
Un manque de volonté de l'Etat
La cour des comptes avance pour preuve les résultats de l'état des lieux qualitatif et quantitatif réalisé en 2004 : diminution de la pollution par les matières organiques et phosphorées, pollution due aux nitrates encore élevée dans les eaux de surface et souterraines, présence de pesticides dans les deux tiers des eaux souterraines… Au final, la France fait partie des pays les plus condamnés par l'Union européenne pour ne pas avoir respecté les objectifs de qualité fixés par les directives. A l'origine de cette situation, un manque de volonté de l'Etat selon la Cour des Comptes : ''les résultats décevants constatés sur les nitrates comme sur les pollutions par les produits phytosanitaires trouvent en grande partie leur origine dans une insuffisante volonté de l'Etat (…) de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marquées par l'encouragement au productivisme et le choix d'une agriculture intensive''.
Les contentieux sont également d'actualité dans le domaine de l'assainissement puisque la France n'a pas mis en place les niveaux de traitements des eaux résiduaires urbaines demandés par l'UE à l'échéance 1998 ! ''Le contentieux de la directive « ERU » révèle des dysfonctionnements systémiques dans la politique de l'eau, dont il convient de tirer les enseignements : une dilution des responsabilités, une mauvaise coordination entre les services de l'Etat, une forme d'attentisme des agences, le caractère insuffisamment répressif de la police de l'eau, une anticipation insuffisante et un suivi déficient des risques contentieux'', peut-on lire dans le rapport.
Ajuster le fonctionnement des agences de l'eau
Suite à l'analyse des agences de l'eau, la Cour des Comptes constate un décalage entre leur fonctionnement et le contexte dans lequel elle évolue estimant qu'elles ''s'apparentent plus à des banques mutualistes chargées de faciliter des initiatives locales (…) qu'à des instruments d'une politique nationale soumise à des obligations de résultats''. L'institution évoque notamment un usage peu satisfaisant des instruments financiers ce qui aboutit aujourd'hui à une distribution non optimale des ressources : ''les agences financent des actions sur l'eau potable, souvent curatives, pour des montants 1,8 fois supérieurs à ce qu'elles consacrent à l'action préventive'', déplore le rapport.
La Cour regrette également que les agences de l'eau ne fassent pas preuve de plus de sélectivité dans les projets qu'elles subventionnent mais reconnaît qu'il leur est parfois difficile de résister aux pressions des porteurs de projets non prioritaires : ''beaucoup de maîtres d'ouvrage continuent de considérer les agences comme des guichets et leurs aides comme un droit de tirage''. L'institution encourage par conséquent les agences à mettre en place plus de conditionnalité pour optimiser l'effet environnemental de chaque euro investi.
Mais le défi des agences de l'eau consistera surtout à animer une véritable ''démocratie de l'eau'' capable d'assurer un bon équilibre entre conciliation des intérêts et efficacité collective. La Cour des Comptes remarque en effet que le mode de gouvernance par comités de bassin réunissant l'Etat, les collectivités et les usagers, peut devenir un facteur de dysfonctionnement par sa lourdeur. ''Les décisions sont généralement préparées par des commissions au sein desquelles les groupes professionnels, par leur assiduité et leur expertise, sont mieux à même de faire prévaloir leurs préoccupations dans la durée que les élus et les associations'', note le rapport. L'institution constate que la gouvernance actuelle ne permet pas toujours de dépasser, au niveau des bassins, les contradictions de certaines politiques publiques : politique agricole contre gestion durable de l'eau, préservation des milieux contre développement de l'hydroélectricité.
Des évolutions nécessaires à l'application de la DCE
Pour la Cour des Comptes, ces évolutions sont nécessaires pour garantirun mode de gouvernance capable de mettre en œuvre la Directive-Cadre sur l'eau. D'ici à 2015, la France s'est en effet engagée à atteindre un ''bon état écologique'' pour ses lacs et ses cours d'eau. ''Tous les instruments de la politique de l'eau devront donc être rapidement et entièrement mobilisés au service de cette ambition''. Les objectifs de chaque bassin hydrographique ont été arrêtés fin 2009 dans le cadre des Schémas Directeurs d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE). La Cour mise sur la préparation des 10èmes programmes d'intervention des agences de l'eau, qui doit commencer en 2010, pour que ses recommandations soient intégrées.
Par ailleurs, elle estime que la volonté de l'Etat d'atteindre les objectifs de la directive-cadre sur l'eau (DCE) doit se manifester de façon plus crédible et plus forte. ''Les redevances devraient être plus en rapport avec le coût de la dépollution et l'Etat pourrait durcir l'encadrement réglementaire des pratiques agricoles, renforcer le contrôle de son effectivité et en sanctionner davantage la méconnaissance''.
En réponse au rapport, le ministre de l'écologie, de l'énergie du développement durable et de la mer Jean-Louis Borloo se défend en précisant que la Cour fonde son analyse et ses recommandations sur les contrôles effectués pour la période 2002-2006. ''Dans cette projection tout à fait utile, il convient de tenir compte de l'immense mouvement de transformation engagé depuis trois ans'', précise le ministre.