Les prélèvements d'eau douce ont en effet triplé depuis 50 ans et les zones irriguées ont doublé pendant la même période. En cause : la croissance démographique, l'évolution des modes de consommation alimentaire vers une plus grande consommation de viandes et de produits laitiers ou encore les besoins accrus en énergie et notamment en agrocarburants. S'ils permettent de réduire la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, les biocarburants, compte-tenu de la technologie déployée pour leur production, peuvent avoir un impact disproportionné sur l'environnement et la biodiversité parce que leurs cultures nécessitent l'utilisation de grandes quantités d'engrais et de beaucoup d'eau, soulignent les auteurs du rapport. Selon les Nations Unies, entre 1.000 et 4.000 litres d'eau sont en effet nécessaires pour produire un seul litre d'agrocarburant.
Mais cet accroissement de prélèvements ne sert pas l'ensemble des populations et certaines n'ont toujours pas accès aux usages les plus essentiels comme l'eau potable ou l'assainissement. Les conséquences sanitaires sont dramatiques dans ces régions. On estime en effet que dans les pays en développement, 80% des maladies sont liées à l'eau et causent la mort prématurée de 3 millions de personnes chaque année.
Et les effets du changement climatique devraient encore accentuer ce phénomène. Une compétition pour l'eau se dessine – entre les pays, entre les zones urbaines et rurales, mais aussi entre les différents secteurs d'activité - qui risque de se traduire à l'avenir par une politisation plus marquée des questions relatives à l'eau, prévient l'ONU.
Encourager les investissements
Et pour les pays qui ont déjà pris des mesures légales pour protéger leurs ressources en eau, le rapport constate que les réformes n'ont guère porté leurs fruits jusqu'ici car les actions menées restent trop souvent cantonnées au seul secteur de l'eau. Or, pour être efficaces, celles-ci doivent aussi impliquer les décideurs dans des domaines tels que l'agriculture, l'énergie, le commerce ou la finance, qui ont un impact déterminant sur la gestion de l'eau, explique l'ONU.
Le rapport insiste par conséquent sur le rôle joué par l'eau dans le développement et la croissance économique et rappelle qu'investir dans l'eau se révèle payant à différents niveaux : on estime en effet que chaque dollar investi pour améliorer l'accès à l'eau se traduit par des gains de 3 à 34 dollars. Le rapport cite en exemple la Turquie et son projet de développement multisectoriel en Anatolie du Sud-Est baptisé GAP. Selon les auteurs du rapport, le coût total du GAP est estimé à 32 milliards de dollars. 17 milliards ont été investis jusqu'ici et ont déjà produit leurs résultats : les revenus par fermier ont triplé avec le développement de l'irrigation, l'électrification dans les zones rurales a atteint 90%, les taux d'alphabétisation ont augmenté, les taux de mortalité infantile ont baissé, le nombre des entreprises a doublé et un système plus juste de propriété des sols s'applique désormais aux zones irriguées.
Déployer une meilleure gestion de l'eau sera également nécessaire. Les Nations Unies mettent donc en avant les options choisies par plusieurs pays : restriction d'usage et double système de distribution en Australie, programmes de détection des fuites en Thaïlande, recyclage des eaux usées à des fins agricoles en Egypte ou encore désalinisation de l'eau de mer en Arabie Saoudite.
Le Forum mondial de l'eau d'Istanbul sera l'occasion pour les acteurs de l'eau d'aborder l'ensemble de ces problématiques et de prendre connaissances des bonnes pratiques. La France compte bien y promouvoir son expertise dans le domaine de l'eau et notamment son système de financement basé sur le principe de « l'eau paie l'eau », sa gestion par bassin hydrographique et l'expertise technologique de ses industries.