La gestion des déchets textiles doit sensiblement être améliorée. C'est en substance le message martelé par les pouvoirs publics depuis la rentrée 2022 et la présentation de la feuille de route 2023-2028 de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) de textiles d'habillement, du linge de maison et de chaussures (TLC). Portée par Bérangère Couillard, la secrétaire d'État à l'Écologie, le nouveau cahier des charges mise sur une hausse des volumes collectés et sur le développement du recyclage, idéalement en France.
Collecter 200 000 tonnes supplémentaires
Réunissant des industriels, la société civile, des gouvernements et des chercheurs issus de onze régions européennes, et piloté par la Confédération européenne du textile (Euratex), le projet doit contribuer à l'atteinte des objectifs du Green Deal, notamment en matière de réduction de l'empreinte carbone et de consommation d'énergie et d'eau. Il sera notamment mis en œuvre grâce à 24 PME qui proposent des solutions innovantes en matière de tri, de recyclage de la matière en fibre, d'élimination des contaminants, ou encore de transformation des fibres recyclées en nouveaux matériaux textiles.
RegioGreenTex s'appuiera aussi sur cinq REHubs régionaux dans certaines des plus importantes régions textiles européennes. En France, Techtera, le pôle de compétitivité de l'industrie textile française, dirigera un hub régional en Auvergne-Rhône-Alpes. Deux membres de Techtera seront aussi directement impliqués : Recyc'Elit, qui développe une technologie recyclage et de séparation chimique pour traiter les textiles multimatériaux à base de polyester, et Rovitex, qui élabore un textile technique laminé utilisant uniquement des matériaux recyclés et sans colle.
Une collecte de moindre qualité
Cette trajectoire n'est pas sans poser des problèmes à l'aval. Une étude commandée par Refashion montre qu'en 2021 70 % des achats de vêtements et chaussures se sont concentrés sur les articles d'entrée de gamme (prix moyen de 8,20 euros). Cette évolution érode le taux de réemploi. « Les opérateurs de collecte et de tri alertent depuis une dizaine d'années sur la baisse de la valeur commerciale des gisements », rappelle Refashion, qui s'interroge sur la capacité de revente des produits collectés. Faute de pouvoir être revendus en France, 80 % des textiles triés sont exportés. Une tendance que veut freiner l'État : le cahier des charges prévoit donc qu'en 2024 8 % des TLC réemployés le soient à moins de 1 500 km du lieu de collecte. Cette proportion devra atteindre 15 % en 2027.
Si les textiles collectés peinent à être réemployés, il faudra donc les recycler. Et, là aussi, le cahier des charges fixe plusieurs exigences. Les quantités collectées, mais non réemployées ou réutilisées, devront être recyclées à 70 % en 2024. Trois ans plus tard, cette proportion devra atteindre 80 %. Cet objectif global fait aussi l'objet d'une déclinaison pour les textiles composés d'au moins 90 % de fibres en plastique : le recyclage devra atteindre 50 % de la collecte non réutilisée en 2025, puis 90 % en 2028.
La France et ses voisins plutôt que la zone Euromed
Et, idéalement, ce recyclage devra avoir lieu en France, ou, tout au moins, à proximité. Pour cela, les pouvoirs publics misent sur un soutien à l'incorporation dans les vêtements neufs de matières provenant du recyclage. Deux primes sont prévues : 1 000 euros par tonne de matière recyclée à partir de vieux vêtements (boucle fermée) et 500 euros par tonne de matière recyclée à partir d'autres déchets, hors plastique apte au contact alimentaire (boucle ouverte).
Ces deux primes seront attribuées aux vêtements et chaussures qui incorporent de la matière recyclée à moins de 1 500 km du lieu de collecte ou à moins de 1 000 km du centre de tri (selon le niveau de traçabilité des matières). Cette prime, qui s'appliquera au 1er juillet prochain, ne bénéficiera donc pas à la totalité de la matière recyclée produite dans la zone « Union européenne et pourtour méditerranéen » (Euromed) comme l'auraient souhaité de nombreux industriels du secteur.
En imposant d'améliorer le tri des textiles, la nouvelle feuille de route textiles offre une rampe de lancement à une industrie du recyclage, notamment chimique, aujourd'hui en devenir. Lors de la consultation qui a précédé l'adoption du critère de proximité, de nombreux acteurs de la filière ont plébiscité l'approche que propose l'État. Privilégier les industries du recyclage et du textile hexagonales est l'occasion de réduire les dommages environnementaux associés à l'importation de textiles, ont-ils plaidé.