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Actu-Environnement

Le recrutement, facteur limitant de la filière hydrogène

Des 84 métiers de la filière, 17 sont actuellement sous tension, selon l'association France Hydrogène. Trois recruteurs du secteur – Lhyfe, McPhy et H2V – témoignent des difficultés qu'ils rencontrent et de leurs tactiques pour y remédier.

Energie  |    |  F. Gouty

Électromécanicien, soudeur, ingénieur mécatronique, conducteur de camions, tuyauteur-canalisateur : tous ces métiers et encore douze autres sont sous tension au sein de la filière de l'hydrogène. Selon un rapport de France Hydrogène d'avril 2021, cela représente 20 % des postes en recrutement recensés. Pour l'association des acteurs de la filière, cette situation s'explique par un « manque de disponibilité des compétences et des profils associés à court terme », dû principalement à une « concurrence entre plusieurs filières industrielles ». Malgré la diversité des quelques entreprises focalisées sur la production d'hydrogène décarboné, les mêmes diffficultés sont effectivement rencontrées à tous les niveaux de la filière.

Une diversité de besoins, un même blocage

« Les métiers que nous recherchons sont aussi beaucoup demandés dans d'autres filières industrielles, mieux connues et installées, remarque Jean-Marc Leonardht, directeur général de l'entreprise H2V. La production d'hydrogène reste, quant à elle, très peu connue et comporte encore beaucoup d'inconnues. » Filiale de Samfi Invest, société normande d'investissement dans les énergies renouvelables, H2V ambitionne de concevoir, construire et exploiter des usines de production massive d'hydrogène vert d'au moins 100 mégawatts (MW) chacune. Elle projette déjà d'implanter un site près de Dunkerque, d'ici à 2024, après avoir cédé son premier projet, près du Havre, à Air Liquide. Comptant actuellement une quinzaine de collaborateurs, H2V souhaite en recruter quatre supplémentaires dans les mois à venir. Plus facile à dire qu'à faire, selon Jean-Marc Leonardht : « en trois mois, nous n'avons encore pu recruter personne. Et les quelques CV que j'ai eus entre les mains, transmis par deux agences de recrutement, sont loin d'être satisfaisants. » Les chefs de projet et ingénieurs mécaniciens que le dirigeant d'H2V recherche ne sont pas les seuls à s'inscrire dans une apparente pénurie. Des métiers tels que les électromécaniciens ou la maintenance, en particulier concernant l'automatisme et le pilotage des installations, restent également très convoités.

“ La plupart des profils que nous recevons viennent du secteur pétrogazier ou de la construction offshore, cherchant à trouver un nouveau sens à leur activité ” Nolwenn Belleguic, Lhyfe
« Il existe assez peu de talents disponibles du fait de la relative récence du secteur de l'hydrogène, atteste Anne Delprat, directrice des ressources humaines chez McPhy. Il faut faire preuve d'agilité et nous mettre en quête de profils qui viennent déjà du milieu industriel, avec des compétences transférables vers l'hydrogène. » Ancré en France, en Allemagne et en Italie, McPhy est concepteur, fabricant et intégrateur d‘électrolyseurs et de stations d'avitaillement. Début 2022, le groupe comptait 150 collaborateurs, et souhaite en recruter 60 de plus avant la fin de l'année. « Le capital humain est le principal atout de notre société, les enjeux RH sont donc primordiaux pour permettre à McPhy de réussir son passage à l'échelle », souligne Anne Delprat, en référence aux grands projets d'industrialisation prévus par McPhy, comme la future « gigafactory » d'électrolyseurs que l'entreprise prépare à Belfort.

La société bretonne, Lhyfe, rencontre, elle aussi, des difficultés à réaliser ses ambitions de recrutement. D'ici à la fin de l'année, elle souhaite doubler ses effectifs et dépasser les 160 collaborateurs. Spécialisée dans la production et le transport d'hydrogène vert, Lhyfe ne recherche pas de techniciens, mais peine à trouver des candidats en matière d'automatisme, de pilotage et d'électroniciens de puissance. « La plupart des profils que nous recevons viennent du secteur pétrogazier ou de la construction offshore, cherchant à trouver un nouveau sens à leur activité, témoigne Nolwenn Belleguic, directrice générale adjointe, chargée des RH et de la communication de Lhyfe. Sur ce point, nous offrons une bonne alternative par rapport aux industriels, mais l'hydrogène requiert un niveau d'expertise particulier, notamment en termes de sécurité. » La fameuse molécule est en effet très volatile, et nécessite un équipement spécial et normé pour éviter toute dangerosité.

La formation, la solution ?

« Une usine de 100 MW nécessite au moins 35 techniciens. La France devra compter 65 sites, et donc créer 2 000 postes, pour atteindre 6,5 GW d'électrolyseurs, son objectif pour 2030. De toute évidence, nous ne sommes pas bien partis pour y arriver à temps », estime Jean-Marc Leonardht. L'association France Hydrogène envisage même un besoin de recrutement atteignant 150 000 nouveaux postes sur toute la chaîne de valeur dans moins de dix ans. Pour le directeur d'H2V, la vision prometteuse et les premiers soutiens du gouvernement ne suffisent pas à concrétiser ce potentiel : « Entre un objectif et la capacité à le réaliser, il y a une différence. » Il appelle à résoudre les problèmes de lenteur administrative et surtout à construire un programme de formation sur le plan national, « pourquoi pas en décrétant l'hydrogène d'intérêt public majeur ».

L'absence de formations spécialisées dans le domaine est l'épine commune dans le pied des recruteurs de la filière. Anne Delprat, de McPhy, le constate également mais invite « les industriels à jouer leur rôle » en contribuant, avec les universités et les organismes de formation, à « collaborer dans une logique de filière pour mutualiser les expertises, et développer une approche industrialisée sur toute la chaîne de valeur ». McPhy a, en outre, opté pour la formation en interne. Avec des partenaires spécialisés dans la sécurité, le groupe travaille avec d'autres industriels à déployer un module de formation et de sensibilisation aux sujets de sécurité. Pour valoriser ses offres de recrutement à travers l'Europe, la société a même récemment lancé son propre « job-board » afin de « donner encore plus de visibilité sur nos parcours de métier et de formation, notre engagement RSE et notre approche globale ». H2V a contribué, quant à elle, à la construction d'une « H2 Académie » dans l'agglomération Caux Seine, s'appuyant en premier lieu sur un BTS dispensé près du lieu d'implantation de la future usine d'Air Liquide. Elle compte faire de même dans d'autres territoires identifiés comme des « bassins industriels majeurs » : d'abord à Lille, puis à Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône.

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