C'est une réunion déterminante pour l'avenir de la chasse mais aussi pour celle de la politique environnementale du gouvernement qui s'est tenue le 27 août à l'Elysée. C'est en effet la présence non prévue du conseiller politique de la Fédération nationale des chasseurs, Thierry Coste, à cette réunion qui semble avoir emporté la décision de Nicolas Hulot de quitter le gouvernement. "Ça va paraître anecdotique. Mais à la réunion sur la chasse, j'ai découvert la présence d'un lobbyiste qui n'était pas invité. C'est symptomatique de la présence des lobbies en France", a expliqué le ministre démissionnaire sur France Inter.
Les décisions actées lors de cette rencontre ont en effet donné le sourire aux chasseurs. Outre la médiatique baisse du montant du permis de chasser, la mise en place d'une police de la nature et le choix d'une gestion adaptative des espèces chassables retiennent l'attention. Cette approche, consistant à opérer des prélèvements sur les espèces en fonction de l'état de leur population, peut paraître de bon sens mais elle reçoit des interprétations très divergentes.
Quotas de chasse par espèces
Dans son plan biodiversité, présenté début juillet, Nicolas Hulot annonçait la mise en place d'une gestion adaptative des espèces chassables pour "mieux connaître et rationaliser les prélèvements en fonction de leur état de conservation". Mais associations de protection de la nature et chasseurs ne voient pas forcément la même chose derrière ce concept : l'opportunité de diminuer la pression de chasse pour les premières, celle d'allonger la liste des espèces chassables pour les seconds.
"On va laisser la parole à un groupe de scientifiques, qui va donner des informations consensuelles et éclairées sur l'état de conservation de certaines espèces ; en fonction de ces données, ils feront une proposition au gouvernement de fixation de quotas de chasse par espèce", déclare Sébastien Lecornu, le secrétaire d'Etat à la Transition écologique, dans les colonnes du Figaro. L'un des enjeux est la composition de cette instance. "Il existe suffisamment d'organismes scientifiques indépendants comme le Muséum d'histoire naturelle ou le CNRS", estime Yves Vérilhac, directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Ces deux établissements publics avaient révélé en mars dernier qu'un tiers des populations d'oiseaux des campagnes avait disparu en quinze ans.
Six espèces seront examinées dans un premier temps par le groupe de scientifiques annoncé : l'oie cendrée, la tourterelle des bois, la barge à queue noire, le courlis cendré, le fuligule milouin et le grand tétras. "La volonté est de chasser l'oie cendrée jusqu'en février. Nous avons gagné onze fois devant le Conseil d'Etat, nous gagnerons une douzième fois, assure le directeur de l'ONG. Quant aux cinq autres espèces, ce sont des espèces menacées". Dans l'attente de la mise en place de cette gestion adaptative, le ministère de la Transition écologique a publié un arrêté cet été qui prolonge d'une année le moratoire sur la chasse de la barge à queue noire et du coulis cendré. Ce moratoire, qui fait l'objet d'un recours de la Fédération nationale des chasseurs, ne s'applique toutefois pas au domaine public maritime pour cette dernière espèce.
Soixante-quatre espèces chassables maximum
"La gestion adaptative, telle qu'elle a été négociée hier, c'est de permettre une plus grande souplesse pour autoriser non pas plus d'espèces [chassables], mais parfois plus de chasses pour certaines espèces quand elles vont très bien, ou au contraire de la réduire", explique de son côté Thierry Coste au micro de France Info.
"Cela veut dire en fait que si on a beaucoup d'animaux, on peut taper dedans. Je n'ai pas cette conception des choses et je souhaite que 64 espèces soit la limite maximum du nombre d'espèces chassables. Or, cette gestion adaptative pourrait nous inviter à autoriser d'autres espèces à la chasse", répond Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO, dans le quotidien Libération.
Concernant les chasses traditionnelles, Sébastien Lecornu annonce des discussions avec les chasseurs "dans les semaines qui viennent". Mais, dans le même temps, le ministère a mis en consultation cet été trois projets d'arrêtés qui augmentent les quotas d'espèces d'oiseaux pouvant faire l'objet de chasses traditionnelles par rapport aux prélèvements des années précédentes.
La fusion ONCFS/AFB validée par l'Elysée
Dans le cadre de cette réforme, Sébastien Lecornu annonce également la création d'un nouvel établissement public fusionnant l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l'Agence française pour la biodiversité (AFB). "Dans chaque département, l'idée est d'arriver à un minimum de dix effectifs pour rendre exécutoire la police de l'eau, de la chasse, de l'environnement, lutter contre la braconnage et la chasse illégale", explique le représentant du gouvernement qui se félicite de cette fusion. Les différentes tentatives avaient en effet échoué jusque là. "La police doit rester régalienne, notre crainte étant une interférence des fédérations départementales de chasseurs", avertit toutefois Yves Vérilhac.
L'exécutif annonce également la mise en place d'une contribution pour la biodiversité de cinq euros sur tous les permis de chasse alimentant un fonds géré par les chasseurs et abondé par l'Etat à hauteur de dix euros par chasseur. "L'objectif est de le doter de 16 millions d'euros pour des actions concrètes en faveur de la biodiversité : restauration de haies, de chemins forestiers, de zones humides", explique le secrétaire d'Etat.
Mais, parallèlement, l'Elysée a validé la baisse du montant du permis national de 400 à 200 euros. "C'est un cadeau de 20 millions d'euros fait aux chasseurs. Mais 18 millions allaient à l'ONCFS. Je crains que le gouvernement tape à nouveau sur les agences de l'eau pour compenser ce manque à gagner", décrypte le directeur de la LPO.