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Actu-Environnement

Le « facteur 4 » devrait-il être un objectif partagé au niveau européen ?

Selon un rapport du Centre d'analyse stratégique, la France ne pourra pas supporter seule l'objectif de réduction d'un « facteur 4 » sans compromettre sa compétitivité. Le rapport appelle à répartir équitablement cet objectif au niveau européen.

Energie  |    |  F. Roussel
En mai 2006, le Premier ministre demandait au Centre d'analyse stratégique de réunir une commission de haut niveau, présidée par Jean Syrota, chargée de « dégager les principales orientations opérationnelles et préconisations de politique publique en matière de maîtrise de la demande énergétique, de transports et d'aménagement, d'offre d'énergies et de régulation du marché énergétique ». Après plus d'un an de travaux, la commission vient de remettre son rapport final dans lequel elle constate qu'après avoir été dominées par le prix des hydrocarbures, les politiques énergétiques sont désormais basées sur le changement climatique qui est devenu le fondement principal de la réflexion, de l'analyse et de l'action. Ainsi, la commission confirme que même s'il n'est pas sûr que le pire arrive, pour ne pas courir le risque de se trouver confrontée à terme à des situations ingérables, la communauté mondiale doit aujourd'hui relever un nouveau défi auquel elle ne peut envisager de se soustraire : freiner, puis réduire, et vite, les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Cependant, la commission déclare fermement qu'il ne faut pas attendre de miracle et notamment sur le plan technologique où la nouvelle source énergétique quasi gratuite, renouvelable, sûre, partagée, qui suppléerait sans dommage, sans gaz à effet de serre et sans déchet à tous les usages combinés du pétrole, du gaz et du charbon, et de l'uranium, n'existe pas, et sans doute n'existera jamais. La commission est donc très ferme : il faut une politique énergétique fondée sur la combinaison de mesures de natures complètement différentes pour faire émerger sur la durée une amélioration de la situation. Il va falloir faire des choix clairs, durables et cohérents, prendre des décisions et s'y tenir.

Selon la commission, cet engagement doit se traduire au niveau européen à travers une politique énergétique ambitieuse et équitablement répartie qui doit être mise en oeuvre sans délai. La commission estime que pour limiter la hausse des températures autour de 2°C, l'Union Européenne doit aller plus loin qu'une réduction de 50% de ses émissions de GES d'ici 2050 comme prévu par son « paquet énergie » de janvier 2007 : l'Union européenne doit se donner comme objectif le « facteur 4 ». Mais cet objectif doit être réparti équitablement entre les États membres. Pour cela la commission propose une approche non pas uniquement basée sur les émissions de CO2 de 1990 mais également sur les émissions par habitant. Elle propose que l'UE vise pour 2050 un objectif unique d'émissions de gaz à effet de serre par habitant. Ainsi les États membres réduiraient leurs émissions de façon à converger vers cet objectif.
À travers ce mode de calcul, la commission cherche à rétablir de l'équité dans les efforts à fournir par chaque pays membre. En effet, grâce à sa production d'électricité hydraulique et nucléaire, la France a déjà un niveau d'émissions par habitant très bas (6,65 tCo2/hab en 2005) par rapport à ses voisins européens où la production d'électricité dépend encore fortement du charbon et des hydrocarbures (10,57 tCO2/hab pour l'Allemagne et 9,26 tCO2/hab pour le Royaume-Uni). Si le « facteur 4 » était appliqué à chaque pays séparément, la France devrait atteindre l'objectif de 1,44 tonne de CO2/habitant alors que l'Allemagne serait à 3,22 tCO2/hab. et l'Angleterre 2,17 tCO2/hab. Or, de l'avis de la commission, la France a des marges de progression limitée dans ce secteur et rien ne justifie qu'un citoyen français doive consacrer des moyens économiques démesurés par rapport à ceux consentis par ses voisins pour limiter ses émissions. Selon les simulations effectuées par la commission, le « facteur 4 » que la France s'est fixé dans sa loi POPE de juillet 2005 est un objectif très ambitieux mais qui risque de la desservir en compromettant gravement sa compétitivité dans le contexte d'une économie mondialisée. Selon la commission, les différents scénarios étudiés ne conduisent pas à diviser les émissions de gaz carbonique en 2050 par un facteur de plus de 2,1 à 2,4 par rapport à celles de 1990. Pour aller au-delà, il faudrait par exemple compter sur des technologies qui ne sont pas […] probables, développer fortement le nucléaire et délocaliser l'industrie qui consomme beaucoup d'énergie, pour ne pas parler de rationnement, explique la commission.
Selon le nouveau mode de calcul de la commission, les États membres et l'Union européenne à 25 auraient tous, en 2050, un niveau d'émission par habitant identique et égal à 2,18 tonnes de CO2 par habitant de l'UE. Ce taux représenterait pour la France un facteur de réduction de 2,6 par rapport à 1990 soit un effort de réduction ambitieux mais compatible avec l'économie française.

