L'Agence régional de santé (ARS) d'Île-de-France « préconise (…), de façon conservatoire et prudentielle, la non-consommation des œufs et des produits animaux de production domestique non contrôlée, sur l'ensemble de la région francilienne ». Cette recommandation vise en particulier les œufs des poulaillers parisiens, de petite couronne et des zones urbaines denses de la grande couronne.
Les premiers résultats d'analyses d'œufs de poulaillers domestiques prélevés à proximité et à distance des incinérateurs d'Île-de-France mettent en évidence une contamination par des dioxines, des furanes et des polychlorobiphényles (PCB), les trois familles de polluants organiques persistants (POP) analysées. « Cela signifie que ces trois familles de polluants organiques persistants sont potentiellement présentes dans tout l'environnement urbain, et non pas spécifiquement aux abords des incinérateurs », indique l'ARS.
Présence de PCB
Concrètement, l'Agence a fait analyser en mars 2023 les œufs et le sol de 25 poulaillers domestiques : 14 situés à proximité des trois principaux incinérateurs de déchets autour de Paris [Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Issy-Les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis)] et 11 qui en sont éloignés. Les résultats proviennent du laboratoire Laberca, référent national pour les POP.
L'ARS ajoute aussi qu'« il est important de noter que plusieurs poulaillers présentent des contaminations faibles, pouvant probablement s'expliquer par des pratiques d'élevage évitant une contamination des poules dans leur environnement »
Polémique autour de l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine
Cette étude de l'ARS fait suite à « une alerte sur la concentration de dioxines dans des œufs non commercialisés issus de poules élevées dans des poulaillers urbains domestiques près de l'incinérateur d'ordures ménagères situé à Ivry », explique l'ARS.
En février 2022, le Collectif Réduire, Réutiliser, Recycler (3R), en partenariat avec Zero Waste et Les Amis de la Terre, présentait une étude qui faisait état de concentrations « records » de dioxines relevées à proximité de l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine. L'étude se basait sur des prélèvements d'œufs et de végétaux à proximité du plus grand incinérateur d'Europe, d'une capacité annuelle de 720 000 tonnes. Les échantillons faisaient apparaître des concentrations « parmi les plus élevées des études de biosurveillance menées par [la fondation néerlandaise] ToxicoWatch en Europe ».
Des œufs prélevés à Alfortville, à 2,2 km de l'incinérateur, affichaient une concentration de 29 picogrammes en équivalent toxique par gramme (pg TEQ/G) de matière grasse et ceux d'un site à Ivry-sur-Seine, à 1,1 km de l'incinérateur, une concentration de 25 pg TEQ/g. À titre de comparaison, la réglementation européenne plafonne à 5 pg TEQ/g la quantité de dioxines autorisée dans les œufs commercialisés. Une valeur que l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) recommande de diviser par sept pour limiter à 2 pg TEQ par kg de poids personnel la quantité de dioxines consommée chaque semaine par les Européens.
Pointé du doigt, le Syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères (Syctom), qui gère l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine, estime que « le lien entre l'incinérateur et les analyses de dioxines faites [par la fondation ToxicoWatch] n'est pas établi ». Le Syctom explique notamment que « la proportion des différentes dioxines retrouvée dans les œufs est comparée à la signature de l'usine [d'incinération] d'Harlingen aux Pays-Bas, et non à celle de l'usine d'Ivry, ne permettant pas d'établir, avec toute la rigueur scientifique nécessaire, un lien entre la contamination des œufs et les rejets du Syctom ».