique canadienne s'il était adopté. Ils font toutefois remarquer que le Canada devra agir de concert avec le reste du monde pour éviter des conséquences économiques défavorables pour ce qui est de la compétitivité de ses industries exportatrices.
En complément de cette politique principale, le groupe d'experts recommande d'autres politiques de réglementation susceptibles de forcer des réductions des émissions de la part de secteurs de l'économie qui ne réagissent pas à une politique de prix. La boîte à outils des politiques complémentaires contient des politiques telles que des normes réglementaires, des subventions et des investissements dans les infrastructures, explique la TRNEE.
Le déploiement de la technologie est également une condition clé pour atteindre les objectifs de réduction. Les technologies existantes et à court terme suffisent mais toutes devront être largement déployées, remarque le groupe d'expert.
Une fois encore, les réactions à la publication de ce document ont été antinomiques. Le gouvernement actuel a totalement rejeté l'idée de la taxe carbone qu'il juge trop libérale. Il a toutefois précisé qu'il tiendrait compte des recommandations de la table ronde.
Du côté de l'opposition officielle, on y voit surtout la preuve de l'inefficacité de la politique actuelle. Le gouvernement canadien travaille à l'élaboration d'un système d'échange de quotas de CO2 qui pourrait entrer en vigueur en 2010. Le système envisagé serait basé non pas sur un maximum d'émissions mais sur une intensité d'émission maximum. Autrement dit, les grands industriels ne pourront pas dépasser un certain seuil d'émissions comptabilisé en tonnes de CO2 par unité de production mais pourraient augmenter leurs émissions de CO2 totales si leur activité augmentait. Ce système est fortement contesté par l'opposition plus proche de l'approche européenne basée sur un plafond d'émissions globales. Le rapport de la TRNEE qui propose un système « à l'européenne » a de ce fait été favorablement accueilli de ce côté. Le débat relancé par ce rapport risque donc d'être mouvementé.