Mardi 16 avril 2013, le ministère de l'Ecologie a publié un rapport particulièrement critique sur "le facteur 4 en France", c'est-à-dire l'objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'horizon 2050.
Le document, rédigé par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), rend compte de la réalisation des engagements français à long terme en matière de réduction des émissions de GES. Pour cela, il dresse un bilan des trajectoires actuelles par rapport aux prévisions et il propose des pistes pour répartir l'effort entre les secteurs de l'économie.
Préférence injustifiée pour le présent
La France, est-elle bon élève en matière de climat ? Pas vraiment, selon le document qui souligne que "la France respecte formellement ses engagements au titre du protocole de Kyoto, mais il s'agit d'un résultat en trompe l'œil : l'« empreinte carbone » par habitant des Français a augmenté de 15% en 20 ans si on prend en compte le solde des échanges extérieurs de GES".
Et l'Union européenne ? Même constat. "Le paquet climat-énergie européen (…) reporte de manière injustifiée les efforts à plus tard", critique le rapport, dénonçant "un rythme faible de diminution relative des émissions entre 1990 et 2020 (20% en 30 ans soit 0,7% par an) puis un rythme croissant de diminution de décennie en décennie pour imposer à nos successeurs des années 2040 à 2050 un rythme insoutenable, sauf miracle technologique (plus de 6% par an)". Et de conclure : "rien ne justifie une telle préférence pour le présent".
En conséquence, "la plupart des exercices de prospective fondés sur des hypothèses « raisonnablement optimistes » aboutissent à un facteur de réduction des émissions de GES de 2 à 2,5 plutôt que 4 entre 1990 et 2050", estime le CGEDD, ajoutant que "pour atteindre le « facteur 4 » en 2050, tous les experts s'accordent sur la nécessité urgente de donner une valeur au carbone". Une analyse, à laquelle "la mission s'associe pleinement".
Parmi la trentaine de recommandations, certaines visent à renchérir les énergies fossiles. Globalement, le document estime que "pour mieux répartir l'effort (…) dans la durée en augmentant l'effort aujourd'hui et ne pas laisser à nos successeurs un effort irréalisable, [il faut] envisager des « valeurs du carbone » ou des prix des énergies fossiles croissant rapidement dans les prochaines années et éventuellement moins vite par la suite". Trois autres recommandations pointent des mécanismes répondant à cet objectif général.
Tout d'abord il est possible de "piloter le prix à la consommation finale des énergies fossiles carbonées (…) en référence à un trend d'augmentation des prix à moyen terme cohérent avec les diminutions d'émissions souhaitées". Cela pourrait être appliqué par le biais d'une taxe carbone, mais cette option n'est pas forcément privilégiée car "[un] prix unique [du carbone], qui a le mérite de la simplicité (…), n'est pas la meilleure option dans notre monde [réél], où il vaut mieux accepter des « prix du CO2 » différenciés selon les activités auxquelles ils s'appliquent". Comment procéder alors ? "La mission émet une préférence pour une taxation modulée des hydrocarbures, lissant dans le temps les effets erratiques du marché mondial et programmant une hausse régulière des prix", explique le document. Il s'agirait donc d'une taxe flottante sur les produits pétroliers dont le but serait de planifier une hausse régulière des prix.
Une proposition alternative vise à substituer un mécanisme de marché à une éventuelle taxe sur les combustibles fossiles. "Le [système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union européenne (EU-ETS)] pourrait efficacement élargir la couverture des émissions de CO2 par extension aux consommations diffuses de combustibles et carburants fossiles", jugent le document.
Dans la même optique, le CGEDD propose d'"éviter une baisse des prix à la consommation dans le cas où l'arrivée des hydrocarbures non conventionnels réduiraient temporairement la pression sur les coûts d'approvisionnement, par exemple grâce à une modulation dans le temps de la taxation". Une idée qui, si elle était retenue, rendrait caduque la promesse d'une baisse du prix de l'énergie favorisée par l'extraction des gaz et huiles de schiste…
Réaliser l'effort dès maintenant
Quant aux objectifs de réduction des émissions de GES, le rapport propose de les revoir à la hausse dès maintenant. "La trajectoire permettant d'espérer l'atteinte les objectifs en 2050 passe vraisemblablement par une diminution des émissions en 2020 de 25% et non de 20%, ce qui suppose en chiffres ronds un effort de réduction de 3% par an (au lieu de 2 %)", soutiennent les rapporteurs, qui appellent "la France à défendre cette position dans les négociations européennes".
Par ailleurs, conscients des échappatoires offertes par diverses normes internationales, les auteurs appellent la France à "orienter l'action publique vers la recherche de la meilleure efficacité réelle, et non la maximisation des résultats selon les normes de calcul internationales lorsque celles-ci sont inadéquates". De même, ayant souligné l'absence de prise en compte des importations dans les bilan des émissions de GES, le CGEDD propose d'accélérer les travaux réalisés dans le cadre d'Eurostat et visant à prendre en compte les émissions de GES importées.
Encourager "sans modération" les EnR
En matière d'énergies renouvelables, le rapport juge nécessaire d'"encourager dès maintenant « sans modération » la récupération de chaleur, l'hydraulique, l'utilisation de la biomasse non valorisable, l'énergie éolienne". Pour cela, "une action pédagogique étendue, à la fois d'écoute et d'explication sur l'énergie éolienne terrestre" doit être entreprise. Quant à la géothermie haute température et les énergies marines, sur lesquelles le gouvernement mise beaucoup, le rapport juge que "quel que soit leur intérêt, [leur développement] restera dans des volumes modestes dans la période : (…) l'énergie marine devra surmonter des difficultés techniques non négligeables, le gisement géothermique haute température est limité".