Une phase de pré enregistrement est prévue du 1er juin 2008 au 1er décembre 2008 pour toutes les substances mises sur le marché de l'UE avant le 19 septembre1981. Tous les fabricants et importateurs devront communiquer à l'agence européenne des informations relatives à la substance à enregistrer, notamment la quantité produite ou importée. Celui qui n'aura pas préenregistré une substance dans ce délai devra la faire enregistrer immédiatement et ne pourra plus la fabriquer ni la mettre sur le marché avant enregistrement. A partir du 1er janvier 2009, ECHA rendra publique la liste de toutes les substances préenregistrées.
Le renversement de la charge de preuve
Reach constitue une révolution dans l'industrie de la chimie en renversant la charge de preuve des autorités publiques vers les industriels. Jusqu'à présent, seules les substances commercialisées après 1981 faisaient l'objet d'un contrôle. Les substances mises sur le marché avant 1981 pouvaient être utilisées tant que les autorités ne fournissaient pas la preuve de leur nocivité et n'en interdisaient l'utilisation. De ce fait, près de 100 000 substances sont actuellement utilisées sur le marché communautaire alors que l'on a peu ou pas d'informations sur leurs propriétés. Le règlement Reach introduit un renversement de la charge de preuve : il incombe aux fabricants, importateurs et utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, mettre sur le marché ou utiliser des substances qui n'ont pas d'effets nocifs pour la santé humaine ou l'environnement. Ces dispositions reposent sur le principe de précaution, précise l'article 1 § 3 du règlement.
Il revient donc aux industriels de prouver désormais l'innocuité des substances utilisées, faute de quoi, l'utilisation de la substance non enregistrée devra cesser dans l'UE. D'ici 2018, plus de 30.000 substances, celles produites ou importées à plus d'une tonne par an, seront répertoriées et analysées.
L'ampleur de la mise en œuvre
Chaque Etat membre a mis en place des help desk afin de soutenir et d'informer les entreprises sur la mise en place du règlement européen. Tout l'enjeu est de faire prendre conscience aux entreprises qu'elles sont concernées par ce nouveau règlement. Car si Reach s'applique aux substances chimiques au sens strict, il concerne également toute matière, préparation ou article contenant des substances chimiques. Fabricants de peintures, colorants, meubles ou voitures sont donc concernés, même si la prise de conscience n'est pas toujours là : Reach s'adresse à toute une gamme d'industries, au-delà de la seule chimie. Si les grands groupes industriels sont préparés à son entrée en application, la difficulté est d'atteindre les PME. Des sondages réalisés en Angleterre ont montré que celles-ci ne se sentent pas concernées, explique Emmanuel Moreau, chef du bureau des substances et préparations chimiques du MEDDAAT. Notre message actuel est : tous concernés ! A partir du 1er juin 2008, tant au niveau communautaire que national, la communication autour du règlement sera plus musclée.
Toute substance n'ayant pas fait l'objet d'un pré enregistrement avant le 1er décembre 2008 ne pourra plus être fabriquée ou mise sur le marché européen jusqu'à son enregistrement.
Après la phase de pré enregistrement, les substances devront être enregistrées auprès de l'ECHA avant le 1er décembre 2010 pour les substances produites ou importées dans une quantité supérieure ou égale à 1000 tonnes par an, avant le 1er juin 2013 pour les substances produites et importées dans une quantité inférieure ou égale à 100 tonnes et avant le 1er juin 2018 pour les produits fabriqués ou importés dans une quantité supérieure ou égale à une tonne.
Pour ce faire, les industriels vont devoir procéder à l'évaluation des substances chimiques, à des tests et concevoir des scenarii d'exposition, explique Emmanuel Moreau. Une étape extrêmement contraignante pour les entreprises et mobilisateurs de ressources : c'est pourquoi le règlement a rendu possible la mutualisation des moyens. Les entreprises ayant enregistrés la même substance pourront mettre en partage leurs données et réaliser des études communes, ce qui devrait mener à une réduction des coûts et des tests, notamment sur les animaux. Une nouvelle forme de communication inter entreprises devra donc se développer, ce qui n'est pas sans poser le problème de la confidentialité…
Des milliers de tests devront être réalisés lors de la période d'enregistrement des substances chimiques, ce qui nécessite également une grande mobilisation d'experts en toxicologie. La demande en toxicologues, écotoxicologues va être très forte. On peut avoir une crainte quant au nombre d'experts disponibles, note Emmanuel Moreau. Des formations ont été mises en place afin de pouvoir répondre à la demande croissante.
Une opportunité pour l'industrie ?
Si la mise en application de Reach s'avère très contraignante pour les entreprises, celle-ci peut être également source d'opportunités. Les milliers de tests réalisés d'ici 2018 aboutiront à une meilleure connaissance des produits chimiques et des risques. Les substances les plus préoccupantes seront soumises à autorisation, ce qui aboutira à terme à une substitution vers des substances moins nuisibles. Reach devrait donc à terme assainir le marché des produits chimiques et encourager l'innovation, notamment dans le domaine de la chimie verte.