Toutefois si ce facteur de réduction est plus « faisable », la commission rappelle qu'il n'en demeure pas moins ambitieux et ne dispense pas la France d'agir avec détermination et sans tarder. Elle compte notamment sur la France pour convaincre l'UE de se fixer l'objectif « facteur 4 » et de mettre en place des mesures de sauvegarde pour empêcher l'importation massive de produits à fort contenu énergétique en provenance de pays n'ayant pas pris de dispositions comparables aux siennes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans le secteur des transports, la commission recommande par exemple la limitation des émissions de CO2 des véhicules neufs de tourisme à 120 g/km à partir de 2012 et l'harmonisation des vitesses limites sur autoroute à 130 km/heure pour toute l'Union européenne. En termes de consommation d'énergie, la Commission envisage notamment l'obligation d'étiquetage de tous les matériels consommant de l'énergie et l'interdiction de mise en vente des appareils électroménagers des classes énergétiques les plus consommatrices (aujourd'hui dénommées G, F, E, D et C).

Au niveau national, la commission encourage le gouvernement et les autorités publiques à renforcer la sensibilisation du public aux raisons et aux moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Concernant l'action territoriale, elle conseille de donner aux collectivités locales les pouvoirs pour mettre en oeuvre des péages urbains, permettre la prise en compte des objectifs de réduction des émissions de GES dans l'élaboration des règlements d'occupation des sols et imposer, lors de la délivrance des permis de construire, des dispositions permettant des économies d'énergie et l'utilisation d'énergies renouvelables. La commission évoque également l'augmentation du montant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), la suppression de la défiscalisation existant en faveur des biocarburants et l'arrêt des investissements nouveaux dans la production de biocarburants de première génération. Pour l'habitat, il est question d'étendre aux propriétaires bailleurs les avantages fiscaux sur les dépenses favorisant la diminution des consommations d'énergie et l'utilisation des énergies renouvelables dans les immeubles existants mais de limiter ces avantages aux équipements les plus performants. Un « ravalement thermique » obligatoire des immeubles existants dans un délai de 10 ans et l'obligation pour tout nouveau bâti de comporter des sources d'énergie renouvelables sont également évoqués.

Pour permettre le succès de la politique énergétique sur le plan national et international, le rapport rappelle qu'elle doit être l'affaire de tous. Tous les acteurs sociaux sont concernés : consommateurs, salariés comme citoyens, individuellement ou regroupés en associations, syndicats ou partis, l'État, les collectivités territoriales, chacun doit prendre part.

Pour les associations de protection de l'environnement du Réseau Action Climat, ce rapport est mal venu. Les ONG craignent surtout que ces informations ne sapent les efforts engagés et ne deviennent une excuse pour ne rien faire.

Réactions1 réaction à cet article

si le nucléaire =15% =?moitié de l'effort? Help .

On ne précise pas généralement que le nucléaire représente les 3/4 de la production d'électricité. Le total de cette dernière ne représente que 15% environ de notre consommation totale ; comment peut-il représenter la moitié de l'effort à faire ?
Une partie de l'explication se trouve peut-être dans "Carnot" : il faut 3 unités de chaleur pour faire 1 unité d'électricité. 3 X 15 = 45 !
Que de chaleur perdue lorsqu'il n'y a pas de cogénération, c'est à dire de récupération de chaleur parallèlement à la production d'électricité !
Le chauffage des batiments ou leur climatisation irréfléchie, ainsi que le transport ne représentent-ils pas une énorme marge de progrès ?
Le message caché semble être un soutien subtil mais inconditionnel au nucléaire !
Il y a moyen de réduire notre consommation électrique afin de commencer à réduire la demande plutôt que de toujours partir de l'offre présentée comme incompressible.
On peut penser que des raisons financières (rentabilité de la filière nucléaire et volonté d'exportation de nos vieux réacteurs de 3ième générations -? quel progrès !-) expliquent en partie cette attitude de soutien, sans nuance et antidémocratique, au nucléaire.
On peut même affirmer par ailleurs que le nucléaire civil aide le nucléaire militaire dont l'utilité n'a pas été démontrée depuis 1945. L'actualité internationale confirme plutôt un risque majeur !
Voilà comment on freine des 4 fers au lieu d'aller vers le facteur 4.

Raphaël | 11 octobre 2007 à 16h32 Signaler un contenu inapproprié

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