Dans un contexte de raréfaction des ressources, le reconditionnement a plus que jamais le vent en poupe. Si, pour des raisons éthiques et/ou économiques, l'achat de produits numériques reconditionnés fait de plus en plus d'émules chez les particuliers, les entreprises et collectivités ne sont plus en reste. Ce qui encourage certains gros acteurs économiques à se positionner sur un segment longtemps réservé à des PME ou à des structures de l'ESS. Illustration avec Sofi Groupe, devenu, ces dernières années, l'un des chefs de file français des smartphones reconditionnés. Connue du grand public sous la marque commerciale Smaaart, lancée en 2017, l'entreprise s'est engagée, cet été, dans le reconditionnement des ordinateurs. Mais pas toute seule...
Actif depuis le milieu des années 1980 dans la réparation de matériel téléphonique, Sofi Groupe a entamé la diversification de son activité il y a quelques mois, avec la mise en service de deux nouvelles lignes dans son usine de Saint-Mathieu-de-Tréviers (3 300 m²), à une vingtaine de kilomètres de Montpellier. Ces nouvelles lignes ont vocation à prendre en charge toutes les marques et tous les modèles de PC et de Mac, précise-t-on au sein de l'entreprise héraultaise, qui s'est fixé pour objectif de reconditionner 120 000 appareils de ce type d'ici à fin 2023.
Dans l'usine de Saint-Mathieu-de-Tréviers, capable de traiter jusqu'à 600 000 appareils par an – « on devrait flirter avec les 150 000 en 2022, après 100 000 en 2021 », précise M. Estoudre –, les premiers ordinateurs à reconditionner sont arrivés courant juillet : ils ont été récupérés auprès de flottes d'entreprises françaises clientes d'Econocom, important acteur européen de la location d'équipements télécoms et IT… et actionnaire majoritaire de Sofi Groupe, depuis avril 2022.
Un rapprochement inédit dans le secteur
Coté sur Euronext, à Bruxelles, le groupe Econocom (8 200 collaborateurs, 2 505 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021) indique clairement qu'avec cette prise de participation, supérieure à 80 % du capital, il s'est doté des moyens « d'internaliser et d'augmenter significativement les volumes d'équipements reconditionnés pour adresser la demande croissante des organisations publiques et privées pour ce type de matériel ». Car la loi de février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) est passée par là avec, par exemple, l'obligation d'inclure un lot « réemploi » dans les appels d'offres publics d'achats numériques.
Pour ce spécialiste du numérique (équipements, services et financements), l'autre avantage de cette prise de contrôle est d'offrir à ses clients une traçabilité totale sur tout le cycle de vie des produits proposés, de garantir un parcours circulaire à ses équipements.
De son côté, avec ce rapprochement qui apparaît comme pionnier dans un secteur très atomisé, Sofi Groupe s'adosse à un partenaire puissant, qui revendique « plus de 200 000 assets (1) annuels traités (…) en France ». Sur le plan industriel, ce partenariat permet d'abord à la PME héraultaise de sécuriser ses approvisionnements Made in France, auxquels le dirigeant de Sofi Groupe se montre très attaché. Pour Jean-Christophe Estoudre, le reconditionnement n'a effectivement de sens que s'il fonctionne en circuits courts, comme le préconise d'ailleurs l'Ademe dans sa dernière étude sur le sujet. Autrement dit, il faut travailler à la maille du pays, tant en amont pour capter le gisement, qu'en aval pour la vente des produits reconditionnés.
Ensuite, le rachat opéré par Econocom ouvre la voie à de nouveaux développements pour Sofi Groupe. Le communiqué publié à l'annonce du rapprochement, en avril dernier, ne laissait d'ailleurs guère de place au doute sur ce point. « L'accompagnement par Econocom, un groupe européen d'envergure spécialiste du digital et de la transformation numérique, va nous permettre de changer d'échelle dans les années à venir », commentait alors Jean-Christophe Estoudre, avec Marlène Taurines, directrice générale et cofondatrice, elle aussi, de Sofi Groupe.
Une vision partagée
Dans les mois à venir, l'équipe dirigeante de Sofi Groupe va travailler à la validation du modèle économique et industriel développé à Montpellier, en vue de sa duplication dans certains des pays où Econocom est actuellement présent (16 en tout).
L'objectif dans ces projets est de conserver une approche circulaire favorisant les circuits courts. « C'est notre vision et c'est celle d'Econocom », déclare encore Jean-Christophe Estoudre, notant que si « Sofi Groupe est devenu une filiale d'Econocom », « ses fondateurs (cinq), bien que minoritaires, gardent une liberté totale sur la façon de mener le développement industriel » de l'entreprise. Et si le groupe Econocom sera pour Sofi Groupe un important pourvoyeur d'ordinateurs à reconditionner, il n'absorbera, dit-on dans l'Hérault, qu'une quantité limitée des appareils reconditionnés. « Entre 10 et 20 % », estime à ce jour Jean-Christophe Estoudre, là où « plus de 50 % des ventes devraient, dans un premier temps, être assurées en B to C par Smaaart », précise Jacqueline Pistoulet, chargée du marketing, de la communication et du e-business. Le reste se répartira entre le segment de la distribution et celui B to B de la clientèle d'entreprises.