
À l'occasion des conférences FEDERE organisées par Les Echos, les 27 et 28 mars derniers, plusieurs acteurs du secteur sont venus exprimer leurs projets et leurs attentes pour enfin mener une politique cohérente et incitative en matière de transport.
Pour Serge Mery, vice-président de la région Ile-de-France, il suffit d'écouter ce que demandent les gens et ils veulent d'avantage de transports publics. Outre l'augmentation de l'offre, Serge Mery est convaincu qu'il faut également donner envie d'utiliser le transport collectif en proposant des équipements fiables, spacieux, sécurisés, accessibles aux personnes à mobilité réduite, accessibles financièrement, coordonnés avec les autres modes de transport et confortables été comme hiver. Il faut agir sur toutes les facettes qui sont à notre disposition, explique-t-il. Cependant, les contraintes budgétaires sont réelles : le budget régional dédié à l'investissement dans les transports en commun est de 1,45 milliard d'euros soit le plus gros budget de la région mais il est totalement insuffisant, souligne Serge Méry. Selon lui, pour répondre aux sollicitations en termes d'infrastructure, il faudrait investir 28 milliards d'euros.
Cette approche du « donner envie » est partagée par les prestataires de service des transports en commun. Jean-Pierre Farandou, membre du comité exécutif de la SNCF, déclare ne pas croire à la contrainte et est convaincu que c'est par l'envie qu'on y arrivera. Le groupe axe ses réflexions sur l'augmentation de l'offre en termes d'amplitude, d'autopartage et d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Pour Philippe Segretain, président du groupe Transdev, il faut travailler sur la qualité du service. Il explique notamment qu'en Angleterre, la mise en place de sièges en cuir dans des bus a séduit de nombreux hommes d'affaires habitués au confort de leur voiture de luxe.
Les prestataires du service de transport misent également sur une gouvernance plus cohérente à l'échelle des territoires. On a dans le monde du transport collectif en France une cartographie de la gouvernance qui est compliquée, estime Jean-Pierre Farandou. Philippe Segretain considère quant à lui qu'il faut aider les collectivités pour que les frontières soient le plus souples possibles car un bassin de déplacement n'est pas quelque chose de rigide. Il croit également qu'il faut élargir la compétence des autorités de transports vers des autorités de déplacements pour que la politique voirie et la politique stationnement soient entre les mêmes mains. Le temps où l'on pouvait dire que ce qui était sur pneu appartenait à telle organisation et ce qui était sur rail à telle autre a dramatiquement vécu, explique-t-il.
Outre les prestataires et les collectivités, Jean-Pierre Orfeuil, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris estime que les entreprises ont aussi un rôle à jouer au regard de l'importance des déplacements domicile-travail : on est passé en un demi-siècle d'un lien fort entre l'entreprise et ses salariés, l'entreprise contribuant au logement et au transport de ses salariés, à des liens plus faibles qui se traduisent par des contributions publiques. Le professeur précise en parallèle que sur la même période, les déplacements vers le travail sont passés de 3 km à 15km, ils étaient assurés par l'automobile à hauteur de 10% ils le sont aujourd'hui à hauteur de 70%. Convaincu que cette situation n'est pas compatible avec des objectifs de développement durable, le professeur plaide par conséquent en faveur d'un renforcement du lien entreprise-salarié sur la question des transports. Le développement des Plans de déplacement d'entreprise est un premier pas mais il faudrait aller plus loin dans la réflexion et remettre en cause notre fonctionnement actuel. Jean-Pierre Orfeuil évoque notamment le cas des zones artisanales créées en périphérie des villes avec comme seul accès la voiture, les horaires de travail fractionnés qui oblige à plusieurs allé-retours, la gestion des personnels mobiles comme les livreurs et les coursiers, la place du télétravail, etc. Au final, la réflexion n'est pas uniquement technique et territoriale, c'est toute la société qui doit se l'approprier et surtout se remettre en question.