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Actu-Environnement

La réduction des phytos passe par un changement des mentalités

Après l'échec d'Ecophyto 1, le gouvernement mise sur le collectif pour entraîner un changement de pratiques. Cette dynamique a manqué lors du premier plan. Mais les résultats des fermes Dephy et de leur travail en réseau montrent l'exemple.

Les phytosanitaires, c'est pas automatique ! C'est ce qui vient à l'esprit à l'issue de la table ronde organisée par la commission développement durable de l'Assemblée nationale, le 8 avril. Alors que trois agriculteurs témoignaient de leur réussite en matière de réduction des intrants, plusieurs députés semblaient encore remettre en question l'objectif d'Ecophyto, avec la rengaine bien connue : stop aux contraintes pour les agriculteurs. A l'instar du député de Mayenne Guillaume Chevrollier (UMP) qui soulignait que "la réglementation française est la plus stricte et qu'elle pénalise nos agriculteurs". Ou de Philippe Plisson, député de Gironde (SRC), qui redoute une perte de compétitivité des agriculteurs français face à la concurrence des produits agricoles étrangers.

Les résultats des fermes Dephy

Plus de 1.900 exploitations sont engagées dans le réseau Dephy, à travers 187 groupes. Mis en place en 2009 dans le cadre du premier plan Ecophyto, ce réseau vise à expérimenter, dans des groupes de fermes pilotes, des techniques et systèmes économes en produits phytosanitaires.

En novembre 2014, les premiers résultats nationaux ont été présentés, et ils sont plutôt positifs. En 2013, hors exploitations en agriculture biologique, 53% des systèmes ont diminué d'au moins 10% leur indice de fréquence des traitements (IFT). Plus d'un tiers des systèmes non économes au départ (43% des systèmes étaient économes au départ) ont réduit leur IFT de plus de 30%.

Le plan Ecophyto 2 mise sur le facteur d'entraînement de ce réseau et souhaite atteindre 3.000 fermes Dephy.
Pourtant, l'expérience des trois agriculteurs présents ce matin est plutôt positive. La baisse du recours aux phytos a, certes, nécessité une remise en cause de certaines pratiques mais elle s'est également soldée par des gains économiques ou, du moins, aucune perte de revenu. Car Ecophyto ne vise pas le zéro phyto, mais une utilisation plus raisonnée des traitements, lorsqu'ils sont nécessaires. Tout comme le cahier des charges de l'agriculture biologique qui autorise l'utilisation de phytos en cas d'avarie, en dernier recours.

Une transition en douceur

Jérôme Audurier a repris, en 1994, la ferme en polyculture élevage de sa famille dans les Deux-Sèvres. "J'ai repris les pratiques telles quelles, je ne me posais pas de questions. Pour le colza, je faisais jusqu'à sept traitements. Mes vaches étaient surtout nourries en silo". A la naissance de ses enfants, au début des années 2000, l'agriculteur commence à se remettre en question : "J'ai rencontré des agriculteurs qui avaient fait le choix du pâturage et j'ai découvert les systèmes herbagers. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à repenser mon projet". Jérôme s'est alors rapproché du Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam) : "J'ai suivi des formations et j'ai vraiment pris conscience qu'il y avait une autre manière de travailler. Mais je ne savais pas par quoi commencer. J'y suis allé en douceur, sans changement brutal". Accompagné, il a progressivement supprimé le recours aux pesticides, aux régulateurs, puis a modifié ses pratiques : allongement des rotations, mélanges de variétés, associations de cultures… "J'ai augmenté la surface en prairie, qui est devenue la base de mon système agricole". L'exploitation compte désormais 190 ha, 190 brebis et 100 vaches laitières. Elle a rejoint le réseau des fermes Dephy (Cf. encadré). "Aujourd'hui, je ne fais plus qu'un traitement pour le colza, sans forte baisse de rendements. Pour l'élevage, j'ai un système quasi autonome, avec dix mois de pâturage dans l'année. Les résultats économiques et humains sont satisfaisants".

Arrêter la course aux rendements

Rendements, résultats économiques… Les termes employés comptent : "La référence, chez les agriculteurs, reste le rendement et non le résultat économique. Quand deux agriculteurs se rencontrent, ils parlent de quintaux à l'hectare, pas de marge", regrette Daniel Evain, agriculteur bio en Essonne depuis six ans et membre de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab).

Pour cet ancien ingénieur chez Monsanto, il n'y a pas que sur ce point que les mentalités doivent changer. Par exemple, "s'ils n'achètent pas des semences traitées, les agriculteurs n'ont pas l'impression d'avoir accès au dernier cri, à l'innovation".

Pour réduire le recours aux phytos, "c'est un ensemble d'éléments qu'il faut mettre en place", explique l'agriculteur. Semences plus résistantes, rotations plus longues, diversification des assolements, biocontrôle en font partie. "Il faut remettre l'agronomie au cœur des systèmes agricoles, ce qui permet d'avoir des résultats rapidement", résume Jérôme Audurier. Le tout, à l'échelle collective : "C'est parce qu'il y avait de la biodiversité et pas de monocultures autour de mon exploitation que la réduction des traitements a été facile pour moi", reconnaît l'agriculteur des Deux-Sèvres.

Le collectif, les échanges, tous insistent sur ce point. "Dans le réseau Dephy, beaucoup de fermes sont parvenues à réduire de moitié le recours aux phytos. Les solutions existent, mais elles ne sont pas assez partagées", estime Benoît Drouin, président du réseau agriculture durable (RAD). Pour cet agriculteur de la Sarthe, les freins au changement sont multiples. "Aujourd'hui, les agriculteurs changent leurs pratiques après avoir connu des difficultés économiques, des problèmes de santé ou après une formation".

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